mardi 27 juin 2017 - par C’est Nabum

L’œuvre d’un visionnaire

L'école pour tous

Ecclésiastique certes, Théodulf n’en était pas moins impliqué totalement dans la vie de son temps avec la ferme et inexorable envie de changer le cours des choses, d’apporter sa pierre dans ce pays Franc. Charlemagne à l’apogée de sa gloire a en lui toute confiance et l’envoie par deux fois examiner en son nom des provinces lointaines. La Narbonnaise tout d’abord puis l’Aquitaine lors de sa seconde mission.

Ses rapports sont impitoyables. Il dénonce la cupidité, la prévarication, les passe-droits et les abus de pouvoir. Il aurait encore beaucoup à faire s’il revenait parmi nous. L’homme reste droit sur ses principes, refuse les cadeaux et repousse les tentatives de corruption. Il s’applique à lui même les principes qu’il impose aux autres ce qui devrait aller de soi quelles que soient les époques.

Mais c’est dans le Val de Loire qu’il fait son grand œuvre. Il va ouvrir l’enseignement à tous. On connaît cinq grands centres d’enseignement qu’il a créés sans que les élèves n'aient à payer pour le savoir transmis. Il confie à l’abbé Foulques, son ami, la direction de l’école Saint Aignan dans le vieux monastère fondé en 504 dédiée au grand homme qui avait repoussé les hommes d’Attila en 451.

Il installe une autre école dans la ville, près de la cathédrale Sainte Croix dans un vaste ensemble qui comporte non seulement l’école mais aussi un palais de justice et un hôtel dieu dont nous avons vu les principes humanistes. C’est à Wulfin qu’il demande de veiller à la qualité de l’enseignement dispensé toujours dans le respect des 7 branches du savoir.

Il ne se contente pas d’éduquer les enfants de la ville. À Meung-sur-Loire les moines, à son initiative, fondent eux aussi, l’école Saint Liphard qui aura longtemps une grande réputation. À Saint Benoît aussi une école voit le jour pour les enfants du peuple à côté de la grande université de l’époque qui des siècles durant sera le phare intellectuel du royaume.

Mais là ne s’achève pas sa volonté de répandre le savoir. Il demande à tous les curés des bourgs et des campagnes de recevoir les enfants pour leur faire étudier gratuitement les lettres. C’est proprement incroyable de découvrir qu’en cette époque lointaine, un homme organise sur un territoire, une vaste institution scolaire ouverte à tous et gratuite sans distinction d’état ni exclusion de personne.

Chaque enfant de village peut fréquenter l’école presbytérale sans avoir honte de sa pauvreté ni essuyer le refus du prêtre. Chaque église devient ainsi un centre de formation qui sélectionnera ceux qui auront le privilège de poursuivre leurs études dans les quatre grandes écoles des villes et des abbayes. Les curés passent le relais à des moines plus lettrés qu’eux. Les meilleurs élèves terminaient ce long parcours d’excellence à Saint Benoît où jusqu’à cinq mille étudiants se pressaient pour parfaire leur formation.

On devrait élever des collèges et des lycées à la gloire de ce grand homme pour que nos décideurs aient vent de son existence. L’inculture semble régner dans ce petit monde si mesquin qui détourne les yeux d’une histoire qui devrait pourtant les rappeler à leurs devoirs. Une école ascenseur social en une époque décrite comme barbare, il y a de quoi en rester coi !

Mais hélas, les aléas de la politique allait ternir l’image de ce personnage magnifique. La mort de Charlemagne le 28 janvier 814 va bouleverser la donne. Louis le débonnaire hérite de la couronne. Au début, tout se passe bien et Théodulf le reçoit triomphalement à Orléans. Une cérémonie a lieu à Notre Dame du Mont, la future cathédrale Sainte-Croix. On bâtit une église dédié à Saint Marc pour l’occasion.

Son chemin de gloire continue encore, le pape Étienne IV le fait archevêque afin qu’il puisse couronner Louis le Débonnaire, devenu Louis Le Pieux. La ville d’Orléans brille de mille feux, bénéficiant alors de l’immense gloire de son grand homme. Puis son image va soudainement se ternir après la révolte de Bernard, l’un des frères de Louis.

Le roi Bernard revendique l’indépendance de l’Italie. Théodulf est accusé de tremper dans le complot. Il échappe à la mort tandis que Bernard a les yeux crevés avant que de mourir en de terribles douleurs. Son statut d'archevêque l’épargne et il se retrouve emprisonné dans les geôles d’Angers durant quatre longues années.

C’est à l’occasion de la fête des Rameaux de l’an 821 qu’il est libéré. La légende veut que le roi fut ému par un long poème déclamé par le prisonnier lors du passage du monarque sous ses barreaux. Théodulf ne bénéficiera pas longtemps de la clémence royale, il meurt empoisonné le 14 octobre 821. Son épitaphe témoignait son attachement à sa ville. Théodulf aurait demandé qu’on grave ceci sur sa tombe : « Je fus évêque d’Orléans et c’est sur ce rivage que j’ai souhaité reposer au milieu de mes brebis ». Hélas son corps sera inhumé dans sa prison d’Angers...

L’histoire ne lui a pas rendu justice. Il est vrai qu’il a été emprisonné et que jamais un élu orléanais n’irait soutenir un homme mis en examen ou pire encore incarcéré. On comprend mieux ainsi l’injuste oubli dans lequel est tombé ce grand homme. Puisse ce petit rappel réveiller les consciences locales s’il en existe encore quelques-unes dans une cité où l’on préfère célébrer encore la mémoire de Gilles de Rais, compagnon de Jeanne d’Arc que ce personnage exemplaire.

Admirativement sien.

93553801.jpg



7 réactions


Réagir