mardi 25 juillet 2017 - par Morgane Oko

Whitney Houston, Papa Wemba et ces artistes devins de la mort

Heartbreak Hotel, de Whitney Houston, qui en son temps n’a pas fredonné ? Mais a-t-on jamais pris le temps de méditer sur la possible coïncidence des paroles de cette chanson avec les circonstances de sa mort. Sa mort qui justement continue de faire parler et écrire, comme celle de tous les artistes aux destins tragiques.

Hier encore, le 16 juillet 2017, était lâché sur la toile un article intitulé « La vérité sur la mort de Whitney Houston ». J’aurais bien aimé lire cette énième hypothèse sur la disparition de la diva, mais l’article était réservé aux abonnés du site. C’est là que me vient l’idée de partager cette curiosité qui m’avait aussitôt frappée dès lors que j’avais pris connaissance de son décès en 2012, et surtout des circonstances dans lesquelles elle est décédée. Whitney Houston aurait-elle prophétisé sur sa fin ? 

Laissée en plan dans un hôtel, pour de bon cette fois ?

Visez plutôt : dans la chanson, qui date de 1998, Whitney se plaint de son amant qui l’a laissée en plan dans un hôtel, et son chagrin en est si fort qu’elle baptise l’hôtel en question « Heartbreak Hotel » (littéralement : Hôtel Cœur-brisé) ; et le 11 février 2012, elle est retrouvée sans vie dans un hôtel de Beverly Hills, victime, semblerait-il, d’une noyade dans sa baignoire provoquée par une overdose – overdose de quoi ? pas d’amour, en tout cas.

Le rapport singulier entre les artistes et la mort

Crowd in Front of Stage

On savait le rapport singulier que les artistes ont toujours entretenu avec la mort, mais un artiste qui prophétise avec justesse sur sa fin, c’est assez rare. Whitney Houston l’a fait. Le musicien congolais Papa Wemba aussi, à ce qu’on dit, aurait déclaré de son vivant dans une interview que son rêve était de mourir sur scène. Rêve réalisé avec brio à Abidjan le 14 avril 2016, en mondovision.

Du côté des écrivains

Je n’en connais personnellement pas encore qui ont prédit nettement leur fin. François Cavanna, dans son autodérision caractéristique, simulait sa mort par pendaison dans Les yeux plus grands que le ventre, et rédigeait même les grands titres et les hypothèses qui feraient la une des journaux après son suicide. Une prédiction heureusement manquée. Cavanna est décédé tranquille en 2014 à Créteil, avec à son actif quatre-vingt-dix années bien sonnées, et sa disparition n’a suscité d’autres histoires dans la presse qu’un bel hommage bien mérité.

Un artiste qui lui a encore tout le temps de s’organiser pour ne pas passer à côté de sa prophétie, c’est Michel Houèllebecq. L’auteur de La carte et le territoire, qui s’imagine dans ce roman victime d’une mort atroce – brûlé vif ? Non, vous n’y êtes pas ; sauvagement découpé en menus morceaux, puis ses miettes de viande éparpillées dans tous les coins et recoins de sa maison de campagne (un vrai "boucher" dans l’âme, ce Houèllebecq).

Et les auteurs africains alors ?

http://www.agoravox.fr/IMG/jpg/Eric_Mendi__L__with_a_friend_Wikimedia_Commons_.jpg

Eux, disons qu’ils ont une trop grande estime du caractère sacré de la vie pour oser jouer avec la mort, même en peinture. Lequel a bien pu s’imaginer dans son livre égorgé, écartelé, éventré ?... Lequel s’est suicidé pour de vrai, alors que dans l’autre camp la liste serait bien longue ? Ils auraient plutôt tendance à démystifier la mort, à l’imaginer se prolongeant à l’infini, dans l’éternité, défiant les lois de la physique (« Les morts ne sont pas morts »). Même la nouvelle génération de la littérature africaine et ses génies, que l’on dit pourtant très hardie, prompte à secouer les principes des aînés, n’ose pas s’y frotter. Et si certains tentent l’expérience, c’est encore avec des approches originales, comme de s’amuser à trucider le lecteur ; confère AFANE, le dernier livre d’Eric Mendi primé dans la catégorie Belles-Lettres à l'édition 2016 des Grands prix des associations littéraires, où l’auteur se permet l’outrecuidance d’assassiner son lecteur, l’invitant à visualiser sa propre mort, par morsure de serpent dans la nuque, en pleine forêt équatoriale, dans un surréalisme à vous donner la chair de poule, avec dans le ton une froideur proverbiale qu’on ne connaissait encore qu’aux Japonais. En parlant de Japonais, justement, il y en a un qui entretient lui aussi des rapports embrouillés avec la mort dans ses livres : Haruki Murakami.

Rest in peace, Whitney !

Terminons plutôt avec le sourire par une anecdote moins funeste sur Whitney Houston. Le 03 octobre 1994, The Voice, comme on la surnommait, se serait permis de faire attendre Nelson Mandela à la Maison Blanche. C’était à l’occasion d’un dîner d’Etat organisé en l’honneur de Mandela par le président Bill Clinton et Madame (s’entend Hillary Diane Clinton). Madiba tenait tellement à rencontrer Whitney qu’il avait résolu d’attendre le temps qu’il faudrait jusqu’à ce qu’elle se montrât. Et patient comme il a toujours su l’être…




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