Étienne Chouard Étienne Chouard 19 juin 2011 21:58

Bonsoir,

Je donne ici le texte complet et mes sources pour la citation d’Aristote : j’ai cité un livre (merveilleux) de Moses I. Finley : »Démocratie antique et démocratie moderne">b> (Petite bibliothèque Payot), dont je recommande l’étude à tout citoyen : c’est à la fois érudit, savoureux et enthousiasmant.

C’est à la page 66 que j’ai trouvé le passage qui nous intéresse, ici en gras mais replacé dans son contexte :

 

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« Les tâches de gouvernement, sous leur aspect administratif, étaient réparties en un grand nombre de charges annuelles et un Conseil de cinq cents membres, tous choisis par tirage au sort, et pour une durée d’exercice limitée à une ou deux années, à l’exception de l’état-major de dix généraux et de petites commissions ad hoc, comme les ambassades qu’on envoyait à un autre État. Au milieu du Ve siècle, les citoyens occupant une charge, les membres du Conseil et les jurés, recevaient une petite indemnité journalière, moins élevée que la paye normale d’une journée pour un maçon ou un charpentier qualifié. Au début du IVe siècle, l’assistance à l’assemblée fut rétribuée sur les mêmes bases, mais on n’est pas sûr dans ce cas que le paiement ait été fait de façon régulière ou complète. La sélection par tirage au sort et la rétribution accordée pour la tenue d’une charge étaient les chevilles ouvrières du système. Les élections, dit Aristote (Politique, IV, 1300b4-5), sont aristocratiques et non démocratiques : elles introduisent un élément de choix délibéré, de sélection des meilleurs citoyens, les aristoi, au lieu du gouvernement par le peuple tout entier.

Ainsi donc, une proportion considérable de citoyens mâles à Athènes avait une expérience directe du gouvernement dépassant de beaucoup ce que nous connaissons, et même dépassant presque tout ce que nous pouvons imaginer. Fait strictement vrai, à sa naissance, un jeune garçon athénien avait réellement une chance de devenir président de l’Assemblée, un poste rotatif occupé pendant une seule journée et pourvu, là encore, par tirage au sort. Il pouvait être inspecteur des marchés pendant un an, membre du Conseil pour une année ou deux (mais pas à la suite), juré plusieurs fois de suite, membre votant de l’Assemblée aussi souvent qu’il le voulait. Outre cette expérience directe, à laquelle on peut ajouter l’administration de quelque cent communes ou dèmes, entre lesquels était divisée Athènes, il y avait aussi de manière générale une familiarité avec les affaires publiques que même les citoyens portés à l’apathie ne pouvaient éluder en une telle société, restreinte, en face à face.

Aussi la question du niveau d’instruction et de connaissances du citoyen moyen, si importante dans nos débats habituels sur la démocratie, avait-elle à Athènes une dimension différente. A strictement parler, la plupart des Athéniens ne dépassaient guère le niveau d’« une demi-instruction » et Platon ne fut pas le seul parmi les censeurs de l’Antiquité à insister sur ce point. Quand, au cours de l’hiver 415 av. J.-C, l’Assemblée vota à l’unanimité l’envoi d’une grande expédition en Sicile, les membres de l’Assemblée, dit l’historien Thucydide (6, 1, 1) avec un mépris non déguisé, « étaient généralement mal renseignés sur l’étendue de ce pays et sur le nombre de ses habitants » (trad. D. Roussel). À supposer que ce fût vrai, Thucydide commettait l’erreur déjà mentionnée qui consiste à confondre le savoir technique et la compréhension des problèmes politiques. Il y avait à Athènes assez d’experts pour indiquer à l’Assemblée les dimensions et la population de l’île, ainsi que l’importance de la flotte de guerre nécessaire pour une invasion de l’île. Thucydide lui-même admet plus loin dans un autre chapitre de son Histoire (6, 31) que l’expédition de Sicile fut pour finir soigneusement préparée et tout à fait bien équipée ; ce fut là aussi, puis-je ajouter, l’œuvre d’experts, le rôle de l’Assemblée se bornant à accepter leurs conseils et à voter les moyens financiers nécessaires et la mobilisation des troupes. »

Source : Moses I. Finley : « Démocratie antique et démocratie moderne » (Petite bibliothèque Payot), pages 65 à 67.

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Ceci dit, intrigué par la question de « Totof », j’ai cherché moi-même le passage en question dans mes différentes traductions des Politiques d’Aristote et, effectivement, si je retrouve des tas de citations qui vont dans le même sens, je ne trouve pas non plus le texte exact, ni à la cote citée, ni ailleurs.

Donc, qu’en est-il en vérité de cette citation ? Je ne le sais pas.

Cordialement.

Étienne.


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