mercredi 9 août 2017 - par Fergus

Paimpol 2017 sur les routes de l’Orient

« Nous sommes plein vent arrière  » dit un célèbre chant de marins, et il faudra que le souffle soit puissant pour transporter les festivaliers de la 13e édition sur ces « routes de l’Orient » qui constitueront le thème de Paimpol 2017. Mais pas d’inquiétude à avoir, les vents annoncés seront portants...

Avec cette nouvelle édition du Festival du Chant de Marins (Gouel Kan ar Vartoloded), les organisateurs comptent bien au moins égaler le précédent record de participation – 155 000 entrées – les vendredi 11, samedi 12 et dimanche 13 août dans le port de Paimpol, lieu emblématique de l’harassante et périlleuse pêche à la morue sur les bancs d’Islande, si bien contée naguère par Pierre Loti.

Comme cette année, le répertoire de nos marins et mariniers sera complété par des prestations venues d’ailleurs, comme le veut une tradition désormais bien étable, symbolisée par le sous-titre du festival : Musiques des mers du monde (Sonerezhioù Morioù ar Bed). En 2017, c’est sur les routes de la soie, du thé et des épices que le festival mettra le cap en faisant appel à des artistes venus de lointaines contrées d’Asie.

À cet égard, le dépaysement sera garanti avec les chants de Sainkho Namtchylak (unique concert en France) qui a mis sa voix exceptionnelle au service de sa culture mongole. Saied Shanbezadeh, joueur de cornemuse et de clarinette iranienne, offre quant à lui une musique métissée d’inspiration principalement persane mêlant tradition et électronique. Autre invité, le groupe post-rock sud-coréen Jambinai mêle dans sa musique originale instruments modernes et traditionnels, tels le geomungo, l’haegeum, le piri et le taepyeongso. Tel n’est pas le cas de la chanteuse Youn Sun Nah, elle aussi coréenne, mais dont le répertoire est résolument centré sur le jazz.

Des Coréens, mais également des Japonais seront présents sur le site du festival. Tels les étonnants musiciens de Gocoo dont le répertoire ancré sur la tradition des percussions Taiko est métissé d’apports occidentaux. Japonaise également, mais à moitié seulement car son père est français, Maïa Barouh est à classer dans la famille électro-pop ; on lui doit un dernier album d’arrangements de chants traditionnels de la région de Fukushima en hommage aux victimes de la catastrophe nucléaire. Autre temps fort, la prestation aux accents disco et funky très attendue des spectaculaires « bollywoodiens » de Bombay Royale (unique concert en France), sans compter la présence d’autres artistes venus, parfois de fort loin, partager leur culture orientale.

Seront également à l’affiche de Paimpol 2017 le père du renouveau de la musique bretonne Alan Stivell, l’ambassadrice de la musique trinidadienne Calypso Rose et d’autres artistes de la scène internationale comme Asian Dub Foundation, Haïdouti Orkestar, Tinariwen, Kassav, Malicorne ou la bretonnante Gwennyn et le poète Gilles Servat.

Mais le cœur d’un tel évènement musical et festif est bien évidemment la tradition de musique et de chant des marins et des mariniers. En étant fidèle sur ce plan à ses racines et à la volonté d’origine de Pierre Morvan, fondateur du festival, Paimpol 2017 perpétue la mémoire de tous ces auteurs, souvent anonymes, qui ont composé les airs et écrit les paroles de ce qui constitue le répertoire, à la fois traditionnel et vivant, de ce que l’on nomme de manière générique « les chants de marins ». Un répertoire fait, pour l’essentiel, d’airs destinés naguère à rythmer le dur et ingrat travail de bord des matelots de la « Grande pêche », partis sur les goélettes de Paimpol, Saint-Malo, Fécamp ou Dunkerque en quête de morue sur les redoutables bancs d’Islande et de Terre-Neuve.

Un festival de musique dans un décor maritime

Chants à haler, à hisser, à nager (ramer), à virer, tout ce répertoire de travail pourra être entendu à Paimpol. De même que les complaintes des matelots exposés aux terribles réalités de la vie en mer, ou celles des femmes confrontées à l’angoissante, et trop souvent vaine, attente du retour de campagne*. Incontournables également, les chants de détente à contenu plus léger, les chants de métiers, et les instrumentaux destinés à la danse, principalement composés sur des rythmes de mazurka, de passe-pied, de polka et de valse. Non moins incontournables, le répertoire spécifique des marins de « La Royale » ou celui, particulièrement présent dans les superbes shanties britanniques, des matelots embarqués sur les grands clippers à voile du 19e siècle.

Pour entendre ce répertoire riche et haut en couleurs, les 150 000 visiteurs attendus sur le site durant les trois jours pourront compter sur le talent des 160 groupes – dont 56 formations de chants de marins – présents à Paimpol pour ce rendez-vous pas comme les autres : « C’est un festival de musique avec un décor maritime. À l’inverse d’autres évènements, c’est d’abord de la musique avec un rassemblement de vieux gréements », a récemment confié Pierre Morvan au quotidien Ouest-France. Et de fait, il y aura, comme c’est le cas à chaque édition du festival, plus de 200 vieux gréements français, britanniques et néerlandais dans les bassins du port pour le plus grand plaisir des photographes. Avec en vedettes étrangères cette année la superbe goélette suédoise Earl of Pembroke, le vieux bateau à vapeur de la marine néerlandaise Hydrograaf et la caraque espagnole Nao Victoria (réplique du bateau de Magellan), venus tenir compagnie aux superbes voiliers français que sont le trois-mâts goélette granvillais Marité, la goélette fécampoise La belle poule, l’aviso-goélette brestoise La Recouvrance, ou bien encore le lougre briochin Grand Léjon.

Les visiteurs auront, sur fond de voiles et de mâts, le choix entre trois scènes, le pont de la goélette Earl of Pembroke et les chapiteaux d’un cabaret et d’un pub, tous deux couverts. Cela dit sans oublier les quais du port de Paimpol où nombre de groupes musicaux, de bagadoù et de fanfares déambuleront en complément de la programmation des scènes. Les visiteurs pourront même s’initier aux danses bretonnes lors des festoù-noz. Bref, il y aura chaque jour de la musique et des chants partout sur le site, dès 10 h sur les quais et 14 h sur les scènes, et cela jusqu’à... 2 h ou 3 h du matin.

De la musique, des moules-frites, des galettes-saucisse, des harengs fumés, des maquereaux marinés, de la bière et du cidre, des rires, de l’émotion, des animations pour les enfants, il y aura tout cela sur les quais de Paimpol. Avec à la clé une formidable ambiance, festive et chaleureuse, pour tous, petits et grands. Et cela pour 27 euros la journée (4 euros pour les 6 à 14 ans) ou 54 euros le forfait trois jours (8 euros pour les 6 à 14 ans). Un prix d’ami pour de la musique à gogo, à consommer sans modération à l’écoute des artistes invités, qu’il s’agisse des grands noms évoqués plus haut ou de groupes comme Aco + Taca, Cent Z’escales, Le XV marin, Les Gabiers d’artimon, Les Goristes, Nordet, North Cape, Sheepsfolk, Skolvan, Taillevent, The Wareham Whalers, Vent de Noroise, Za Horyzontem, pour ne citer que ceux-là, sans oublier bien sûr le groupe local, Les souillés de fond de cale, présent à Paimpol depuis l’origine du festival en 1991.

Degemer mat e Gouel Kan ar Vartoloded ! (Bienvenue au Festival du Chant de Marin !)

Deux symboles forts, présents sur la commune voisine de Paimpol, Ploubazlanec, rappellent, l’un, l’attente angoissante des femmes de marins, l’autre, le lourd tribut payé aux conditions de mer.

Le premier, la Croix des veuves, est bâti sur un promontoire face à la mer. Elle est composée d’une Trinité et d’une Pietà au sommet d’un fût de granit gravé d’inscriptions latines tirées de la Vulgate. C’est là, aux abords de cette superbe croix sculptée, que les femmes guettaient les flots en attendant le retour des goélettes parties pour l’Islande lorsque les bateaux tardaient à rentrer au port en fin de campagne. Initialement nommé Kroaz Pell (la croix lointaine), cet émouvant monument a été rebaptisé par Pierre Loti dans son célèbre livre Pêcheurs d’Islande.

Encore plus émouvant, le second symbole prend la forme d’un impressionnant Mur des Disparus dans le cimetière de Ploubazlanec. Alignées côte à côte en forme d’hommage muet, des dizaines de plaques commémoratives portent gravés dans le granit ou le marbre les noms des 120 goélettes et des 2000 marins de Paimpol et des environs qui ont laissé leur vie dans les eaux glacées des bancs de pêche d’Islande.

Pour en savoir plus sur ce festival pas comme les autres : Paimpol 2017 avec une superbe vidéo de présentation.

En complément du festival, un site à visiter : chants-marins.info

 

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Le Renard et l’Etoile de France (2015)

 

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The Exmouth Shantymen (2015)

 

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Vieux gréements dans le port (2015)

 

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Taillevent (2015)

 

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Vu dans le port (2011)

 

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Trois artistes du festival


2 réactions


  • lisca lisca 9 août 2017 10:53

    Vive les chants de marins !
    Mais pourquoi inviter les Mongols ? Sont-ils marins ? Proches de nos marins par l’Histoire ou la géographie ? Et combien ça coûte aux Français ?
    Pourquoi pas les Anglais, peuple de la mer (avec le nôtre) s’il en fut ? Les Danois ? Les Ecossais ? Les Irlandais ? Les Islandais ? Les Norvégiens ? Les Espagnols ? Les Italiens ? Les Russes ?
    Ils n’avaient pas de marins ? Pas de navires ?
    Ou ne reste-t-il que les Jugend Rettet sur les mers d’Europe ?
    Et les chants des migrants sur leurs rafiots de passeurs, à quoi ressemblent-ils  ?
    Bon, je rigole. Très bon article, merci.


    • Fergus Fergus 9 août 2017 11:51

      Bonjour, lisca

      Non, les Mongols ne sont en effet pas des marins. Mais depuis plusieurs éditions, les organisateurs du festival ont entrepris d’élargir l’offre musicale en choisissant un thème lié aux voyages qui nous transporte ailleurs sur la planète et permet de découvrir des musiques inhabituelles à nos oreilles. Ce choix est plébiscité par les visiteurs comme le montre l’augmentation de la fréquentation à chaque édition. Qui plus est, il y a une logique en arrière-plan : les Bretons ont toujours été un peuple voyageur, et pas seulement sur les mers.

      « Pourquoi pas les Anglais, peuple de la mer (avec le nôtre) s’il en fut ? Les Danois ? Les Ecossais ? Les Irlandais ? Les Islandais ? Les Norvégiens ? Les Espagnols ? Les Italiens ? Les Russes ? »

      Côté chants de marins, ces peuples ne sont évidemment pas oubliés et seront très bien représentés parmi les 56 groupes principalement centrés sur les chants de tradition maritime. Cette année, l’on pourra entendre notamment des Britanniques, des Irlandais, des Néerlandais, des Polonais. Et, de mémoire, je me souviens que l’on a pu entendre dans les éditions passés, des Allemands, des Américains, des Danois, des Espagnols, des Portugais, des Québécois, et même - à plusieurs reprises - un très dynamique Néo-Zélandais ( Tom Lewis). Sans compter les groupes venus du pourtour méditerranéen.

      Pour ce qui est des chants dédiés au trafic des êtres humains, nul doute que cela viendra dans les créations de groupes plus engagés. Après tout, cela fait partie de l’héritage de la traite des Noirs, abordée depuis des décennies dans le répertoire.


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