mardi 9 mai 2017 - par Theothea.com

« Maris et Femmes » Le scénario de Woody Allen en tournée théâtrale hexagonale

A l’affiche du Théâtre de Paris en 2016 avec nomination aux Molières dans la catégorie "meilleure comédie", de nombreuses représentations de "Maris et Femmes" se sont poursuivies en tournée 2017 notamment en région parisienne au Théâtre Montansier de Versailles ainsi qu’au Casino d’Enghien. La prochaine résidence est annoncée pour début mai au Jeu de Paume d’Aix-en-Provence et Angers devrait clore ce cycle hexagonal à la mi-juin.

 

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MARIS ET FEMMES
© Celine Nieszawer

 

Sur une idée d' Hélène Médigue, une des comédiennes, Christian Siméon (Molière du "meilleur auteur" en 2007 pour "le Cabaret des hommes perdus") a adapté le scénario de Woody Allen dont le film éponyme de 1992 a été le dernier tourné avec sa compagne Mia Farrow et donc marqué par l'empreinte d'une séparation inévitable. Il nous y livrait une vision de la vie en couple dont le contenu primait sur la forme dans un style quasiment documentaire. Comme gagné par l’hystérie de la plupart de ses personnages féminins, Woody Allen traduisait l’instabilité chronique de ces quadragénaires mal dans leur peau par des mouvements saccadés de caméra à l'épaule.

Comment montrer au théâtre la déstabilisation d'un groupe d’ " intellos-bobos " new-yorkais sûrs de leur statut professionnel, social, en l’occurrence les évolutions sentimentales de deux paires de personnages en apparence équilibrés, mais qui vont révéler peu à peu la béance de leurs failles ?

Dans un décor design très épuré de gratte-ciels en carton-pâte, tout de guingois, qui, grâce à un jeu de lumières élégantes (Laurent Béal), s'animeront de couleurs variées indiquant les heures de la journée et instillant à chaque fois une nouvelle ambiance dans laquelle vont déambuler les protagonistes, la pièce démarre sur l'annonce très décontractée de la séparation, par consentement mutuel, d'un couple ayant vingt de vie commune et assumant le fait qu'il arrive à son terme à un autre couple d'amis, les meilleurs du monde, au cours d'une petite soirée sympa.

Coup de tonnerre inattendu et bouleversant pour ces derniers ensemble, eux, depuis dix-sept ans et qui va déclencher fatalement une remise en question, le doute se distillant au fur et à mesure dans leur intimité et leur stabilité apparente. S'ensuit un chassé-croisé de situations et d'émotions, les deux duos agissant comme des vases communicants.

Jack (Marc Fayet), décidé à faire du sport, quitte Sally pour une femme beaucoup plus jeune qu'elle et plutôt "nunuche" qui croit en l'astrologie, sa dynamique prof d'aérobic (Astrid Roos). Cynique, cassante, cérébrale, Sally encaisse avec une certaine désinvolture. C'est la radieuse et renversante Florence Pernel qui endosse le rôle de cette superwoman au caractère bien trempé, ayant besoin de contrôler les moindres détails de sa vie. Elle a besoin de réfléchir sur tout et à n'importe quel moment, même les plus intimes, ce qui donne des scènes très cocasses en particulier avec son nouveau prétendant Mickaël interprété par le très attentionné Emmanuel Patron, qui se taxe d' être un romantique, tout ce que déteste la désabusée Sally.

 

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MARIS ET FEMMES
© Celine Nieszawer

 

Hélène Médigue, qui interprète son amie est, elle, une émotive qui essaie de concilier les contraires, dissimulant derrière une façade d'intellectuelle équilibrée une fragilité sentimentale qu'elle tente de refouler, attirée et éblouie par le charme de Mickaël alors qu'elle ne cesse de réitérer son désir d'enfant avec Gabe, son compagnon.

D’autant que de son côté, Gabe, professeur de littérature, ne se sent pas prêt à assumer la paternité et n’est pas insensible aux démonstrations d’admiration d'une jeune étudiante, Rain, pleine de fraîcheur (Alka Balbir). José Paul, toujours bluffant, rentre en finesse dans l'esprit de Woody Allen avec sa carapace ironique, sa nonchalance, sa maladresse qui dessinent en contrechamp la silhouette du cinéaste.

 

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MARIS ET FEMMES
© Celine Nieszawer

 

Ces quatre amis et les acolytes qui viennent perturber leur jeu et servent de catalyseurs nous livrent une partition gaie, truffée d'humour noir, on se lance des répliques drôles avec vivacité malgré les interrogations existentielles empreintes de gravité. La mise en scène rapide, nerveuse et sobre laisse la place aux dialogues souvent croustillants, débités dans de courtes séquences qui se déroulent à un rythme soutenu comme si Stéphane Hillel voulait choper des instants de réalité ou des moments d'improvisation.

Cette chronique conjugale à la sauce new-yorkaise est souvent caustique et bien que la séquence d'Halloween semble trop caricaturale et pesante, avec le revirement "pleurnichard" de Jack implorant Sally de revivre avec lui, délaissant sa jeunette délurée, le ton savoureux de Woody Allen est habilement traduit par cette forme de légèreté frivole caractéristique de l'auteur.

 

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MARIS ET FEMMES
© Celine Nieszawer

 

"Maris et femmes" opère un véritable coup de théâtre avec ce retournement de situation assez savoureux : Jack et Sally qui avaient annoncé leur séparation imminente finissent par se ressouder, alors que Judy et Gabe qui renvoyaient une image de solide entente subissent le cataclysme de la rupture.

Érosion ou tentation passagère ! Usure du quotidien ou aiguillon du démon de midi ! Poids des non-dits ! Crise de réflexion des quadras ! tels sont les enjeux de cette pièce fort bien adaptée, aux personnages attachants, fragilisés par leurs failles et leurs fêlures.

 

photos 1, 2, 3 & 4 © Celine Nieszawer

photo 5 © Theothea.com

 

MARIS ET FEMMES - **.. Cat'S / Theothea.com - de Woody Allen - adaptation Christian Siméon - mise en scène Stéphane Hillel - avec FLORENCE PERNEL, Hélène Médigue, JOSÉ PAUL, MARC FAYET, ASTRID ROOS, EMMANUEL PATRON & ALKA BALBIR - En tournée hexagonale

 

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MARIS ET FEMMES
© Theothea.com

 




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