Christian Labrune Christian Labrune 14 décembre 2016 22:30

@maidoc25
Je m’amuse, je n’attends pas qu’on me prenne tout à fait au sérieux. Ce que vous écrivez part d’un bon sentiment, on ne peut pas vous le reprocher, mais beaucoup de gens, sans le tabac, seraient morts, et c’est mon cas.

J’ai été prof pendant près de quarante ans. Si je n’avais pas eu la compagnie de ma pipe pendant les sept à huit heures que prend la correction d’un paquet de dissertations, je serais devenu fou, surtout à partir de la fin des années 80 où ce qu’on lisait n’avait plus aucun sens. Sans le tabac, comme beaucoup de collègues, je me serais retrouvé à l’hôpital psychiatrique, ou bien je me serais jeté dans la Seine - mais je suis bon nageur et il aurait donc fallu que je trouve autre chose !

C’est que le tabac a aussi des fonctions sédatives. Il permet de supporter l’insupportable. Etant assez prompt à me mettre en colère, sans ma pipe, j’aurais peut-être étranglé une dizaine d’élèves et deux ou trois cents collègues. Je serais peut-être en train, au lieu de jouir de ma retraite, de moisir dans une prison, et condamné à la perpétuité !

Autrement dit, il se peut bien que fumer favorise un certain nombre de pathologies, mais cela en évite d’autres. Un article de la revue La Recherche à la fin du siècle dernier examinait très finement cet aspect des choses, lequel n’est jamais pris en compte dans les statistiques apocalyptiques sur lesquelles vous paraissez vous fonder.

Il faudrait aussi probablement interdire l’usage de l’automobile : un demi million de morts en France depuis la dernière guerre, ça fait beaucoup. En outre, l’air qu’on respire dans la plupart des bagnoles, lorsqu’elles sont à l’arrêt dans les embouteillages, se trouve chargé de vapeurs toxiques (des dérivés du benzène, mais je n’en jurerais pas) qui présentent en une heure à peu près la même toxicité qu’on paquet de gauloises.

Bien que je n’aie jamais étudié la médecine, j’ai quand même le sentiment que la maladie la plus facile à diagnostiquer, et peut-être la plus grave parce qu’elle est mère de toutes les autres, c’est l’hypocondrie qui fait craindre pour sa santé. Personnellement, je ne m’en suis jamais soucié le moins du monde et, à la fin de la soixantaine, j’ai toujours l’impression d’avoir quinze ans. Ca ne va pas durer, je le sais, mais comme disait Vauvenargues, « il faut vivre comme si on ne devait jamais mourir ». Il y a un temps pour vivre et un temps pour mourir, dit aussi l’Ecclésiaste, et il faut bien se garder de laisser la pensée de la mort pourrir tous les instants de l’existence.


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