mercredi 5 juillet 2017 - par C’est Nabum

Les tics de langage

La dernière correction.

L’aventure du roman à quatre mains n’en finit pas de se prolonger, pour notre plus grand plaisir. Sans cesse, il convient de remettre l’ouvrage sur le métier pour débusquer les fautes de frappe – euphémisme commode pour qualifier nos inévitables et déplorables écarts orthographiques – tout autant que les redondances, répétitions, lourdeurs et manies qui encombrent une écriture au long cours.

L’épreuve est redoutable pour celui qui découvre alors horrifié ses tics de langage, des mots qui reviennent sans cesse sous la plume, perdant ainsi toute valeur et tout charme. Je vous fais grâce de leur nombre, il est simplement hallucinant. Pauvres premiers lecteurs qui eurent à subir cette ribambelle scabreuse de tendrement et de délicatement pour ne citer que ces deux récifs sur notre océan de mots qui s'amoncelèrent au risque du ridicule et du naufrage.

Vous saviez naturellement ma déplorable assuétude à l’adverbe, celui-là même que les véritables écrivains modernes se plaisent à éradiquer de leurs écrits. J’ai la prétention de défendre les espèces en voie de disparition, l’adverbe tout comme l’adjectif qualificatif sont de celles-ci. L’usage les a ravalés au rang d’encombrants témoins d’un style ampoulé quand l’écrit doit désormais gagner en fluidité, rapidité, simplicité et efficacité selon des dogmes propres à un créole universel.

Les nouveaux pragmatiques du clavier se passent aisément de la nuance ou bien de la coloration, de la description ou encore de l’ambiance qu’apportent ces deux éléments à la si bonne nature. Que j’en use à l’excès n’est pas une raison pour les éradiquer sans pitié. Mais que ce « tendrement » a appesanti mon propos, revenant sans cesse sous ma plume, faute sans doute, de parvenir à exprimer les sentiments autrement que par son truchement.

Son homologue « délicatement » démontre à l’évidence que c’est avec des gros sabots que j’ai emprunté les traces de ma collègue Nadine, qui est, quant à elle bien plus à l’aise pour décrire l’amour, la passion, le plaisir. Cet exercice mutuel de la double rédaction a mis en lumière les invraisemblables manies d’un écriveur maladroit en mal d’imagination. L’impitoyable traque de ma camarade fut salutaire, elle me poussa à me rendre à l’évidence, je manque cruellement de subtilité dans l’écriture.

Il a fallu élaguer, couper, tailler, retirer, transformer, alléger, aérer. La correction fut une chasse sans pitié pour ces mots qui reviennent sans cesse, ces termes qui sont devenus des réflexes lamentables. Je découvre avec effroi que la longueur d’un roman met en lumière ce qui ne se voit que faiblement dans une chronique quotidienne.

Quatre cents pages avec un adverbe qui surgit régulièrement, inexorablement, épouvantablement à tout propos en trop de circonstances et voilà que s’effondre le mythe du style maîtrisé. Je ne suis qu’un tâcheron que délicatement ma patiente associée remet sur le droit chemin. Elle surligne les intrus, les dénonce à ma cécité confortable, moi qui me refuse à voir mes travers et mes manies.

La chasse aura-t-elle été suffisante ? Ce n’est qu’en lisant le roman que vous ferez votre opinion, vous qui aurez désormais la clef de la lecture. Vous comptabiliserez les adverbes rescapés ceux qui ont échappé à sa vindicte. Vous plaindrez alors le malheureux éditeur qui, à de multiples reprises, reçut des versions à modifier. Il lui a fallu de la patience pour supporter ce duo d’écrivains incertains qui conjuguaient leurs différences.

Il y a sans doute matière à être fiers du résultat final. La complémentarité a fini par donner un résultat acceptable. Il vous restera à attendre septembre pour découvrir cet étrange objet qui durant dix-huit mois, mobilisa nos énergies, nos inquiétudes, nos interrogations, nos doutes, nos exaspérations et nos espoirs.

Délicatement, nos doigts se glissèrent tendrement sur le clavier pour donner la vie à ce récit, prochainement à paraître. Tendrement, l’adverbe se plut à décrire ce que je ne savais pas exprimer délicatement. Nonobstant ces fautes de jeunesse, faites donc bon accueil à notre règlement de conte sur la Loire, c’est tout ce que nous espérons.

Écrit-vainement vôtre.



11 réactions


  • Henry Canant Henry Canant 5 juillet 2017 21:29

    J’aime les textes de Nabum, il a une écriture alerte et légére qui traite son sujet d’une manière efficace tout en employant des métaphores permettant de plonger rapidement dans son thème avec délicatesse et humour de bon aloi.


    On est loin des lourds et pontifs de phraseurs mornes qui sévissent ici.
    Continue, tu révolutionnes la littérature.





  • Bernie 2 Bernie 2 6 juillet 2017 01:10

    J’en viens à prier que la nature fasse son oeuvre et enfin fasse taire ce scribouillard. On a tout eu de lui, ces problèmes de segpa, comme si ça nous intéressait. Ces descriptions de maisons de retraite, de soupe populaire. Ces cris du coeur contre les édiles ou ces contemporains qui ne comprenaient pas son talent si flagrant. Son écriture a quatre mains avec ses pieds en plus. Bref, du nabum, matin, midi et soir sur tant de médias qu’il en attire 3 pelés et 2 tondus. Le silence devrait réellement motiver votre vie, ça vous permettrait peut être de vivre. Pour ma part, je ne souhaite qu’une chose, crève charogne.


  • Lonzine 6 juillet 2017 12:16

    la rédaction devrait mieux veiller à ces hordes qui viennent détruire ( ou tenter de) un auteur qui produit de bons textes ( merci à Nabum)


    • C'est Nabum C’est Nabum 6 juillet 2017 15:00

      @Lonzine

      Je pense qu’ils ont besoin de moi pour apprécier leurs immenses mérites
      Ils me sont si supérieurs


    • C'est Nabum C’est Nabum 6 juillet 2017 15:01

      @Robert Lavigue

      Merci grand maître


    • j.michel j.michel 7 juillet 2017 09:06

      J’ai quand même été voir, simple coup d’œil chez un des gens qui réussissent, et j’ai rencontré des fruits bien verts, comme dans ce panier :

      « Dans mon assiette, il y a moins de crevettes et plus d’avocats... J’aime pas les avocats ! »

      et drôlatiquement cela m’a fait pensé aux produits d’un émigré à Saint-Petersbourg ou d’un de ses potes, nostalgiques de la coloniale.

      Cela n’empêche d’ailleurs nullement Saint-Petersbourg d’être un lieu aussi magique que les bords de la Loire.


    • j.michel j.michel 7 juillet 2017 15:38

      @Robert Lavigue

      Morice ? connais pas, trop jeune sans doute, mais peu importe. Puisque vous semblez apprécier le facho émigré à Saint Pétersbourg, vous avez dû lire ceci :

      http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-legion-d-honneur-un-revelateur-178655#forum4525410

      sous lequel votre ami facho décrit ma vie privée et même une partie de mon patrimoine,

      et en conséquence votre belle connerie sur mon anonymat fait pschitt.


  • j.michel j.michel 7 juillet 2017 15:45

    ici c’est plus drôle que sur le Nouvel Obs : il n’y a pas Netino avec sa nuisance smiley


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