Commentaire de philippe baron-abrioux
sur Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers...
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@Gavroche
Bonjour ,
j’ai « visité » le village d’Oradour sur Glane , en revenant d’un parcours de découverte des châteaux de la LOIRE : j’avais dix ou onze ans . nous arrivions de Lussac les Châteaux , (Vienne) et rentrions en Gironde .
on était à la fin de l’été peut être en 1961 ou 1962 . mes deux oncles et mon père, engagé volontaire , et ancien d’Indo, avaient connu le guerre , et en parlaient encore parfois , avec émotion .
pendant cet été , j’avais visité des usines de porcelaine à Limoges ( cela faisait partie dans ma famille de ce qui était jugé utile pour comprendre de façon concrète les activités industrielles, agricoles ,artisanales de la France ) .
dans ce qui restait de l’Oradour ancien , celui qui est « visité » aujourd’hui , peut être trois ou quatre personnes marchant en silence dans la rue principale ou échangeant à voix basse . un peu plus loin , le nouveau Oradour . si ma mémoire est encore bonne , il existait dans une des rares maisons pas trop noircie , un pièce où étaient présentées quelques objets de la vie courante déposés , sans aucune légende particulière : ce qui restait de vies enlevées un jour sans raison aucune par des hommes « rendus fous » par leurs histoires fabriquées au nom d’un « idéal » diffusé dans des écrits , dont un livre au nom duquel ils étaient convaincus d’agir à bon droit .
je me souviens d’un fascicule de quelques feuilles avec des photos en noir et blanc à disposition des « visiteurs » de cette maison : couverture avec un bandeau en diagonale portant ce simple mot « REMENBER » sur fond rouge .
un des habitants de nouvel Oradour dont une partie de la famille avait péri nous a accompagnés dans notre parcours dans ce village , s’arrêtant parfois en silence devant l’une ou l’autre des maisons ou l’atelier d’un artisan dont l’activité ou le nom était peints sur le façade noircie .
l’église , à ciel ouvert , et quelques mots glissés aux oreilles des adultes seulement : les détails étaient sans doute trop horribles pour que je les entende et surtout les comprenne .
l’école , vide , vidée de ses enfants pour les conduire de là où ils ne reviendraient jamais .
j’ai souvent repensé à cette journée de fin de vacances , sous un soleil radieux ,organisée par des adultes, sans doute pour me montrer quelque chose que je ne pouvais pas encore comprendre : à mon âge , on « jouait à la guerre » parfois , un simple jeu , sans doute comme les écoliers d’Oradour y jouaient parfois .
j’ai gardé très longtemps le petit livret barré du mot REMENBER sur fond rouge .
le même été , j’avais découvert Azay le rideau , le travail des femmes de Limoges décorant avec leurs pinceaux si fins les porcelaines blanches , les façades brunes d’Oradour sur Glane et de l’ensemble j’ai encore le souvenir . en peu de temps , des traces de femmes et d’hommes avec lesquelles je dois accepter finalement de partager des caractéristiques propres au genre humain et des capacités à agir .
la mémoire se pose aussi facilement sur Azay que sur Limoges ou Oradour mais parfois ..., non, on ne peut pas, on ne doit pas faire le tri !
bonne fin de journée !
P.B.A