Alren Alren 9 mars 2017 12:05

L’autorité absolue, quasiment arbitraire des inspecteurs sur les enseignants date de la création même de l’école publique en 1881, de l’enseignement (primaire) généralisé à tous les enfants du peuple.

Jules Ferry s’est résigné à cette création, pour plusieurs raisons.

La défaite de 1870 avait montré que la loi Falloux votée par les conservateurs en 1850 après écrasement des révolutionnaires de 1848 et qui confiaient l’alphabétisation minimum des enfants de pauvres au clergé catholique aboutissait à faire des soldats ignorants, inaptes à la bataille moderne menée par les Prussiens.

Il fallait un enseignement détaché de la préoccupation première de l’éducation religieuse. Il fallait plus de science et de mathématique pour lire les cartes, servir l’artillerie etc. Il fallait aussi que les ordres soient compris de tous et donc que les patois et dialectes soient éradiqués au profit du français. Or les curés parlaient à leurs élèves avec la langue locale.

L’industrie lourde se développait à grande vitesse. Les travailleurs des grandes usines devaient savoir lire pour être utiles. L’école primaire pour tous était une demande des patrons.

La troisième raison était secrète mais Ferry l’a avouée dans un courrier à un ami politique : le programme de la Commune écrasée dans un bain de sang en 1871 et ensuite couverte de boue par les « prestitués » de l’époque, comprenait l’éducation de tous les enfants hors de l’influence des religieux. Et Ferry craignait que se constituent des écoles indépendantes de « rouges » où l’on enseignerait la nécessité de la révolution sociale.

Le problème était que pour que chaque enfant reçoive un enseignement laïc, il fallait recruter un nombre considérable d’instituteurs et que les bourgeois refusaient d’exercer cette profession au fin fond des campagnes (80% de la population vivait alors en zone rurale souvent très reculée) et payée a minima.

Les instituteurs devaient donc être recrutés dans les classes pauvres, des individus plus intelligents que la moyenne et donc naturellement révoltés par l’injustice sociale vécues par leurs parents, eux-même et les enfants qu’ils auraient dans leurs classes (car les petits bourgeois allaient dans les lycées dès six ans) et qui risquaient de transmettre leur révolte à toute une génération.

C’est pourquoi, dès le début, des textes encadrèrent très rigidement l’activité des instituteurs. Les manuels de morale insistaient sur le respect des parents, du patron futur et de Dieu même. (Oui dans l’école « laïque » de Jules Ferry, les manuels de morale faisaient obligation à l’enseignant d’apprendre aux enfants qu’ils avaient des devoirs envers Dieu !). La leçon de morale quotidienne et ainsi encadrée devait commencer la journée scolaire.

Le rôle du tout puissant inspecteur était de contrôler que que les directives ministérielles étaient suivies à la lettre.

Depuis le ministre jusqu’à l’inspecteur zélé, l’agent d’exécution qu’était l’instituteur était suspect a priori. Bien entendu, il était interdit aux instituteurs de se syndiquer et la police, la gendarmerie locale les fichait selon leurs opinions et comportements.

Cette hostilité virtuelle s’est maintenue de nos jours sous la forme d’un hiérarchisme exacerbé, dans le primaire et le secondaire, évidemment contre-productif, qui se manifeste sous la forme de directives pédagogiques n’ayant pas d’autres raisons d’être que de paraître montrer l’activité des bureaucrates de l’EN.


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