mardi 25 avril 2017 - par Sylvain Rakotoarison

Uderzo, l’un des deux « papas » d’Astérix

« À cette époque-là [années 1950], on faisait n’importe quoi pour subsister. On m’aurait demandé d’illustrer le Bottin que je l’aurais fait… ».

_yartiUderzo01

Depuis la mort du regretté Gotlib, après Hergé (Tintin), Goscinny, Morris (Lucky Luke), Franquin (Gaston Lagaffe), Jacques Martin (Alix), Edgar P. Jacobs (Blake et Mortimer), Peyo (Les Schtroumpfs), Tabary (Iznogoud), Greg (Achille Talon), Roba (Boule et Bill), Fred (Philémon), Cabu (le Grand Duduche), etc., il est parmi les derniers des grands auteurs de la bande dessinée "historique" francophone encore en vie : Albert Uderzo, le célèbre dessinateur d’Astérix, fête ses 90 ans ce mardi 25 avril 2017.

Ce fils d’immigrés italiens né en Champagne a tout de suite été passionné par la bande dessinée après sa découverte de Mickey. Il a appris le métier sur le tas et en 1941, son premier dessin fut publié. Il a commencé en illustrant beaucoup d’œuvres (prêt à illustrer l’annuaire téléphonique s’il le fallait !). Juste après la guerre, il a tenté sa chance dans le dessin animé, n’hésitant pas à envisager le meilleur pour lui : « Je me voyais en toute simplicité devenir un jour le Walt Disney français. ». C’était cependant un milieu qui ne lui convenait pas.

Son savoir-faire n’était d’ailleurs pas que le dessin (avec deux genres, réaliste ou caricatural) : Uderzo est un grand adepte des gags et quand, au début des années 1950, son génie comique a rencontré le futur maître René Goscinny (pas encore très connu et à peu près du même âge), cela ne pouvait que faire des étincelles.

Leur première œuvre commune fut Oumpah-Pah, un petit Indien qui fut publié dans le "Journal de Tintin" à partir du 2 avril 1958. Uderzo a fait partie des premiers auteurs lors du lancement du nouveau magazine "Pilote" en dessinant les aventures de Tanguy et Laverdure avec pour scénariste Jean-Michel Charlier, mais cela n’a pas duré très longtemps, seulement deux ans, car Uderzo allait être occupé par une autre série bien plus prometteuse.

_yartiUderzo02

En effet, dans le premier numéro de "Pilote", le 29 octobre 1959, est sortie également la première page d’Astérix le Gaulois, avec pour scénariste son compère Goscinny. Une aventure qui a tout de suite eu un succès mondial : avec plus de 350 millions d’albums vendus en 2011, bientôt 400 millions, traduits dans 113 langues, Uderzo gagne ainsi beaucoup de droits d’auteur chaque année.

Ce qui déclencha une polémique familiale de plusieurs années car sa fille considérait qu’Albert Uderzo étai victime d’un abus de faiblesse. La famille s’est réconciliée une fois que la justice a rejeté cette accusation et établi qu’Uderzo n’était pas …sénile (le 27 décembre 2013, il disait : « Je ne suis pas Liliane Bettencourt ! »). Le différend familial portait aussi sur le licenciement de sa fille et sur le devenir des éditions Albert René.

L’humour fin et sophistiqué d’Astérix, c’était la rencontre exceptionnelle entre un Goscinny génial dans l’humour et la chronique et un Uderzo fan des gags. Cela a donné une demi-cinquantaine d’histoires gauloises où l’anachronisme côtoyait les sujets d’actualité plus ou moins épineux (la collaboration, la corruption, la fraude fiscale, etc.).

_yartiUderzo06

Avec ce ton dynamique qui mélange à la fois un chauvinisme franchouillard d’autodérision, un esprit français à la fois rebelle et raisonnable, de mauvais caractère et brave, et un humour qui redonne de la vigueur au latin, qui fait des multiples clins d’œil aux copains avec beaucoup de caricatures (comme Pierre Tchernia), les histoires d’Astérix ont pu incarner elles-mêmes l’esprit français au point que le premier satellite français mis sur orbite fut nommé Astérix.


Dans les albums d’Astérix, le côté râleur et grognon des Gaulois est compensé par les fins heureuses, car les histoires se terminent toujours en banquet au clair de lune avec une franche rigolade, des sangliers rôties, des nanas qui dansent sur la table …et un barde ligoté contre un arbre.

Histoire moins rigolote, et même tragique, la mort brutale de Goscinny à 51 ans en novembre 1977 (d’arrêt cardiaque lors d’un test à l’effort) a laissé orphelin Astérix au moment où ses auteurs étaient en cours de divorce avec leur éditeur Dargaud. Albert Uderzo a finalement décidé de continuer les histoires en reprenant aussi leur scénario. Le premier album sans Goscinny (25e album d’Astérix) fut "Le Grand fossé" (analogie du mur de Berlin mais aussi du clivage politique gauche/droite). On comprendra que les histoires qui ont suivi n’étaient pas exactement de même facture, sans l’irremplaçable Goscinny, même si le succès commercial restait au rendez-vous.

_yartiUderzo04

Au-delà des albums de bande dessinée eux-mêmes, le personnage d’Astérix a aussi engendré une dizaine de dessins animés qui ont eu environ 17 millions d’entrées en France et quatre films qui ont totalisé plus de 48 millions d’entrées en France, et beaucoup d’autres activités commerciales (comme un parc de loisirs au nord de Paris et de très nombreux jeux vidéo).

Ayant des difficultés de santé avec ses mains et ne pouvant plus dessiner, Uderzo a décidé cependant en 2011 de poursuivre la série sans lui. Le premier album dessiné par Didier Conrad et scénarisé par Jean-Yves Ferri est sorti le 24 octobre 2013 ("Astérix chez les Pictes") et le troisième (38e album d’Astérix) sortira le 19 octobre 2017 ("Astérix et la Transitalique"). Par ailleurs, n’étant pas capable de différencier le vert du rouge, Albert Uderzo laissa à son frère Marcel, également auteur de bandes dessinées, la charge des couleurs.

Après l’attentat contre "Charlie Hebdo", l’une des victimes assassinées, Cabu, était un grand ami, Uderzo a publié un dessin de soutien et de solidarité, et a vendu une planche originale aux enchères pour aider les familles des victimes.

_yartiUderzo03

Parmi les nombreuses récompenses qu’il a reçues, Uderzo a notamment été lauréat du grand prix de la ville d’Angoulême en 1999, une reconnaissance qui était déjà acquise par les nombreux lecteurs depuis une quarantaine d’années.

Au fait, Astérix a-t-il une couleur politique ? Certains l’ont cru mais Goscinny et Uderzo ont tout fait pour donner des signaux contradictoires et préserver la neutralité du personnage qui, par conséquent, est un bon symbole de rassemblement gaulois.

Que cet anniversaire à l’âge canonique, qui survient entre les deux tours d’une élection présidentielle cruciale dans l’histoire de la Gaule, euh, de la France, soit l’occasion, avant de futures batailles ou nouvelles querelles internes, de rester unis pour saluer le grand génie d’Albert Uderzo et de son regretté compère René Goscinny !


Aussi sur le blog.

Sylvain Rakotoarison (25 avril 2017)
http://www.rakotoarison.eu


Pour aller plus loin :
Albert Uderzo.
Cabu.
Gaston Lagaffe.
Inconsolable.
Les mondes de Gotlib.
René Goscinny.
Tabary.
Hergé.
Comment sauver une jeune femme de façon très particulière ?
Pour ou contre la peine de mort ?

 



2 réactions


  • troletbuse troletbuse 25 avril 2017 10:46

    Asterix va peut-être être censuré comme l’UPR. Pas bon de glorifier un état aujourd’hui. C’est être raciste, complotiste, antisémite, j’en passe et des meilleurs  smiley


    • troletbuse troletbuse 25 avril 2017 11:58

      @Etbendidon
      C’est fait. Tu parles de celui où il dit qu’il est C..(con ou cul ?) Je lui dis kon le savait déjà  smiley


Réagir