lundi 24 juillet 2017 - par C’est Nabum

Internet, la référence absolue

Nabumus existe, je l’ai rencontré …

Je viens de vivre une étrange aventure qui atteste que l’écrit est plus puissant que les paroles qui aiment à suivre le sens du vent, à moins que ce ne soit celui du courant. Il convient que je vous narre par le menu l’anecdote : vous risquez naturellement de ne pas croire le Bonimenteur, ce qui, avouons le, ne serait que juste retour de bâton.

Un livre de petites nouvelles historiques est sorti depuis quelques temps chez une éditeur régional que je ne puis plus nommer. L’auteur, Jean Louis R, est un écrivain prolifique, un ancien professionnel du droit qui a trouvé dans les travaux de plume une belle reconversion. Cette fois, il a voulu revisiter les grandes énigmes de l’histoire de l’Orléanais. De Mesmin au Duc de Guise, du mont des élus à la guerre de 1870, notre homme se joue des légendes et de la vérité avec une certaine malice.

C’est dans le chapitre sur l’invraisemblable aventure du petit moine cénobite Mesmin, traversant la Loire pour trucider le dragon, qu’il a fait référence à l’ermite de la roche Beraire : un dénommé Nabumus, écrivain, mandaté par Clovis en personne, pour écrire la légende dorée des candidats à la béatification : les vingt-six élus parmi les trente moines cénobites de l’abbaye de Micy et quelques comparses d’une époque fort prompte à fabriquer des saints.

J’avais créé de toutes pièces ce personnage pour donner du liant à la fable et permettre ainsi de passer d’une histoire à l’autre, tout en montrant à quel point la légende dorée relève davantage de la sornette que du récit édifiant. Les conteurs de l’époque fabriquant à tour de bras des fables à dormir debout et à mettre à genoux le bon peuple crédule.

Je remerciai mon collègue d’avoir ainsi glissé un clin d’œil à mon humeur badine dès qu’il s’agit de tancer les superstitions et les institutions de toutes les époques. Pince sans rire, l’homme parut particulièrement surpris de ma réaction : il ne voyait manifestement pas à quoi je faisais allusion. Il n’avait pas l’air de vouloir me faire entourloupe ou bien farce à sa façon.

Je me méfiais bien un peu : l’homme tient un blog où il se prétend, lui aussi, Bonimenteur. Je le croyais capable de feindre l’étonnement ; il n’en était rien. Il m’affirma, très sérieusement, qu’il avait trouvé trace de ce personnage sur la toile : un lieu indiscutable où toute vérité finit par se retrouver écrite. Je n’en revenais pas. Il était le plus sérieux du monde !

Je comprenais ainsi mieux son silence lors de la sortie de son livre. J’attendais naïvement une invitation personnelle et avais été particulièrement marri du choix de l’estaminet où avait eu lieu le vernissage. Il ne pouvait en être autrement : j’étais, dans l’esprit de l’auteur, parfaitement étranger à son livre.

Il est vrai que depuis huit ans, mes écrits ont pris l’habitude de voler de leurs propres ailes même si j’écris sur un clavier et non à la plume d’oie. Il ne faudrait jamais prendre au pied de la lettre les expressions comme les sources. En bon Ligérien, notre homme aurait dû se méfier d’un nom à dormir debout ; il n’en fut rien, il joua le jeu de la farce avec délectation.

La toile confère souvent une légitimité à ce qui y a été lu. Mon collègue fit celui qui croyait dur comme fer à l’existence de ce scribe lointain, ce personnage au nom latin. J’eus bien du mal à lui faire reconnaître la supercherie ; que j’avais ainsi gravé dans le marbre une légende numérique, une fiction qui, par le miracle de la technique, était devenue parole d’évangile apocryphe. Clovis, il est vrai, avait beaucoup usé du mensonge pour imposer la religion chrétienne dans son royaume !

Voilà donc Nabumus faussement authentifié par un ouvrage bien plus sérieux que mes navrantes bonimenteries, marquées du sceau de l'infamie locale. La double référence : Internet puis le livre, donnant du corps à la farce. Je pourrais tout aussi bien n’en rien dire mais j’ai trouvé si drôle la supercherie incarnée, que je n’ai pu la garder secrète. Je ne veux pas trahir mon collègue : sa manière habile de manier le mensonge joue sans doute à ma confusion mais simplement relativiser la source incertaine que constitue la toile.

Nous prenons si souvent pour argent comptant ou parole d’évangile (apocryphe ou non) ce que nous lisons sur cet espace où il y a autant à boire qu’à manger, que nul ne peut se garantir de ce piège. Abusant parfois de la dive bouteille, je me contente d’avoir le billet farceur pour celui qui m’a gravé dans le marbre de l’histoire. Il vient de m’offrir une bonne parcelle d’éternité, et de cela, je lui suis infiniment reconnaissant.

Latinement vôtre.



29 réactions


  • foufouille foufouille 24 juillet 2017 10:15

    c’est pourtant facile à prouver que c’est ton idée mais si c’est pro du droit, il a certainement des copains haut placés.


    • C'est Nabum C’est Nabum 24 juillet 2017 11:06

      @foufouille

      Il ne faut pas polémiquer
      Est-ce une farce ou bien un emprunt ?

      Qu’importe, j’ai trouvé ça assez drôle


    • foufouille foufouille 24 juillet 2017 12:12

      @C’est Nabum
      je pense qu’il aura l’air très très con quand les autres auteurs comprendront ...............


  • marmor 24 juillet 2017 11:17

    Je me trouve fort marri et ébaubi de penser que le puceau de Loire nous prend pour des lapins de trois semaines.... La fatuité n’a plus de limite.


  • Taverne Taverne 24 juillet 2017 12:04

    Elle est bien bonne celle-là. Je me demande si je ne vais inventer de toutes pièces un Tavernus, philosophe mandaté par Charlemagne pour penser l’école... smiley


    • C'est Nabum C’est Nabum 24 juillet 2017 12:08

      @Taverne

      Faites donc

      Nous allons bien rire


    • Taverne Taverne 24 juillet 2017 14:17

      @C’est Nabum

      Cette question de la vérité créée sur Internet m’a inspiré un article de réflexion plus large sur les sources de création de la vérité. Mais j’ai signé Taverne et pas Tavernus !


    • C'est Nabum C’est Nabum 24 juillet 2017 14:42

      @Taverne

      Vous m’en donnerez le lien


    • Taverne Taverne 24 juillet 2017 18:53

      @C’est Nabum

      Pardon, j’ai omis de le préciser : l’article est en modération sous le titre « comment créons-nous la vérité ? »

      Je pense qu’il devrait être suivi des réflexions suivantes : comme nous orientons la vérité, comment nous adaptons la vérité, comment nous évitons de penser. Trois questions à creuser, mais l’essentiel est déjà dans cet article philosophique que je propose et qui est d’accès facile et même, je dirai, d’utilité pratique.


  • Doume65 24 juillet 2017 12:50

    @Nabum
    « mes écrits ont pris l’habitude de voler de leurs propres ailes même si j’écris sur un clavier et non à la plume d’oie »

    C’est de l’ange, vous dis-je !


    • C'est Nabum C’est Nabum 24 juillet 2017 14:47

      @Doume65

      Mon ceci est un message codé


    • Le421... Refuznik !! Le421 24 juillet 2017 18:45

      @leufeross
      Nous attendons avec impatience une prose digne de tout l’intérêt du monde, voire même, et je le souhaite, d’un éventuel Pulitzer !!
      Votre premier article, par exemple...

      Agoravoxement vôtre !!
      Signé : un modérateur parmi tant d’autres...


    • L'enfoiré L’enfoiré 1er août 2017 09:03

      @leufeross,

       Voulez-vous vous amuser un peu ?
       Je vais vous en donner l’occasion.
       C’est en deux phases :
      1er : Psychose
      2nd : La gouvernance augmentée

      Toutes ressemblances avec des personnes existantes ou ayant existé, n’est pas fortuite.... smiley


  • Olivier MONTULET Olivier MONTULET 24 juillet 2017 17:45

    En fait, n’en déplaise aux censeurs du DECODEX, il n’y a aucune vérité, il n’y a que des représentations de la vérité que ce soit sur internet ou ailleurs.
    Le seul moyen de se faire sa « vérité » est d’écouter toutes (au moins un grand nombre de sources différenciées) les « vérités ». Le doute doit toujours rester le fondement de toute représentation du monde sinon on tombe dans l’obscurantisme. Seul le doute (le scepticisme) est fondement de toute représentation tendant vers le juste (il est même le fondement des sciences). Toute connaissance ne peut dire la vérité car la connaissance ne se crée que par réfutation d’hypothèses et non affirmation de ce qui est vrai. Cela vaut aussi pour la science ou la justice...). Seules les révélations divines disent le vrai pour le croyant, mais le fondement de la foi reste cependant le doute, la foi n’étant qu’une espérance.


  • Le421... Refuznik !! Le421 24 juillet 2017 18:41

    Ce qui est génial avec internet, c’est qu’il joue le rôle d’amplificateur.
    Ceux qui sont cons le deviennent encore plus.
    Les malins tirent leur épingle du jeu et finissent par bien s’y retrouver.
    Ne cherchez pas à me situer.

    Pour ma part, j’y trouve l’intérêt de pouvoir lire des textes intéressants par moments.
    Vous saurez vous reconnaître !!

    Bonne soirée...  smiley


  • baldis30 25 juillet 2017 08:03

    bonjour,

    excellent article.... qui met en évidence la plaie du plagiat ...


    • C'est Nabum C’est Nabum 25 juillet 2017 08:18

      @baldis30

      L’inspiration n’est jamais ou très rarement spontanée
      Chacun puise un détail, une idée

      L’essentiel est de ne pas recouvrir au pillage
      La nuance est de taille
      Mais comment contrôler ?


    • C'est Nabum C’est Nabum 25 juillet 2017 11:00

      @Robert Lavigue

      La blanche colombe


    • baldis30 25 juillet 2017 19:24

      @C’est Nabum
      bonsoir,

       Lorsqu’on apporte une pierre à la construction il faut bien se dire qu’elle a pour assise d’autres pierres ... le problème n’est pas d’en desceller une pour en faire son œuvre, mais de voir comment sa contribution s’articule avec les autres apports ...


    • C'est Nabum C’est Nabum 25 juillet 2017 19:36

      @baldis30

      Quelle belle manière d’évoquer la chose

      Je suis d’accord avec vous


  • Aristide Aristide 25 juillet 2017 11:07

    Une petite question assez ... spécieuse, je vous l’accorde. Est-ce la crainte d’un procès en diffamation qui fait que vous évitez de nommer précisément la personne.


    Bien que deux minutes sur Google permettent de trouver le nom complet de votre concurrent bonimenteur ligérien.

  • L'enfoiré L’enfoiré 30 juillet 2017 20:50

    Bonsoir,

     Allez je vais en lancer une autre info...
     Agoravox.fr va être racheté par Agoranews.us
     Il y aura bientôt une traduction en anglais automatique des billets en français à la suite d’un clic.
     Mais ne le répétez pas... C’est confidentiel... smiley


    • L'enfoiré L’enfoiré 1er août 2017 08:49

      Bonjour Nabum,

       Je vais ressortir un très vieil article pour l’occasion puisqu’il date de 2007.
       Certains des acteurs ont disparu depuis, d’autres s’y reconnaitront...

      Un dimanche comme les autres, enfin presque...

      Il y a bien longtemps, dans le grand village de Romantica, une grande contestation se préparait dans les l’arènes de Fassebocus.

      Lucius Varenus était au microphonus depuis un certain temps et vociféraient les avantages des promotors de l’arène. L’entrée était gratis, mais il fallait des sesterces pour alimenter les caisses. Spectators, vociferors, commentators, moderators étaient là dans les gradins. Les coussins n’allaient pas servir que pour faciliter les fessus.

      Tout à coup, l’imperator Revempli apparu. Majestueux, il coupa Lucius et commença à vanter les talents des nouvelles armes que Articulus allait présenter aux yeux ébahis de l’assemblée.

      Surpris, car il y avait bien longtemps qu’il n’avait pas pris la parole, les spectators se mirent à lancer des plaintes, des propositions d’améliorations fonctionnelles. Le philosophe Pietrus eut une série de propositions partiellement applaudies par le tribun Revempli. Les Detritus Wagonnus étaient là et comme d’habitude se devaient de faire acte de présence ou d’abscence en parlant pour ne rien dire.

      Dans ces conditions Zenus ne put difficilement calmer le jeu. Furtifus n’était pourtant pas en reste.

      Enfin, le glatiator Articulus entra sur le sable de l’arène et fut surpris que personne n’était près à voir sa prestation.

      Les Chatus, toutes griffes dehors, s’y mirent pour corser l’ambiance du côté humour. Critiques, parfois suppliques continuaient plus acerbes l’une que l’autre.

      Le Pandacus sautillait d’impatience. Le bigophonus grésillait encore dans ses oreilles.

      Le bon peuple des spectators ne comprenait plus ce qu’ils étaient venus faire dans cette arène ou plutôt cette galère.

      Dans son coin, le moderator Enfoirus Mulefritus se rappelait les tablettes qu’il avait envoyées à l’imperator pour le prévenir que la révolte grondait.

      L’Imperator Revempli soutint, mordicus, que son combat était bon. Il se retira très vite de l’arène Fassusbocus. Furieux. Car il n’avait pu faire jouer avec son pouce vers le ciel ou vers le sable de l’arène. Allait-il compter les points avec son personnus orditus ?

      Il avait une idée géniale en tête et la semaine prochaine, il la communiquerait (dixit lui-même).

      Son idée : repeindre les murs de l’arène (en rose ? Il ne savait encore) et affiner le sable de l’arène. Celui-ci était vraiment trop dur, lorsque les gladiators tombaient sur le sol.

      Il fallait qu’ils durent ces gladiators. Les sesterces en dépendaient.

      Ils se retrouvèrent à la sortie du grand stadus chez La Tavernus du coin en rêvant d’une Romantica un peu plus romantique et plus collaboratice.

      In vinus veritas, pensaient-ils tous.


    • L'enfoiré L’enfoiré 1er août 2017 08:57

      Je précise que ce billet faisait partie d’un consortium d’autres.
      Tous sont encore sur mon blog bien au chaud...  smiley


    • C'est Nabum C’est Nabum 1er août 2017 16:55

      @L’enfoiré

      Le temps fait que nos archives deviennent d’importance

      Merci


  • eddofr eddofr 25 août 2017 13:40

    Le WWW contenant tout et son contraire, voir d’autres choses bien plus bizarres, on y trouvera forcément ce qu’on est venu y chercher.


    Le WWW confirme toujours ce que vous saviez déjà.

    Le WWW ne contient pas de vérités, seulement des certitudes.

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