Le fruit est dans le ver
Charles Darwin doit au ver de terre son plus grand succès d’édition.
En effet, c’est en 1881, 4 petits mois avant sa disparition, que Darwin à publié son magistral ouvrage : « la formation de la terre végétale par l’action des vers », ouvrage qui dépassera en terme de tirage son célèbre « l’origine des espèces ».
On peut aujourd’hui retrouver cet ouvrage essentiel, puisque les éditions Slatkine ont eu la bonne idée de le rééditer. lien
L’auteur y explique l’action essentielle des vers dans la formation, la biologie et le modelage des sols, mais il évoque aussi les expérimentations qu’il a mené afin de mettre en évidence les capacités mentales des Lombrics, alors que tout un chacun considérait les vers dépourvus de facultés particulières.
Suivant les variétés, qui se comptent aujourd’hui par milliers, le ver de terre peut creuser et vivre jusqu’à 2 mètres de profondeur.
Lorsqu’il descend, il transporte les nutriments de surface en profondeur, puis lorsqu’il remonte, il emmène avec lui des oligoéléments.
Charles Darwin affirmait : « la charrue est une des inventions les plus anciennes et les plus précieuses de l’homme, mais longtemps avant qu’elle existât, le sol était de fait labouré par les vers de terre, et il ne cessera jamais de l’être encore. Il est permis de douter qu’il y ait beaucoup d’autres animaux qui aient joué dans l’histoire du globe un rôle aussi important que ces créatures d’une organisation si inférieure ».
Cette réédition tombe à pic au moment ou la permaculture fait une entrée fracassante dans le monde agricole, loin des pratiques actuelles, qui à coup d’engrais et de pesticides, ont rendu une bonne partie de notre territoire stérile, mettant en danger notre santé par des productions pour le moins contestables.
Or les vers de terre subissent aussi l’agression chimique et insensée des industriels de l’agriculture intensive, et sont en train de disparaitre à grande vitesse. lien
Alors qu’on en comptait 2 tonnes à l’hectare en 1950, il n’y en a plus que 200 kg aujourd’hui.
Ajoutons pour compléter le tableau qu’il faut un demi-siècle pour reconstituer la population des vers de terre. lien
Pas étonnant des lors que plus de 400 associations, dont 32 françaises aient lancé une pétition fin septembre 2016, initiative appelée « people 4 soil », destinée soutenir une initiative citoyenne européenne, et qui, pour réussir, doit atteindre 1 million de signatures dans 7 pays différents européens. lien
Pour la signer, allez sur ce lien
Or le ver de terre est essentiel dans la pratique de la permaculture, cette nouvelle tendance, même si elle a déjà 30 ans d’existence, qui pourrait se résumer à 3 axes : soigner la terre, soigner les humains et les animaux, et mettre en œuvre le partage équitable. lien
Cette permaculture est à l’origine d’une très belle histoire, celle d’un village de Dordogne qui était en train de péricliter.
Ce village répond au nom de Saint-Pierre-de-Frugie, et s’il est vrai qu’il y a 10 ans ils étaient nombreux à chercher à y acquérir une maison, il était malgré tout menacé de disparition.
Sauf qu’en 2008, un certain Gilbert Chabaud a été élu maire, et que ce dernier a la fibre écologiste.
La situation était désespérée, la fermeture de l’école, entrainant celle de la cantine, a précipité la fermeture du bistrot du village, lequel était le dernier commerce du village.
Il a commencé par faire voter par son conseil la fin de l’usage des pesticides et des traitements phytosanitaires, provoquant ainsi le retour des papillons et des insectes pollinisateurs, suivi par la création d’un jardin partagé, un potager ouvert à tous, pratiquant la permaculture, créant ainsi une animation solidaire, écologique, de partage et de rencontre pour le moins inattendue, faisant ainsi connaitre le village au-delà des frontières de la commune.
Une chose en amenant une autre, en améliorant l’environnement, en rachetant les zones humides tout autour de la commune, est venu le temps de l’écotourisme, avec son arsenal de sentiers de randonnée, restaurant le petit patrimoine du village, tout en matériaux propres et écologiques. L’arrivée progressive de touristes à entrainé la construction d’un gîte rural, amenant la réouverture du bistrot du village et pas seulement, puisque peu de temps après une épicerie bio a été inaugurée, alimentée par les producteurs de la région.
Il ne restait plus qu’à rouvrir l’école, opération délicate d’autant que l’administration y était opposée.
C’était sans compter sur la pugnacité du maire et de son conseil municipal, lesquels ont soutenu une institutrice décidée à ouvrir une école Montessori, ce qui est chose faite aujourd’hui.
Que de chemin parcouru à ce jour, et Saint-Pierre-de-Frugie rejoint la petite bande des territoires, villes ou villages écolos : Feldheim, Totness, Marinalada, Margareth River, et quelques autres : tous ces lieux adeptes de l’économie de partage, tendant vers l’autonomie énergétique, voire à l’autarcie tout court.
Parfois, les arbres d’ornement ont cédé la place aux arbres fruitiers, les monnaies y sont locales, les jardins sont partagés, les plantes sont troquées, les semences préservées, l’énergie y est propre, les déchets y subissent une diminution drastique, et la vie y est belle.
Alors s’il est vrai qu’il faut 50 ans pour reconstituer la population des vers de terre, il aura fallu moins de 10 ans pour changer la destinée d’un village. lien
Comme dit mon vieil ami africain : « celui qui rame dans le sens du courant fait rire les crocodiles ».
L’image illustrant l’article vient de flepi.net
Merci aux internautes de leur aide précieuse
Olivier Cabanel
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