mardi 25 avril 2017 - par Theothea.com

« La résistible ascension d’Arturo Ui » au travers des mailles à La Comédie Française

Dès l’ouverture du rideau de la salle Richelieu, l’élément scénographique qui s’impose d’emblée au regard et à l’appréciation, c’est la superstructure câblée, faisant « écran » entre scène et public, qui s’élève de biais vers les cintres en constituant un assemblage d’alvéoles pouvant s’apparenter à un vaste terrain de jeu.

JPEG - 67.4 ko
LA RESISTIBLE ASCENSION D’ARTURO UI
© Christophe Raynaud de Lage

Cependant maintenir la stabilité du corps humain en escalade sur ces câbles tient quasiment de l’exploit acrobatique relevant, de fait, du défi d’avec les « lois » de l’équilibre et de la gravité.

Pour faire sens, la plupart des commentateurs parlent d’un simulacre en forme de « toile d’araignée » effectivement induite par la structure modélisée prête à dévorer l’intrus qui serait coincé malencontreusement dans les mailles du filet cependant, qu’à l’heure d’internet, filer la métaphore imagée pourrait tout aussi bien faire appel à celle du Web tissant sa Toile grâce à la multiplicité des nœuds reliant les cellules intriquées entre elles et sur lesquelles évoluerait habilement le surfeur virtuose en quête de références, de connaissances et donc de pouvoir sur la réalité virtuelle ou pas.

Bref, au royaume d’un système en réseaux, perçu a priori complexe et contradictoire, ce pourrait être tout aussi bien l’intuition positive que la malignité destructrice qui devraient mener le bal… peut-être même de concert.

Comment alors s’étonner de la facilité avec laquelle un apprenti dictateur pourrait aisément y faire ses classes en apprenant, à vitesse accélérée, toutes « les ficelles » de la manipulation des masses ? 

JPEG - 76 ko
LA RESISTIBLE ASCENSION D’ARTURO UI
© Christophe Raynaud de Lage

Que celui-ci soit Führer d’un côté de l’Atlantique ou Big Boss de la mafia des choux-fleurs de l’autre côté, les règles pour parvenir à ses fins seraient identiques à toute époque et partout.

Il suffirait de foncer tête baissée en affichant l’audace et l’intrépidité comme vertu cardinale, tout en ne laissant aucun doute sur la détermination rhétorique du verbe à proférer La « Vérité » univoque et indiscutable.

Le tour est bien joué !… Il ne restera plus qu’aux comédiens du Français à s’affranchir de toute réserve et à miser leur talent infini sur l’universelle « Farce » délibérément grotesque et forçant le ridicule à ce point qu’elle pourra fédérer, par pédagogie performante, l’auteur Bertolt Brecht ayant associé, pour la cause, Nazisme et Capitalisme, la metteuse en scène allemande Katharina Thalbach ayant totalement assimilé l’esthétique de l’expressionnisme dès son enfance et le scénographe Ezio Toffolutti ayant su puiser, dans le labyrinthe de la contemporanéité, les cordages bien arrimés pour emballer la synthèse de la déviance sociétale d’avec la décadence morale.

A la manière d’un monsieur Jourdain qui aurait, en définitive, tout compris de l’aptitude à être capable de s’époustoufler lui-même avant que de bluffer les autres, ainsi que de la jubilation cynique d’un Charlie Chaplin jonglant sur un volcan maléfique avec la mappemonde planétaire, à charge donc de Laurent Stocker de donner le magistral coup de pied de l’âne qui expédiera la troupe du Français au septième ciel de la parodie où seul compte le savoir jusqu’où la caricature peut « aller trop loin » de façon à mieux fustiger « l’innommable ».  

photos © Christophe Raynaud de Lage, coll. Comédie-Française 

LA RESISTIBLE ASCENSION D'ARTURO UI - ***. Theothea.com - de Bertolt Brecht - mise en scène Katharina Thalbach - avec Thierry Hancisse, Éric Génovèse, Bruno Raffaelli, Florence Viala, Jérôme Pouly, Laurent Stocker, Michel Vuillermoz, Serge Bagdassarian, Bakary Sangaré, Nicolas Lormeau, Jérémy Lopez, Nâzim Boudjenah, Elliot Jenicot, Julien Frison, les comédiens de l'Académie Marina Cappe, Tristan Cottin, Ji Su Jeong, Amaranta Kun, Pierre Ostoya Magnin & Axel Mandron - Salle Richelieu / Comédie Française




Réagir