mercredi 31 mai 2017 - par C’est Nabum

Le gai rossignol et le merle voleur

Le printemps dans toute sa splendeur

Elles sont revenues, les belles cerises qui s’offrent à notre gourmandise tout en nous accordant mille et une occasions de nous tacher. La diablesse est gorgée de soleil, elle est toute disposée à éclater pour souiller une chemise ou bien un pantalon. Gare à l’étourdi qui s’aventure à vouloir les ramasser en tenue du dimanche ou pire encore, à se risquer à une petite sieste à l’ombre du cerisier.

Mon cerisier a échappé au gel qui a sévi dans la vallée de la Loire. Il bénéficie de la protection de la très haute haie du voisin. Il est heureux que pour une fois, nous n’en ayons pas que des désagréments. L’arbre ne cesse de donner ses fruits toujours plus hauts, si bien qu’habituellement, merles et rossignols se taillent la part du lion, tandis que nous assistons impuissants à la razzia des becs gourmands. Cette fois le partage sera plus équitable.

Qu’il est doux ce moment où l’on installe l’échelle contre l’arbre pour remplir le seau. C’est un moment porteur du printemps. J’en avais oublié la saveur car depuis quelques années, l’arbre nous avait fait grise mine, préférant de très loin combler ses amis les oiseaux plutôt que ces étranges humains qui ne daignent jamais lui accorder le plus petit traitement. Il devrait, tout au contraire nous en être reconnaissant !

Les discussions vont bon train sur l’état de nos cerisiers respectifs. Un camarade se désole, lui qui est tout proche de la Sologne a subi de plein fouet des nuits si froides que toutes les fleurs ployèrent sous les assauts du gel. Bon prince pourtant, il me conseilla un secret pour détacher un vêtement souillé par ce fruit si juteux. Un citron coupé en deux, frotté sur la belle marque rouge en viendra à bout. J’ai essayé et ça fonctionne !

Puis, l’effet boule de neige, nous nous sommes mis à évoquer nos souvenirs de cerises. Quoiqu’il fit un soleil de plomb, l’étrange cheminement des souvenirs nous conduisit en plein hiver. Nous évoquâmes avec une nostalgie teintée d’ironie, les fruits amoureusement rangés dans un bocal d’eau de vie. Nous ne pouvions échapper à ce rituel, en dépit de notre jeune âge de l’époque. La moindre visite d’exception, donnait immanquablement droit à l’ouverture de ce qui devint vite un plaisir tout relatif.

Les cerises baignaient souvent depuis quelques années dans leur sirop alcoolisé. Elles étaient servies dans un verre épais, perché sur un long pied effilé. Fort heureusement, la coupe avait une toute petite contenance, ce qui nous épargnait de trop prolonger cette corvée. Je n’ai jamais compris l’adoration des anciens d’alors pour ce curieux procédé de conservation. Les cerises ne sont jamais aussi bonnes qu’au pied de l’arbre.

De fine en Napoléon, nous en vînmes à nos souvenirs d’élèves ivrognes. Rien ne nous était épargné pour suivre l’exemple de nos aînés. C’était une époque, où comme le disait mon camarade berrichon, jamais il n’a vu son grand-père boire de l’eau. Le vin était étoilé, parfois supérieur, il titrait alors joyeusement ses treize degrés quand il était coupé de vin d’Algérie. Les hommes partaient au travail avec une paire de bouteilles pour les moins assoiffés. Nous, les gamins, avions le droit de colorer notre eau et quand il faisait grand chaud, la trempée au vin remplaçait la soupe.

Le dimanche après-midi, la visite du tonton ou bien des voisins provoquait la descente à la cave pour y sortir un Montlouis pétillant. Belle occasion pour initier les enfants en leur permettant de tremper dans une coupe bienveillante un biscuit à la cuiller. C’était naturellement avant que d’attaquer les cerises à l’eau de vie à moins que ce ne fut des prunes ou des mirabelles. Les réserves étaient inépuisables en cette époque glorieuse de la conserve sous toutes ses formes.

Quand le dimanche tirait à sa fin, après une bonne promenade digestive, les hommes s’éclipsaient pour aller regarder le journal des sports dans le troquet du coin. Un petit apéritif ou deux permettaient de suivre l’actualité sportive sans risquer la déshydratation. Est-ce parce que nous étions alors en public, mais cette fois, je n’avais droit qu’à un verre de grenadine. Mon camarade avait à peu près le même souvenir mais lui, n’avait pas besoin d’aller en ville, sa grand-mère tenait un des quatre bistrots du petit village.

Voilà, les cerises nous ont permis un voyage dans une France d’antan. L’abus d’alcool fit bien des dégâts. Chacun se souvient encore de voisins ou des camarades décimés sur les routes en rentrant d’un repas bien arrosé. On se désolait quelques temps puis chacun retournait à la barrique avant de reprendre le volant. C’était ainsi et ça ne pardonnait pas d’autant plus que la vitesse n’était pas limitée.

Bocalement leur.

Ciliegie-Food-Friends-Blog.jpg



8 réactions


  • Sergio Sergio 31 mai 2017 11:56

    Bonjour Nabum


    Faites attention, les branches d’un cerisier sont très fragiles ! Les chûtes furent à une certaine époque, à l’origine de nombreuses tétraplégies, de nos jours, ce sont les accidents de la voie publique qui en sont responsables !

  • juluch juluch 31 mai 2017 13:45

    Les cerises à l’eau de vie !!!


    Mes grands parents en faisaient des bocaux à la pelle....ça arraché grave !!

    mon vieux disait que ça faisait digérer et que se n’était pas pour les enfants...mais il me faisait goûter quand j’insistai....il souriait à l’avance !!

    tu parles !! La brûlure !!  smiley

    de bonne traditions bien de chez nous nabum !!



  • Decouz 31 mai 2017 14:37

    Le rossi gnôle et le père siffleur a lu et abus votre article.
    Il y eut une boisson à base de cocaïne, bénie par le pape et vantée par des célébrités, qui fut interdite par la suite lorsque cette substance fut classée parmi les stupéfiants : le vin Mariani.


  • sylviadandrieux 1er juin 2017 14:43

    ..et les platanes furent décimés. Ne s’étaient-ils pas jetés volontairement sur le capot des voitures de ces braves pères de famille rentrant tranquillement dans leur chaumière écluser une petite dernière ?

    Le châtiment fut terrible pour ces braves arbres qui ne demandaient qu’à porter ombrage sur la route les jolis mois d’été. Boire ou conduire, on ne choisit pas chez ces gens-là - les buveurs compulsifs- veux-je dire.


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