kalachnikov lermontov 23 mars 2017 14:34

Il me semble qu’il faille prendre la chose différemment.

Il y a une différence entre le mot et le concept ; un même mot peut désigner plusieurs concepts différents et non conciliables. Ainsi, celui de peuple peut désigner l’ethnie ou simplement la population ou relever du politique. Il en est de même du nom France qui désigne tour à tour le lieu, la République, etc.

On discerne mal les concepts parce que très simplement, on parle mal. Par exemple, concernant la France de l’Ancien Régime, on devrait toujours s’appliquer à dire le royaume de France et concernant la France actuelle, la République française*.

1789 constitue une rupture radicale, c’est la naissance d’un Etat-nation ; Etat-nation, cela signifie que ce qui constitue la nation, son identité, c’est son système politique (pour les Français, la République). Auparavant, la notion de peuple est strictement liée à l’idée de population ; le peuple de France sous la monarchie, ce sont des sujets ; il est totalement accessoire que ces sujets parlent la langue française, soient génétiquement liés aux ancêtres, etc ; au gré des annexions et conquêtes ou pertes de territoire, ce peuple/population croît ou décroît. Ainsi, un Lorrain est polonais le lundi, français le mardi, prussien le mercredi.

Avec la République, cela devient différent : on peut être français de naissance et ne pas appartenir au peuple. C’est-à-dire que l’on est part de la population mais que l’on n’est pas mécaniquement part du peuple/entitépolitique. C’est ainsi qu’aux débuts de la République, il existe deux citoyennetés, l’une dite active et l’autre passive. Celle active donne le droit de vote contrairement à celle passive et elle donne en fait le sens du vote : il s’agit de comprendre la République et donc de voter en son sens**.
Les conditions pour pouvoir bénéficier de la citoyenneté active sont simples : résider depuis plus de six mois sur le territoire français et avoir un certain niveau de revenu. L’exigence de revenus conséquents est conditionnée par le fait que la République/concept politique étant une abstraction, il convient d’avoir une certaine éducation pour pouvoir la comprendre ; or, à l’époque, seule une certaine caste sociale avait accès à l’éducation.
De même, à cette époque la question de la nationalité, et de l’ethnie ne se posait pas ; ainsi un Français qu’on définirait aujourd’hui comme souchien était exclu du droit de vote tandis qu’un étranger, même de fraîche date y avait accès. Et ceci s’explique par le fait que précédemment la nationalité était toujours de circonstance, liée aux aléas et au système (castes avec fatalité de destin liée à la filiation), et parce qu’il n’y avait nul repli identitaire (qui n’est en fait rien d’autre qu’une sorte de chimérisme) lié à la concurrence ethnique***.

*idem avec Vichy et la parenthèse de l’Etat français. On notera que sur les pièces de monnaie d’avant l’euro il était écrit République française et jamais France.

**il s’agit de l’Interêt Général. Il ne s’agit pas de l’interêt majoritaire (celui d’une majorité contre une minorité) mais celui de tous, sans exception et cet interêt, c’est la République, tenu comme seul système pouvant apporter le Bonheur de tous. Cette notion de félicité est très présente lors de la Révolution, à travers des fromules comme Concorde, Harmonie, Malheur public, etc.

***sur les cartes d’électeur à cette époque, il était noté ’je n’écouterai aucune promesse’. On était censé voter alors non pas en fonction de son intérêt particulier mais de celui dit général, y compris et au besoin contre son propre interêt immédiat.


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