mercredi 21 septembre 2016 - par Lionel Ladenburger

A quand des Jeux olympiques et paralympiques réunis ?

Disputés environ un mois après ceux des « valides », les Jeux paralympiques sont (hélas) encore une fois passés au second plan en cette année olympique. Ne serait-il pas temps de remédier enfin à cette situation manifestement injuste en réunissant une fois pour toutes les épreuves olympiques et paralympiques ? La question mérite assurément d’être posée.

Malgré l’effort de certains médias, dont France Télévisions fait (heureusement) partie, la plus grande manifestation handisport du globe ne jouit toujours pas de la reconnaissance populaire à laquelle elle aspire pourtant légitimement aux vues des valeureuses performances accomplies par les athlètes infirmes… Ultime preuve, la semaine passée à Rio où les quatre premiers du 1500m paralympique des malvoyants ont tout simplement couru plus vite que le champion olympique de la discipline !

Le manque de reconnaissance à l’origine de la séparation…

C’est en Angleterre que le mouvement paralympique a pris sa source. Suite à la seconde guerre mondiale, les Britanniques décidèrent en effet de réintégrer socialement les nombreuses personnes blessées au combat par le biais du sport. A la fin des années 1940, les Anglais sont ainsi devenus les pionniers du handisport moderne en lançant un vaste programme de rééducation et de réhabilitation via le prisme de différentes activités physiques adaptées aux incapacités des uns et des autres. Aujourd’hui considéré comme le Pierre de Coubertin des paralympiques, le docteur Ludwig Guttman eut ainsi l’idée d’organiser en juillet 1948, dans l’enceinte même de son hôpital de Stoke-Mandeville, une grande rencontre sportive pour handicapés en parallèle des Jeux Olympiques de Londres. La première pierre du paralympisme venait d’être posée…

Dans le but de profiter du rayonnement international de l’olympiade londonienne, le chirurgien allemand insista alors pour que sa compétition ait lieu pendant les Jeux. Une décision à double-tranchant, car (bien que minime) la distance entre Stoke-Mandeville et Londres eut pour principal effet d’amener ses officieux premiers jeux paralympiques à se dérouler dans l’indifférence générale. De fait, encore peu sensibles aux problèmes d’invalidité, les gratte-papiers de l’époque avaient alors clairement rechigné à effectuer les 80km séparant Stoke-Mandeville de la capitale londonienne… Un cruel manque de reconnaissance qui provoqua alors colère et tristesse parmi les athlètes infirmes ! C’est donc suite à ce malheureux état de fait originel que les dirigeants prirent ensuite la décision de ne plus organiser les deux évènements exactement en même temps.

La technologie au service d’un évènement à l’engouement croissant

Sauf que depuis, les choses ont bien changé. Jusque-là officieux, avec seulement 400 participants, les 1ers Jeux Paralympiques de l’Histoire ont officiellement eu lieu à Rome en 1960. A Los Angeles en 1984, la 7e édition rassembla déjà 4000 athlètes handisports, soit 10 fois plus qu’en Italie 24 ans plus tôt ! A partir de 1984, les compétitions olympiques et paralympiques se déroulent dans la même ville, mais jamais au même moment… En 2008 à Pékin, de nouveaux sports font leur apparition, près de 150 nations sont représentées et le nombre de places vendues frôle la barre des 2 millions. Mais c’est finalement en 2012 au Royaume-Uni, pays où le mouvement handisport a pris son essor, que les « paras » ont signé un « retour à la maison » par la grande porte. Quelques 64 ans après Stoke Mandeville, la manifestation est en effet revenue en Angleterre, mais cette fois-ci directement à Londres ! Tout un symbole.

Par le biais des nouvelles infrastructures mais aussi des nouvelles technologies (notamment des prothèses plus souples et plus légères qui ont considérablement contribué à améliorer les performances des handicapés), les Jeux de Londres auront définitivement fait basculer le paralympisme dans une autre dimension : près de 5000 participants originaires de 170 pays, 2 millions de places vendues (soit 200 000 de plus qu’en Chine en 2008), ainsi que 80 000 spectateurs pour les cérémonies d’ouverture et de clôture, sans oublier la tête de gondole Oscar Pistorius, 1er athlète handisport à avoir concouru (un mois auparavant) aux côtés des « valides ». Plus grands et plus spectaculaires que jamais, ces jeux londoniens ont ainsi marqué les esprits de par leur inattendu succès populaire.

Une médiatisation en hausse… mais néanmoins toujours insuffisante !

Une illustre réussite publique qui a bien évidemment attiré les médias comme des mouches. Dès lors, l’engouement autour de la compétition des « invalides » a donc, lui aussi, fait un énorme bond en avant. Aujourd’hui, la médiatisation des « paras » n’a ainsi plus grand chose à voir avec la couverture discrète (pour ne pas dire carrément anonyme) de ce que fut autrefois Stoke-Mandeville. Jadis réticents à suivre ce qu’ils considéraient alors comme une sorte de « freak show », les journalistes se montrent désormais enthousiastes à l’idée de relayer les performances des athlètes handisports. Preuve de cet intérêt croissant, pour la toute première fois à Rio, France Télévisions a mis en place un dispositif XXL afin de retransmettre les paralympiques quasiment de la même manière que les olympiques.

Pourtant, malgré les efforts de la presse et des chaines de télé qui tentent de faire oublier l’écart entre les deux compétitions, l’impact médiatique des paralympiques demeure insuffisant et par là-même largement inférieur à celui des J.O. pour une seule et unique raison : le décalage dans le temps entre les deux compétitions. Cette non-synchronisation amène toujours (pour l’heure) à une évidente sous-médiatisation des jeux paralympiques, ainsi que (par effet domino) à une regrettable sous-estimation des résultats obtenus par les champions infirmes aux yeux du grand public.

Pourquoi pas deux épreuves simultanées sur un mois ?

Principal argument invoqué par les réfractaires à une unification des deux manifestations, la capacité d’accueil du village olympique qui devrait être quasiment doublée pour chaque édition afin de pouvoir contenir l’ensemble des délégations paralympiques et les olympiques sur la même quinzaine. Par conséquent, aucune ville ne pourrait raisonnablement se permettre de financer un tel projet… Cependant, afin d’organiser les deux compétitions en même temps sans pour autant augmenter la taille du village olympique, d’autres alternatives existent assurément… Mais elles ne sont toutefois que trop rarement évoquées par les dirigeants du CIO (Comité International Olympique).

Par exemple, certains fervents supporters du paralympisme proposent d’enchaîner directement les J.O. puis les J.P. ou (mieux encore) les J.P. d’abord puis les J.O. ensuite, de façon à supprimer le « temps-mort »séparant actuellement les deux épreuves. Un délai d’un mois qui nuit in fine incontestablement à la visibilité des « paras ». Plus audacieux, d’autres fans défendent quant à eux la thèse d’une réunion des deux manifestations via des Jeux Olympiques et Paralympiques unifiés et disputés, à l’instar de la Coupe du Monde de Football (l’autre évènement quadriennal majeur du sport mondial), non plus sur 15 jours mais plutôt sur un mois plein ! Et si c’était ça, la solution ?

Les « paras » : véritables athlètes à part entière !

Même volonté, même rage de vaincre, même beauté dans l’effort… De ces nageurs sans bras à ce tireur à l’arc avec les pieds en passant par le pongiste raquette en bouche, pour ceux qui ont suivi les « paras » cet été en terres cariocas, impossible de ne pas être admiratif devant ces héros aux parcours de vie qui forcent sans conteste le respect. En outre, toutes les conditions (performances, spectacle, esprit sportif et intérêt populaire) semblent aujourd’hui réunies pour pouvoir rassembler les deux plus grands évènements multisports de la planète.

A une époque où l’intégration des handicapés par la voie du sport est tant prônée que vantée par la plupart de nos dirigeants politiques à travers le globe, il serait grand temps de ne plus cliver sport et handisport sous la bannière olympique. Mesdames et messieurs du CIO, la balle est dans votre camp.

Lionel Ladenburger

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15 réactions


  • Ben Schott 21 septembre 2016 09:38

     
    Personnellement, je préfèrerais la création des Jeux olympiques LGBT...
     


  • Fergus Fergus 21 septembre 2016 09:44

    Bonjour, Lionel

    Disons-le tout net : les Jeux paralympiques n’ont guère de sens.

    Certes, il sont utiles aux athlètes en leur permettant de se mobiliser sur un objectif capable de les transcender ; de même ces Jeux sont utiles aux associations car ils donnent à celles-ci une visibilité sur les actions à accomplir et les moyens nécessaires pour sortir les handicapés de leur isolement.

    Mais sur le plan strictement sportif en termes de compétition, c’est trop souvent le niveau zéro de l’équité tant les handicaps sont disparates, voire disproportionnés, dans la plupart des épreuves. Or, les Jeux paralympiques, en distribuant des médailles et en jouant les hymnes comme les « vrais » JO, ne sont de facto qu’une parodie dérangeante. Un avis que partagent d’ailleurs nombre de handicapés eux-mêmes.

    Je ne veux pas dire par là qu’il ne doit pas y avoir de compétitions destinées aux handicapés, mais elles devraient être repensées en se démarquant du modèle des JO.


    • Francis, agnotologue JL 21 septembre 2016 10:15

      @Fergus
       

       JO, Jeux paralympiques : mêmes modèles économiques, mêmes profits, mêmes sponsors.
       
       Il n’y a pas d’alternative pour organiser ces choses là.

    • Fergus Fergus 21 septembre 2016 12:00

      Bonjour, JL

      Hélas !

      Les athlètes paralympiques vont même, comme les valides sélectionnés pour les JO, jusqu’à se doper. Parfois sous une forme abominable : l’automutilation destinée à favoriser la pression sanguine ; une pratique appelée « boosting » qui a tendance à se développer dans le milieu du handisport.


    • Salade75 21 septembre 2016 14:19

      @Fergus
      Bonjour,

      Je rajouterais que pour le public, les jeux sont avant tout un spectacle.
      Et on va au spectacle pour voir des choses hors de portée, mais « qui font rêver » pour reprendre un terme à la mode, c’est à dire dans lesquelles on peut se projeter (comme quand on va au cinéma voir un « James Bond », tout en sachant que l’on n’est pas James bond par ex).
      Quelles que soient les prouesses des sportifs, quel valide va-t-il rêver ou se projeter en regardant un handicapé faire du sport, même si il bat un record toute catégorie. ?
      Il sera peut être admiratif, peut être étonné, peut être curieux, mais rarement espèrera t’il faire pareil.
      Et combien d’enfants valides se mettront ils au sport en rêvant d’être « nom d’un champion handicapé des JPO » ?
      Vouloir dupliquer le business modèle des JO aux au sports handicapé me semble être un non sens.


    • Lionel Ladenburger Lionel Ladenburger 27 septembre 2016 12:27

      @Salade75
      et vous croyez que les handicapes ne revent pas en voyant les jeux paralympiques ? 

      votre point de vue est tres reducteur je trouve... 

    • Lionel Ladenburger Lionel Ladenburger 27 septembre 2016 12:32

      @Fergus
      Bonjour Fergus, 

      Effectivement, en termes d’equite, il y a des choses a revoir... L’exemple qui me vient en tete est celui des epreuves de courses en athletisme ou les competiteurs hamputes « simples » (avec une jambe « valide » et une prothese donc) concourrent avec les hamputes « doubles » (2 protheses), ce qui favorise evidemment les hamputes doubles. 
      Ceci dit, je reste convaincu que ce n’est pas en laissant les jeux paralympiques de cote que la situation s’ameliorera. Au contraire... 

  • Phalanx Phalanx 21 septembre 2016 14:16

    A quand l’arrêt de la ségrégation homme femme aux JO ? et l’intégration des mineurs et des animaux ? et les séniors ? et les trans ? 


    Vous confondez les JO et la gay pride.

    Vous n’avez pas compris l’esprit Olympien, c’est un processus purement aristocratique hérité du monde ancien (les meilleurs, ceux qui ont été favorisé par la nature/Dieux à la naissance, gagnent. Ils sont choisis par les Dieux de manière arbitraire) ce qui n’a rien a voir avec la vision crypto chrétienne égalitariste que vous développez.

    Je ne dis pas qu’il ne fait pas le faire, si il y’a des budgets et si ca aide un peu des handicapés pourquoi pas. Mais vous ne forcerez pas les gens à s’y intéresser.

    Perso, je me fout complètement des JO et comme tout le monde, encore plus des JO paralympique (par ce que cela n’a qu’un intérêt très limité). Et le matraquage médiatique pour me vendre les JO perlimpinpin n’y changera rien.

    Ceci étant dit, un avantage des JO paralympique et de préparer les masses aux transhumanisme, à l’humanité augmentée grâce à des prothèses high tech.



    • Phalanx Phalanx 22 septembre 2016 02:51

      @jesuispascontent

      prothèse = transhumanisme ....... ou handicap.

      Prothèse donc. 

      Quant au transhumanisme, si ce n’était pas une idéologie NWO je vois pas pourquoi Google & Co investirait des milliards la dedans. 

  • ENZOLIGARK 21 septembre 2016 16:54

    JO 2024  : la nouvelle maire de Rome refuse de soutenir la candidature ( corsematin . com du jour ) ... ; ... FORZA ITALIA * ... . ... АФФ ИСС ...


  • epicure 21 septembre 2016 21:13

    Si les athlètes handisports font de plus en plus de progrès, les records tombent à la pelle, il y a quand même des écarts naturels. Il suffit de voir les chronos de MA lefur qui sont parfois des records du monde pour sa catégorie,mais qui restent loin des championnes valides.

    Cependant dans certaines disciplines certains handicapés se rapprochent des valides.

    Si le 1500m JO a été moins rapide que le 1500m JP c’est parce que le premier a été très tactique, avec une partie course d’attente, une des finales les plus lentes. Mais les malvoyants ayant fait exploser leurs chronomètres, leur finale est un exploit en soi.


    • Lionel Ladenburger Lionel Ladenburger 27 septembre 2016 12:22

      @epicure
      je partage totalement ton point de vue Epicure. Meme si la course olympique a ete tres tactique (et donc plutot lente en terme de chrono), la performance des malvoyants sur le 1500m demeure tout a fait exceptionelle. 


  • Krokodilo Krokodilo 22 septembre 2016 19:23

    Je partage l’avis de Fergus et Phalanx. Personnellement, je trouve ça absurde et hypocrite, car l’audience, quoi qu’en dise l’article, est minime. Les journalistes s’enthousiasment parce qu’ils sont payés pour, le public est essentiellement fait des familles et encadrement, les tribunes vides sont soigneusement évitées par les cameramans. Si les chaînes les mettaient aux heures de grande écoute, l’audience serait plombée, ils le savent, d’où les horaires tardifs. Pourquoi être contre ? J’en avais fait un article ici-même, que je n’avais pourtant pas osé intituler « Non aux JO handicapés ! » Le seul intérêt que j’y vois c’est, pour les premières éditions, d’avoir banalisé le handicap. Ce soi-disant consensus fait que personne n’oserait proposer officiellement d’arrêter les jeux handisports, trop politiquement incorrect.
    Il faut favoriser l’accès et la pratique du sport aux handicapés, oui, mais en faire des JO, non. Les JO c’est le rêve , l’idéal, mens sana in corpore sano et tout ça(enfin, en théorie... si on excepte le dopage, le nationalisme, le pognon, les gosses martyrisés pour fabriquer des champions, etc.). Le handicap, c’est ce qu’on souhaite éviter ! En outre, il y a des problèmes structurels, de catégories arbitraires, car comparés aux champions nous sommes tous handicapés, par notre âge, par des maladies : pourquoi pas une catégorie pour la polyarthrite, une pour les cardiaques, etc. ?


    • Lionel Ladenburger Lionel Ladenburger 27 septembre 2016 12:26

      @Krokodilo
      L’audience reste minime justement parce que les Paralympiques n’ont pas lieu au meme moment que les J.O. 

      Si c’etait le cas, les telespectateurs passeraient d’une epreuve olympique a une epreuve paralympique sans se soucier de qui est valide et qui ne l’est pas... 
      Et dans ce cas-la, je suis persuade que l’audience serait plus ou moins equivalente pour les deux competitions. 

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