lundi 3 octobre 2016 - par Paul ORIOL

Soy Nero, les frontières de la mondialisation

Soy Nero,
les frontières de la mondialisation

Nero est un jeune latino qui veut revenir aux États-Unis où il a vécu une partie de son enfance avant d'en être expulsé. Rejeté par un pays auquel il estime et veut appartenir, il y revient avec l'intention de s'engager dans l'armée pendant deux ans pour obtenir la green card (1) qui lui permettrait d'obtenir la nationalité étasunienne, faisant de lui un Green Card Soldier.

Soy Nero, les frontières de la mondialisation

Ce film se déroule en trois actes.

Retrouver son frère à Los Angeles. Pour cela, il doit franchir la frontière mexicano-étasunienne : ce qu'il fait de façon relativement aisée, un soir de Nouvel an, pendant le feu d'artifice au nez et à la barbe des gardes frontières (2).
Ayant retrouvé l'adresse de son frère, Jesus, qui habite à Beverly Hills, il y arrive, emmené et entravé par la police qui l'a contrôlé sans papier. Il ne pourra cependant entrer dans cette villa hollywoodienne où son frère règne, de façon très temporaire, qu'en escaladant le portail, après le départ de la police. Le franchissement de cette deuxième barrière symbolique, frontière sociale qui fait aussi partir de son rêve qui n'est pas que d'être citoyen, est aussi illusoire que le premier.

 

Soy Nero, les frontières de la mondialisation

La morne attente.

Devenu militaire, il se retrouve avec son groupe comme garde-frontière, du bon coté cette fois : au bout d'une route, dans un milieu désertique, quelque part au Proche-Orient ou ailleurs. Où l'ennui est coupé par les rares véhicules, toujours potentiellement dangereux, qui se présentent au contrôle. Et les discussions entre militaires d'origines diverses.


La longue marche vers...

Jusqu'au ,jour où le danger se concrétise et où il repart, rapidement seul dans le désert, pour retrouver ses frères d'arme qui le reçoivent avec le même comportement, les mêmes questions, les mêmes gestes que les policiers de Los Angeles. Il n'a pas franchi la dernière barrière, il reste un Green Card Soldier et se retrouve seul avec son arme, dans le désert.

En pleine mondialisation (3), le jeune Nero ne rencontre pas seulement des barrières physiques, toujours franchissables, mais aussi les barrières humaines.
Son frère, Jesus, muni de faux-papiers, profite de l'envers du décor et l'avertit combien c'est de la folie de vouloir être un Green Card Soldier. Ce que d'autres ont payé très cher : il lui rappelle qu'une de leurs connaissances a perdu un bras et Nero répond : oui, mais il est un citoyen des Etats-Unis !. Une séquence montre la remise d'un drapeau des États-Unis à la famille d'un soldat mort pour la patrie, et le film est dédié à tous ceux qui se sont engagés et n'ont jamais obtenu la Green Card ou ont été expulsés. Le rêve de l'intégration au prix de la vie...

Au poste frontière, il se retrouve avec deux Africains-Américains qui se disputent sur les mérites respectifs des musiciens des années 1990 de la côte est et de la côte ouest... L'un d'eux lui rappelle de façon appuyée sa supériorité car lui est américain. Et pour couronner le tout, il y a un arabe dans le groupe !!!

Quant aux vrais américains qu'il rencontre, ils ont quelques problèmes...
Le garagiste chez qui son frère travaillait, l'expulse vigoureusement.
L'automibiliste qui le prend en stop, ancien militaire, père attentif, avec une arme factice dans la boite à gants, s’arrête devant un énorme champ d’éoliennes dont il dit qu'elles marchent au gaz, polluent et sont orientées non en fonction du vent mais pour dominer le monde !
Le chef du groupe frontière qui ne dit mot, n'intervient que pour faire cesser le comportement idiot d'un de ses subordonnés face à une voiture familiale qui passe le poste. Et va au devant d'une mort certaine en s'exposant aux tirs ennemis...


Et les militaires vers les quels il se précipite avec l'espoir d'être sauvé, enfin reconnu comme un des leurs, se comportent comme les policiers qui l'ont interpellé quand il était sans papier, lui posent les mêmes questions et abandonnent finalement le Green Card Soldier, seul avec son arme dans le désert...


A son désir d'appartenance qui va jusqu'à l'engagement dans une guerre qui n'est pas la sienne, la réponse est le rejet, l'expulsion... Seul, dans le désert, que va-t-il faire de son arme ?

 

1 - La carte de résident permanent... document d'identification émis par le département d'État américain. Il permet aux citoyens non-américains de s'installer et de travailler légalement aux États-Unis sans besoin de visa. Les droits et devoirs des porteurs de la carte sont en tous points identiques à ceux d'un citoyen américain à l'exception du droit de vote et de servir comme juré... (Wikipedia).

2 - Le réalisateur s'est inspiré du récit d’un soldat guatémaltèque, le premier Green Card Soldier, qui a traversé la frontière au même endroit, un soir du Nouvel An, et qui est mort en Afghanistan.

3 - Ce film est une production germano-franco-mexicaine, sur un scénario écrit conjointement par un Roumain (Razvan Radulescu) et le réalisateur Rafi Pitts, né en Iran en 1967 : Je suis de père anglais, de mère iranienne et de beau-père français.

 

Soy Nero, les frontières de la mondialisation

 



1 réactions


  • Harry Stotte Harry Stotte 3 octobre 2016 10:36

    Quand on a l’impression que tout est foutu, que nous finirons submergés, qu’il ne vaut plus la peine de se battre, que notre tiers-mondisation par pics d’invasion successifs, est inéluctable, ce film nous dit que le salut peut encore venir de millions de réactions individuelles suscitées par le contact direct et personnel avec l’« intrus ».


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