velosolex velosolex 13 février 2017 21:17

@lermontov
C’est bien saisi, bravo pour votre interprétation brillante. On ne saisit un homme que par rapport à son époque, et c’est sûr qu’on oublie à quel point l’antisémitisme était décomplexé dans les années 20 et 30..Une époque pas avare d’ailleurs en excès de langage de toutes sortes. Il suffit de lire « l’assiette au beurre », et ’l’action française« , où Barrès et Goncourt font dans le grand délire, appellent à l’assassinat des gens qui ne leurs plaisent pas.

Les livres de Céline sont excessifs, c’est son fond de commerce et son génie. Mais le propre d’un illusionniste et d’un caricaturiste est de rester dans la comédie, et de ne pas forcer son trait....Tous les peintres savent cela aussi...La version de »mort à crédit« apparaît autobiographique, comme toute l’oeuvre de celine, brodant sur sa propre vie...Sur fond d’ironie et de cynisme, on pense à de la maltraitance, à »l’enfant« , de Jules Vallès Rien à voir pourtant avec l’enfance et la jeunesse de Celine, qui fut adulé par des parents protecteurs. Un statut de fils unique dans tous le sens du terme... D’emblée on s’aperçoit que cette corde de l’exagération et de l’interprétation abusive seront son fond de commerce, avec une outrance dans le personnage persécuté, son double. La mythomanie est par essence dangereuse, elle vous expulse du chant du réel, fait de vous quelqu’un qui estime qu’il ne sera jamais reconnu à sa propre valeur. Sentiment visible, et centrifugé quand l’homme n’obtint pas le Goncourt mais seulement le Renaudot pour »le voyage« ...On lui en veut....Grand délire surjoué...Rien de pire pour un écrivain de se placer au dessus des autres. 
Sans entrer dans la fausse modestie et l’hypocrisie matoise, un bon écrivain est bouffé par le doute, ne fait pas du théâtre, »n’accroche pas sa peau au porte manteau". Un homme satisfait de lui n’est pas n’est plus un artiste....J’ai lu quelqu’un dernièrement donner une définition assez réussie de l’écrivain ; Quelqu’un pensant qu’il est un génie quand il est écrit, et persuadé ensuite, quand c’est publié, qu’il a écrit une merde. 
Donc, le doute, du début à la fin, voici la recette de Fernando Pesoa, de l’homme intranquille, humaine, capable de s’améliorer. Quelqu’un pensant qu’il est un génie est un monstre. Laissons les autres apprécier post mortem !.
 Celine pensait qu’il faisait partie des deux ou trois écrivains qui comptent dans le siècle. Ce qui est une ânerie, et un suicide. Une ânerie, car toute qualité est relative, et montre une conception très comprimée de l’histoire et du style, genre qu’il mettait en avant, comme un complet à la mode, que les autres devaient admirer....Mais le style, c’est autre chose que de jouer uniquement des coudes en couturant des phrases et en jonglant avec les points de suspension et d’exclamation, c’est une façon de se mettre au diapason avec l’histoire du monde, de dégager du sens, et non pas de marcher au pas avec les brutes en rigolant..
Celine et Camus sont situés sur les mêmes étagère des bibliothèques mais n’ont vraiment rien à voir....Chacun a pourtant traité du sentiment d’absurdité de la vie à sa façon, l’un vers la lumière, l’autre vers les ténèbres. 
Car Celine a livré à l’enfer des wagons pleins de points de suspension avec des juifs dedans. Une responsabilité, écrasante, bien plus grande que celle du cheminot qui conduisait les trains vers la mort...Cet homme fut donc un génie et imbécile, semblablement d’ailleurs à pas mal de personnages de ses romans, de Bardamu à je ne sais quel professeur foldingue.Et c’est peut être en ce sens qu’on peut admettre qu’il fut un visionneur. Du moins visionnaire de la déchéance de sa propre vie....Il aurait mieux fait de se taire, après ce voyage. Point final. Au lieu de bégayer et surtout de postillonner à la gueule des autres.

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