Taïké Eilée Taïké Eilée 16 décembre 2013 20:47

@ Luc-Laurent Salvador

1°) D’abord, je me répète, mais 1/ le sujet de l’article (comme annoncé dès le début) n’est pas principalement le personnage de Soral (il ne fait qu’illustrer un phénomène plus général), et 2/ ce que j’aurais eu à dire sur lui, si j’avais dû le « juger », aurait été trop long, et aurait mérité bien des nuances, compte tenu de la complexité du personnage et de son caractère polémique. Pour faire bref, je ne suis ni un soutien ni un adversaire de Soral. Il a un courage évident, je ne doute pas qu’il veuille la paix, il dit avec « punch » des choses qui donnent à réfléchir (et qui justifient que j’y prête l’oreille), mais parfois aussi il déraille (comme lorsqu’il présuppose des attentats sous faux drapeaux de manière systématique sans aucun indice valable : Breivik, Merah, Londres, Boston...). Il applique alors un schéma général (qui fait sens) à des situations qu’il n’a pas analysées sérieusement.

Ensuite, vous dites que je laisse « planer le doute sur la pensée soralienne simplement parce qu’à certains moments de sa communication, il pourrait, serait-ce via les citations d’autres auteurs, mettre le supposé « peuple juif » à l’index sans distinguo particulier entre une certaine élite comploteuse et son bon peuple ». Je précise que, lorsqu’il parle d’un problème avec le « peuple » juif, ce n’est pas une citation d’un autre, c’est sa propre parole.

Si vous voulez un autre exemple de ce qui me gêne, voyez cet extrait, lorsqu’il évoque des propos peu amènes de Richard Nixon à l’égard des Juifs. Il va émettre l’hypothèse selon laquelle, si Woodward et Bernstein (les journalistes du Washington Post) l’ont fait tomber dans l’affaire du Watergate, c’était peut-être bien par « solidarité tribale ». Sans aucun début d’indice évidemment. Supposition gratuite. Woodward d’ailleurs est-il juif ? A mes yeux, ces journalistes auraient dû être rangés dans les « Juifs du quotidien », ils n’appartiennent pas, que je sache, à une organisation communautaire, ni aux élites financières. Et pourtant, Soral les soupçonne d’avoir agi par « solidarité tribale ». Cela me pose problème.

Cela dit, contrairement à ce que vous dites, je n’ai jamais « murmuré avec les loups » contre Soral. Seulement, je ne suis pas son disciple, ce que vous semblez exiger. Je suis libre. Et même, si j’étais son ami, je lui ferais encore plus de critiques constructives, et bien plus rudes (certes en privé), car un ami sert à cela (pas à lécher les bottes et à dire amen à tout).

Vous dites que Soral et Dieudonné servent de bouc-émissaires (pour certains). C’est vrai. Mais eux-mêmes n’ont-ils pas leurs propres boucs-émissaires ? La « réconciliation » prônée par eux ne se fait-elle pas contre d’autres (qui s’avèrent, on l’a vu, difficile à bien identifier) ? Vous me direz que c’est peut-être inévitable... il faut toujours un bouc-émissaire quelque part pour s’unir.

2°) Je ne m’intéresse pas qu’au traitement médiatique des choses, même si ça revient souvent, et en particulier dans cet article. Je peux m’intéresser aux événements eux-mêmes. Mais l’expert qui prétend « révéler la vérité » sur le 11/9 (puisque c’est votre exemple) me semble être un charlatan (je précise que j’ai sans doute une conception assez exigeante de la vérité, qui doit être très claire). Honnêtement, j’ai lu peu de gens (sur le web) qui en connaissaient bien plus que moi sur ce sujet, et pourtant je ne saurais vous « révéler la vérité », alors que certains, qui rapportent pourtant bien des erreurs, ne s’en privent guère. Et ils le font d’autant plus facilement qu’ils ignorent des pans entiers de l’affaire. On se forge son intime conviction (dont on devient prisonnier), et on effectue ensuite un tri sélectif entre les informations qui nous arrangent et celles qui nous dérangent. Je n’ai encore jamais lu qui que ce soit qui ait tout pris en considération (la masse des éléments à disposition, dans leur diversité), et qui ait proposé un scénario crédible. Mais sans de l’investigation de haut vol (hors du web), c’est peine perdue.

Alors oui, je comprends que c’est frustrant, mais la réalité est parfois frustrante (le principe de plaisir doit se soumettre au principe de réalité). Si on ne l’accepte pas, en effet, il reste toutes les croyances possibles, et je n’en suis pas vendeur. Je me suis parfois avancé un peu sur le fond de cette histoire, mais avec la prudence nécessaire pour ne pas tromper les autres. J’aurais sans doute eu les moyens de me faire passer pour un être omniscient (connaissant bien le sujet), mais je ne l’ai pas fait.

Il faudrait, dites-vous, que je « guide » le public « vers une représentation crédible de la situation analysée ». En fait, prendre conscience du (pseudo)-dysfonctionnement chronique des médias (qui, en fait, répond à une logique sous-jacente) est révélateur de certaines choses très profondes qui touchent à l’homme et à certains invariants dans l’organisation de la vie en société ; mais je n’ai fait que lancer une piste en citant Debray à la fin... cela m’aurait entraîné trop loin.

3°) Enfin, vous dites quelque chose de très important à la fin de votre propos, et qui permet de comprendre notre différence du moment :

"Dans les affaires humaines vient toujours le moment où la libre discussion doit cesser pour mener à l’action. Libre, la discussion peut l’être autant qu’on voudra... avant que vienne le moment de la décision. (...) on peut, je crois, s’accommoder de la voie du milieu telle que vous la prônez quand on se trouve en temps de paix, dans une « vraie » démocratie où la parole est libre. Mais lorsque le danger totalitaire guette, lorsque la guerre est à nos portes, lorsque la bascule dans un ordre mondial du mensonge dont 9/11 constituerait le prélude peut intervenir à tout moment, la voie du milieu est aussi inadaptée que l’idée d’une assemblée générale sur le pont du Titanic pour discuter des modalités d’évacuation."

On se rejoint totalement dans cette analyse, à ceci près que j’ai encore l’idée (peut-être erronée) que nous sommes en temps de paix. J’ai une attitude qui vaut effectivement en temps de paix, et je n’ai pas envie de précipiter le moment de la guerre. Je crois que nous avons encore un peu de temps avant « l’apocalypse » qui, pour vous, est déjà là. C’est ainsi que je comprends (ce n’est qu’un exemple) l’attitude d’un Chauprade qui, subitement, décide de quitter son rôle d’universitaire et de s’engager en politique, dans un parti diabolisé, car il pense que demain, si on n’agit pas immédiatement, tout sera trop tard. Je n’ai pas encore le même ressenti, mais je comprends ceux qui l’ont. Et donc je vous comprends.

Mais si tout le monde se comporte comme si c’était déjà la guerre, il n’est plus besoin de débattre, d’échanger, il faut former des bataillons et partir s’entretuer. Ce n’est pas mon projet dans l’immédiat. J’espère encore une solution plus apaisée et intelligente. C’est mon pari.

Et n’oubliez pas que ce qui apparaît évident à vos yeux (le 11/9, les bienfaits de l’action de Soral, etc.) ne l’est absolument pas à d’autres, soit parce qu’ils n’ont pas vos connaissances (et vivent dans un autre univers mental), soit parce qu’ils ont un autre point de vue d’où ils perçoivent les choses. J’essaie, pour ma part, de m’adresser à tout le monde, pas seulement à d’éventuels « initiés ». C’est prendre encore la « voie du milieu » pour faire monter un peu le niveau général d’esprit critique, tout en n’excluant personne en clivant trop le propos. Où l’on rejoint l’intérêt de l’information « contradictoire », équilibrée et non partisane.


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