mardi 1er août 2017 - par Orélien Péréol

Nuits blanches sur un fleuve

Nuits blanches sur un fleuve adaptation du Horla de Guy de Maupassant par Tarik Noui, m e s d'Amandine De Boisgisson, interprété par Christophe Martinet Compagnie du Petit Théâtre Illustré Vu à Avignon, à L'Espace Alya.

On connait le Horla et cette nouvelle fait l'objet de nombreuses adaptations à la scène. Elle est un joyau de la littérature française, très appréciée par les professeurs de Français et les élèves. Maupassant y écrit une expérience de la folie dont il est très proche et qui finira par l'emporter... Cela tient du fantastique, qui est l'apparition inopinée d'éléments impossibles, incroyables au milieu d'un contexte plausible, ordinaire, paisible...

C'est ce parti qu'a pris la compagnie du Petit Théâtre Illustré, sous la houlette d'Amandine De Boisgisson, pas tellement d'exalter une sorte de perfection textuelle qu'a atteint si souvent Maupassant et particulièrement dans le Horla, mais de la transformer en théâtre, que le public vive avec le personnage cette lente dégradation de ses perceptions, son incompréhension devant des phénomènes inexpliqués, ses misérables tentatives de trouver des preuves...

Le public est accueilli dans la situation avant même de s'assoir, il en fait partie d'une certaine façon. Sur scène, les éléments fondamentaux d'un intérieur, d'une chambre. Un lit, forcément. Un méchant lit de fer qui semble plus lié à un asile qu'à un intérieur bourgeois comme devrait être la maison de Maupassant. Un fauteuil, un perroquet (le porte-manteau, pas l'oiseau). Une toile transparente au centre de l'espace scénique, sur laquelle viendront un certains nombres de projections...

Au début, tout va bien, puis notre héros, heureux en sa belle maison avec une vue splendide sur la Seine, ressent quelques mouvements dans les objets qui lui suggèrent une présence invisible, aux buts inconnus. Des verres se vident dans la nuit, alors qu'il ne se souvient pas d'avoir bu. Il s'inquiète, s'affole même ; ne deviendrait-il pas fou ? Il se fait soigner. Il y a des nuits de répits, plusieurs à la suite. Tout ne serait-il pas fini ? On voit dans le comportement du comédien, les méandres de cette angoisse qui monte, qui monte... comme une marée. Il essaie de savoir, il s'enduit les mains d'un produit qui laisserait des traces s'il touchait au verre, s'il était somnambule... Rien n'y fait, l'angoisse est totale. Un film nous le montre en forêt l'hiver, avec meubles d'intérieur... et donne image à ce délire éprouvant.

Il trouve un article dans le journal sur des phénomènes semblables au Brésil, un être hétérogène et mystérieux y est nommé : le Horla. On voit notre personnage perdre effectivement la raison, s'imaginer la fin de l'humanité, remplacée par ces êtres sans corps, invisibles, sans corps donc sans douleurs, sans maladie sans doute... des êtres d'une puissance incomparable... Il se sent le dépositaire de l'introduction de ces monstres sur ce côté de l'océan, responsable de leur propagation et crée une mort pour le Horla pire que tout pour lui-même et ses domestiques.

La mise en scène et le travail du comédien, Christophe Martinet, donnent vérité théâtrale à ce texte qui ne l'est pas et nous embarquent dans le chemin par lequel ce bourgeois ordinaire quitte définitivement la réalité.




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