vendredi 26 août 2016 - par Lionel Ladenburger

Les Fidji ont dépoussiéré le rugby

Après 92 ans d’absence sous les anneaux (sa dernière apparition remontait aux J.O. de Paris en 1924), le ballon ovale a signé un retour rafraichissant sur la scène olympique brésilienne. Un come-back aussi réussi qu’historique, puisqu’au terme d’un tournoi séduisant, c’est l’attachante équipe des Fidji qui s’est imposée, remportant par là même la 1ère médaille olympique de l’Histoire de ce petit pays.

Alors que la bannière fidjienne arbore encore l’Union Jack dans sa lucarne, c’est pourtant bel et bien l’ancien colonisateur britannique qui a subi le joug des vaillants rugbymen océaniens lors de la finale du tournoi de rugby à VII des Jeux de Rio. Un succès symbolique, amplement mérité et fort en émotions.

Le VII plus spectaculaire que son grand frère du XV

Bien qu’extrêmement populaire dans l’hémisphère-Sud, le rugby à VII (communément appelé « Sevens ») n’est pas né dans les eaux turquoises du Pacifique, mais en Écosse ! Tout a débuté en 1883 dans la ville de Melrose quand deux bouchers organisèrent un tournoi de charité au bénéfice du club local. Dans le but de multiplier les matchs afin d’attirer un maximum de monde, ils décidèrent de diminuer la taille des équipes de 15 à 7 joueurs (3 avants, 2 en charnière et 2 arrières), tout en réduisant également de manière drastique le temps de jeu à seulement 2 mi-temps d’à peine 7 minutes chacune. Un conseil donc : n’arrivez pas en retard si vous décidez un jour d’aller voir un match de rugby à VII…

Le terrain étant le même qu’un terrain de rugby à XV, la version à VII de l’ovalie constitue, de fait, une discipline ultra-spectaculaire. Car a contrario du XV, les espaces bien plus importants entre les lignes permettent en effet de marquer des essais à la pelle. De surcroit, doté de ce format très court particulièrement bien adapté aux retransmissions TV, le « Sevens » a ainsi permis au rugby de redevenir sport olympique après près d’un siècle pourtant passé au placard des Jeux.

Palmarès du rugby masculin aux Jeux Olympiques d’été 2016

Les rugbymen Fidjiens, Brésiliens du « Sevens »

Alors qu’on attendait le quinziste Sonny-Bill Williams, vainqueur du Mondial 2015 avec les All-Blacks, comme principale tête d’affiche à Rio, c’est finalement une bande d’Hindis décomplexés, parmi lesquels certains anciens ou actuels membres du Top 14 tels que Osea Kaulinisau (ex-Agen), Semi Kunatani (Toulouse), Leone Nakarawa (Racing 92), Josua Tuisova (Toulon) ou encore Samisoni Viriviri (Montauban), qui aura volé la vedette à la star néo-zélandaise. Pratiquant un jeu déconcertant alliant densité physique, explosivité, technique, puissants raffuts et passes multiples, les Fidjiens (référence mondiale du rugby à VII depuis 2 ans) ont survolé, de bout en bout et avec la manière, la compétition carioca.

En finale, dans un Stade Deodoro acquis à leur cause, les Brésiliens du « Sevens » ont même terrassé (43 à 7) les inventeurs du jeu britanniques : asphyxiés, dépassés, constamment confinés dans leur camp et privés de ballon. Auteurs de pas moins de sept essais, les « Flying Fijians  » sont ainsi entrés de plain-pied dans l’Histoire en offrant la toute première médaille olympique, qui plus est en or, à leur nation. Une éclatante victoire qu’ils doivent en grande partie, ironie du sort, à un certain Ben Ryan, leur coach… anglais ! Un technicien passionné qui, malgré des infrastructures souvent précaires, est parvenu à sortir ses joueurs de l’amateurisme pour en tirer la quintessence.

Le jour du sacre olympique sera désormais férié aux Fidji !

Ces mêmes joueurs ont d’ailleurs célébré avec lui ce moment si spécial via un émouvant chant traditionnel qui demeurera assurément comme l’un des plus beaux moments de la compétition. Soixante ans après avoir envoyé leurs premiers athlètes aux Jeux de Melbourne, les hommes du Pacifique, qui n’avaient encore jamais ramené la moindre breloque en 13 olympiades, ont donc enfin inscrit leur petit archipel de 900 000 habitants sur la carte du palmarès olympique…

A 13 500 km de là, ce succès des rugbymen a fait basculer les Fidji dans la folie. Du côté de Suva (la capitale), cris de joie et larmes de bonheur sont massivement venus saluer la performance… Trafic paralysé, routes envahies, jusqu’à l’aube les scènes de liesse ont plongé les rues du pays tout entier dans une fête absolue ! Un triomphe tellement symbolique qu’il a même poussé le 1er ministre fidjien, présent à Rio, à décréter que le 11 août serait à l’avenir un jour de congé dans tout l’archipel ! De quoi garantir à jamais une place dans l’éternité à cette première timbale dorée.

Lionel Ladenburger



2 réactions


  • Fergus Fergus 26 août 2016 13:20

    Bonjour, Lionel

    Entièrement d’accord avec cet article : les Fidji nous ont régalé de bout en bout avec leur jeu fait de spontanéité et d’inspiration, exactement dans l’esprit que l’on aimerait voir également dans le rugby à XV, trop souvent étriqué par la prédominance des tactiques défensives.

    Dans un registre différent et plus rugueux - en fait plus apparenté au XV - l’Afrique du Sud nous a également offert une belle prestation. Plus intéressante que celle, inégale, d’une Angleterre qui ne serait sans doute pas arrivée en finale sans le dénommé Bibby, ou celle de All Blacks passés à côté de la compétition.

    Autre bonne surprise : le Japon.

    Côté féminin, j’ai pris aussi du plaisir à constater les indéniables progrès des joueuses. Il est vrai que je suis sensibilisé à ce rugby féminin, si longtemps moqué : l’une de mes cousines a été naguère championne de France à XV au poste de pilier avec l’équipe de Chilly-Mazarin. 


    • Lionel Ladenburger Lionel Ladenburger 30 août 2016 10:38

      @Fergus
      Totalement d’accord avec toi Fergus ;)

      Je relativiserai juste par rapport aux All-Blacks qui ont perdu en quart de finale contre les Fidji justement... Le match que les Fidjiens ont d’ailleurs eu le plus de mal a gagner. En somme, si les All-Blacks s’etaient retrouves dans l’autre partie du tableau olympique, je pense qu’il serait arriver en finale. 
      Enfin concernant le Japon, ce pays est clairement en train de devenir une vraie nation de rugby. Leurs resultats recents que ce soit a 7 ou a 15 le prouvent. En 2015, les rugbymen nippons avaient d’ailleurs cree l’une des plus grosses sensations de la Coupe du Monde de rugby en battant l’Afrique du Sud !!! Avec un tel engouement, le « sevens » aura donc, a n’en pas douter, une place de choix lors des prochains J.O. organises au pays du soleil levant ;)

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