mercredi 5 avril 2017 - par C’est Nabum

Bon sang ne saurait mentir

Bon sang ne saurait mentir

Il était une fois, Gabriel et Angéline, un couple qui vivait d’insouciance. Ils avaient eu sept enfants, ceux-ci leur avaient donné douze petits enfants car ainsi va la vie dans les familles de légende. Les nombres doivent se plier aux règles régies par la symbolique numérique. Tout aurait pu durer éternellement si un bouleversement ne s'était produit soudainement dans leur existence en si peu de temps qu’ils eurent bien du mal à se retourner.

Ils avaient gardé en dépit de leur âge avancé, trois de leurs parents. Ils les aimaient, veillaient avec une tendre affection sur leur santé et leur besoin. Gabriel depuis longtemps déjà n’avait que sa mère, une fée bienveillante, une dame qui dispensait le bien autour d’elle. Angéline quant à elle, aimait à s’amuser des frasques de son père, un marabout espiègle tandis que sa mère était une birette, diseuse de bonne aventure et faiseuse d’anges.

Dans ces familles qui vivent en marge de la raison et de la norme, on ne s’étonne guère des frasques des aînés. Ils font partie du décor, enfants et petits enfants avaient grandi en suivant les curieux exploits de leurs aïeux. Leurs parents excusaient les fantaisies de leurs géniteurs et reconnaissaient parfois l’utilité d’une invention magique pour réparer les bêtises que ne manquaient pas de faire leurs rejetons.

Mais les êtres doués de pouvoirs surnaturels n’en sont pas moins de simples mortels. En l’espace de moins d’un trimestre, ce fut dans la famille une véritable hécatombe, les trois vieillards se retrouvèrent les uns après les autres dans la tombe. La chose pour douloureuse qu’elle soit n’en était pourtant que la juste conséquence du poids des ans. Tout eut été normal s’il n’y avait un terrible héritage en partage.

Ce n’est certes pas monsieur le notaire qui vint mettre son grain de sel dans la succession. De ce côté-là, tout se passa le mieux du monde, les biens matériels n’étaient pas si conséquents pour troubler les esprits et semer la zizanie dans cette famille unie. C’est à un autre niveau que la transmission fit l’effet d’un cataclysme …

Le notaire après avoir réglé définitivement les closes matérielles, lors du dernier testament qui lui fut donné d’exécuter ouvrit un étrange parchemin. Gabriel et Angéline avaient bien eu quelques frissons à la vue de ce rouleau de papier. La lecture de l’homme de loi leur glaça le sang. La situation d’orphelin, quel que soit l’âge, n’est pas simple à vivre ; soudainement on sent le poids de la faucheuse dans son dos, on se voit comme les prochains sur la liste.

Mais avant de passer de vie à trépas, le couple devait prendre le relais, accepter à son tour de n’être pas des gens ordinaires. Le dernier testament était une injonction machiavélique. L’un et l’autre devaient choisir une fonction occulte, un pouvoir secret pour prolonger ainsi le lourd héritage familial. Hélas, quand on n’a pas fait l’école des sorciers, prise d’assaut par des politiques et des cupides attirés par les profits d’un roman à succès, le choix est complexe quand on n’y a pas été préparé.

Angeline, décréta qu’elle passerait le feu. Voilà une activité qui donne du réconfort et soulage les braves gens. Elle puisa dans ses souvenirs d’enfance, quand sa grand-mère maternelle pratiquait cet art si utile. Il lui fallut peu de temps pour retrouver les gestes et les paroles, l’atavisme est si puissant dans sa famille. Elle proposa immédiatement ses services aux humbles, aux exclus, aux oubliés ceux qui ne trouvent plus place dans nos hôpitaux au bord de l’asphyxie. Elle soulagea, soigna, apaisa et trouva ainsi la paix intérieure.

Pour Gabriel se fut plus compliqué. Sa femme avait fait le choix bénéfique, il devait choisir un pouvoir du côté de la face obscure. Voilà un rôle qu’il n’aimait guère lui qui avait toujours aimé se montrer à son avantage. Il lui fallut pourtant franchir le Rubicon. Il se fit alors âme damnée, triste sorcier à la mauvaise figure. Il n’avait pas le choix, sa destinée était toute tracée.

Gabriel se fit jeteur de sorts. Mais il avait émis une réserve au moment de recevoir l'adoubement d’un parrain mystérieux. Il ne nuirait jamais aux braves gens, les gueux et les sans grades, c’était pour lui un préalable non négociable. Il ne réservait l’usage de ces maléfices qu’aux seuls canailles, aigrefins, gougnafiers, profiteurs et menteurs. Il y avait largement de quoi occuper un Jean-Loup.

Gabriel se mit sans tarder à l’ouvrage et vous devez en voir aujourd’hui les effets. Il est le responsable de toutes les affaires qui sortent en ce moment au grand jour. Il fabrique du mauvais sort à tout-va, il ne lésine ni sur ses efforts ni sur la diversité de ses inventions. C’est un vrai plaisir que de voir comment il met des bâtons dans les roues à ceux qui jusqu’alors agissaient de manière honteusement malhonnête sans que jamais on ne le sut.

Gabriel jette des sorts à la volée et à pleines brassées, il bouleverse l’ordre des choses, menace désormais les situations mal acquises, les postures sans partage, les abus de toutes sortes qui étaient tolérés par lassitude et impuissance. Gabriel ouvre les yeux des citoyens honnêtes. Ses mauvais sorts ne sont que juste retour du bâton. Angéline barre le feu, celui qui risquait de brûler notre tissu social. À eux deux, ils font le plus grand bien à cette société qui avait sans doute besoin d’un petit coup de main surnaturel !

Maléfiquement leur.

 



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