samedi 29 avril 2017 - par Jules Elysard

2 Gauches, 3 Droites (suite)

Mais nous autres, Américains, avons trouvé la solution : nous nous querellons sans fin sur l’identité...(...) Résultat : nous continuons à nous traiter mutuellement de racistes et à nous comporter comme si nous avions vraiment une gauche, alors que tout ce que nous avons, c’est plusieurs variétés de droite.

Walter Benn Michaels, La diversité contre l'égalité (2006, trad. 2009)[i]

Deux variétés de droite s’opposeront une fois de plus au second tour de la présidentielle française. Cette fois, ce sera une héritière et un banquier. La première incarne une droite nationaliste réunifiée qui surfe sur les dégâts de la « mondialisation heureuse » et qui s’offre le luxe d’emprunter des discours de gauche pour les recracher sous une forme démagogique : « L’égalité contre la diversité ». Le petit banquier, lui, a été choisi pour faire une « révolution par le centre », « ni droite ni gauche  », et, en même temps... En réalité, ce manager de la phynance incarne une nouvelle droite, digne héritière de la sarkhollandie : la droite libérale, sociétale et démocratique, la droite LSD.

 

Du rêve et du cauchemar

Nous nous sommes faits américains. Il est normal que nous trouvions ici tous les misérables problèmes des USA, de la drogue à la Mafia, du fast-food à la prolifération des ethnies. (...) Nous avons ici les ennuis de l’Amérique sans en avoir la force.
(Guy Debord, 1985)

Le rêve américain de la nouvelle frontière a tourné au cauchemar des frontières. Après la parenthèse Obama, les Etats-Unis semblent reprendre une course effrénée vers la « destruction créatrice » de la planète.

Barack Obama avait ouvert une ère de progrès social et de tolérance. En France, Nicolas Sarkozy et Ségolène n'hésitaient pas à s'en réclamer, comme d'un modèle ou comme d'un élève. Et les Français l'auraient, bien sûr, été élu au premier tour.

Tel n'est pas le cas de son successeur qu'il contribua peut-être à mettre en selle le 30 avril 2011. Ce soir là, il se laissera aller à une ironie désinvolte avec l'inventeur des « faits alternatifs ».

https://www.dailymotion.com/video/x51grnf

En France, il était admis depuis longtemps que les deux grands partis étatsuniens ne se situaient pas vraiment à gauche. C'est ainsi que les Français des années soixante ont pu s'enticher de Kennedy et le stupéfiant Sarkozy, plus récemment, se réclamer d'Obama. Reagan avait les sympathie des droites française car il fallait bien se débarrasser les « communisses », nom de dieu. Seule la famille Le Pen a été d'une fidélité sans faille au Parti Républicain, jusqu'à soutenir aujourd'hui un dissident victorieux de ce Parti Républicain. D'une façon curieuse, la droite parlementaire française qui s'était réunie dans l'UMP a tenu à changer de nom, pour faire oublier quelques affaires a-t-on pu lire ici ou là. Le " Parti Républicain" était aussi le nom d'une ancienne composante de la défunte UDF. Aussi a-t-on choisi la formule assez comique "LesRépublicains" que des esprits facétieux ont tôt fait de rebaptiser "Les Repus". Quant à la gauche atlantiste et européiste, elle a été fidèle au Parti Démocrate jusqu'à son naufrage. Aujourd'hui encore elle se réfère à ce parti pour se reconstruire sur la base de l'opposition entre progressistes et conservateurs. Pourtant elle n'ignore pas que ce parti a triché lors de ses primaires pour choisir sa candidate, « la mauvaise candidate » qui était aussi, on l'a vu, celle de la phynance.

Mais le cauchemar ne serait pas complet sans l'irruption dans la présente campagne des violences policières que l'on croyait typiques du folklore étatsunien. Il fallait donc allumer ce qu'on appelle pudiquement un contre-feu. Avant les conclusions de l'enquête judiciaire, l'IGPN a donc transmis ses conclusion.

http://www.lepoint.fr/societe/affaire-theo-l-igpn-estime-que-le-viol-n-est-pas-etabli-28-02-2017-2108125_23.php

Sur la base d'une vidéo, elle a pu retenir la thèse d'une « opération qui tourne mal ». Elle aurait pu en rester là si elle ne voyait pas sur les images les détails de l'intrusion. Cependant elle a tenu à écarter l'idée de « viol délibéré », car il n'y avait pas d'élément intentionnel. Cette conclusion était extravagante, certes, mais elle était tout à fait logique si on garde à l'esprit que, selon un sondage, 57 % des gendarmes et des policiers s'apprêtaient à voter Marine Le Pen.

http://www.sudouest.fr/2016/10/15/presidentielle-2017-policiers-et-gendarmes-prets-a-voter-pour-marine-le-pen-2536406-6121.php

Ajoutons la proportion de ceux qui auraient voté « au mieux » pour François Fillon et l'on comprend pourquoi il était nécessaire de mettre le feu aux banlieues.

De façon moins accessoire, on voit que se prolonge le cauchemar immigré dans la décomposition de la France.

 

Deux droites qui se disputent le droit chemin

Déjà des arguments de coupable. Quand on se réfugie derrière la loi, c'est qu'on ne sent guère innocent.

Marcel Dalio dans Entrée des artistes (1938)

 

Dis donc, t'as répété ta déposition ?

Bernard Blier, quelques minutes plus tard dans ce film de 1938.

 

Je suis une bourgeoise gâtée, ça me manque de n'avoir jamais connu le manque.

Marion Maréchal Le Pen.[ii]

 

Evidemment, la dernière phrase aurait pu être prononcée aussi par Penelope Fillon ou Carla Sarkozy. Mais on verra que les classes possédantes recomposent le choix électoral après de savantes études de marché. Elles le font en inspirant des Etats-Unis, évidemment, puisque c'est de là-bas que vient l'innovation, le twist autrefois et le tweet compulsif aujourd'hui.

Deux vieilles droites se font concurrence depuis plusieurs années. Elles représentent la moitié de l'électorat qui vote. Depuis quelques années, l'une aime à s'honorer du titre de droite nationale, l'autre se prend pour la droite tout simplement, quand elle ne se prend pas pour la droite et le centre. La première de ces droites était qualifiée précédemment de nationaliste, voire d'extrémiste ou de fasciste ; la seconde s’est présentée dans l’histoire, selon la mode, comme modérée, autoritaire, libérale, et plus récemment comme décomplexée. On connaît l'histoire de l’extrême droite au XXème siècle, des ligueurs de l'entre-deux guerres jusqu'à la défense de l'Algérie française, en passant par la collaboration avec l'occupant allemand. Cette histoire est largement partagée par celle de « la droite ». C'est le long chemin d'un glissement progressiste pour des monarchistes qui renoncent à combattre la gueuse ; des catholiques qui finissent par accepter la séparation de l'Eglise et de l'Etat ; et des gaullistes qui abandonnent l'Algérie.

Mais ces deux droites ont en commun la défense sacrée de la propriété privée et de la France éternelle. Ce qui les distinguait pendant longtemps, c'était de confier ou non cette défense à un homme providentiel. L'archétype de l'homme providentiel est évidemment le premier Bonaparte, que les monarchistes légitimistes pouvaient traiter d'usurpateur un peu vulgaire, mais qui avait quand même rétabli l'ordre et mis fin à la révolution. L'homme providentiel traite directement avec le peuple et se passe peu ou prou des corps intermédiaires.

Le général Boulanger avait bien tenté d'endosser le costume , mais il s'avéra vite un peu grand pour lui. Le général de Gaulle, lui, l'enfila sans férir.

Son originalité (ou celle de son temps) fut que, pourvu d'une particule, il établit une république autoritaire, mais avec le soutien d'une large partie de la droite libérale et modérée, et contre une extrême-droite qui voulait garder française l'Algérie. Son règne fut donc celui d'un souverain qui se voulait au-dessus des partis qui finit par abdiquer « en faveur » un ancien banquier qu’on pourrait qualifier d’orléaniste.

L'originalité des temps présents, c'est d'avoir vu un Sarkozy s'imaginer comme un homme providentiel, avant de céder sa place à Hollande qui se voulait « normal ». Un Louis Philippe de centre-gauche remplaçait une caricature de Bonaparte. Dans le même temps, le Front National se trouvait une femme providentielle.

Ces deux droites se réunissaient depuis 1917 devant le danger communiste. Ce danger ayant été écarté, ils restent solidaires aujourd'hui contre un communisme imaginaire. Ce qui les divise alors, c'est la question de la mondialisation, de l'Europe et de l'euro. C'est aussi, accessoirement, la recherche de l'accommodement ou du conflit avec le nouveau maître du Kremlin. Ces divisions doctrinales entre ces deux droites se retrouvent aussi à l'intérieur de chacune d'elles. Des recompositions sont donc possibles sur ces bases.

 

Le Front National est une entreprise familiale qui a réussi la fédération des droites nationalistes dans les années septante de l'autre siècle. Son héritière, Marine le Pen a pensé surfer sur l’élection de Donald Trump[iii]. Mais si elle est parvenue au second tour ce 23 avril, ce n’est pas du fait des initiatives du nouveau président des E.U. C’est plutôt le fait du « système » qu’elle dénonce assidument, mais qui a souhaité de longue date sa présence en finale, dans un rôle de repoussoir, afin de faire élire le « candidat raisonnable » qu’il aura choisi. Il aura même fallu que ce « système » intervienne afin de la maintenir à un niveau respectable, puisque partie des environs de 30%, elle commençait à flirte avec les 20% et se voyait rejointe par deux candidats, dont l’un surtout n’avait pas été envisagé si haut.

Jusqu’à présent, l'unité de son parti a été assurée. Ensuite, qu'elle soit battue comme les sondages l'indiquent aujourd'hui ou qu'elle remporte l'élection, les deux clans qui le composent iront à l'affrontement. Sans aller jusqu'à une nuit des longs couteaux, ce sera peut-être une soirée des petits canifs, où les « nationaux révolutionnaires » couperont avec les « souverainistes républicains . En cas de défaite, ils rejoindront la mouvance « droite forte » de la droite décomplexée. En cas de victoire, ils se débarrasseront de leur rivaux.

 

Sarkozy était le candidat naturel de la droite décomplexée. Il trouva plus fort que lui dans la personne de son ancien collaborateur. Fillon fut été élu lors des primaires par une tranche de la population aisée et âgée, celle qui vit sur ses rentes et pratique l'entre-soi, fort radicale dans la défense du patrimoine et de son héritage. Celle qui, à l'époque du tirage au sort, rétribuait un ouvrier ou un paysan pour éviter à leur propre "engeance" le risque de se faire tuer sous le drapeau. On peut les qualifier de « versaillais » ou de « repus ». Il n'est donc pas surprenant qu'ils considèrent comme tout à fait normal de se payer sur les fonds publics puisque ceci viennent de leurs impôts. Ils ont, eux aussi, le sens de la famille et le sens des affaires. Le candidat dans la tourmente a lancé à ses troupes un appel remarquable : "Ne vous laissez pas voler cette élection".

https://www.fillon2017.fr/2017/02/09/poitiers/

Tout y est : la défense de la propriété et la mise en garde de Donald Trump, avant l'élection, menaçant de ne pas reconnaître la victoire de son adversaire si elle advenait. Le fonds de son électorat, la "France" qui l'a élu à la primaire, c'est celle qui est fidèle à la tradition contre-révolutionnaire que décrivent Mirbeau dans Les affaires sont les affaires et Darien dans Bas les cœurs. On a pu comparer François Fillon à Tartuffe, mais sa ressemblance avec Isidore Lechat n'est pas moindre.

Ce « géopoliticien de la Sarthe » a montré un nouveau visage de la droite décomplexée. Mais il l’a montré à son insu dans des affaires d’argent et de famille, de ces affaires qui ne doivent souffrir d’aucune publicité. La pingrerie est une valeur bourgeoise quand elle n’est pas étalée dans les journaux et les vaudevilles. Certains électeurs se sont recentrés sur un candidat plus propre sur lui et que les gazettes ne salissaient pas trop encore.

Au premier tour, cependant, il a eu pour lui une bonne part de la France profonde, silencieuse et soumise. Cette France de petits et de moyens propriétaires a le plus grand respect pour les grands propriétaires qui ont choisi Fillon. Cette France-là ne sort de son silence, de sa soumission, et de sa profondeur que pour faire taire les voix de la « révolution » si elle n'est pas nationale ; pourfendre les plus faibles qui osent contester le principe de propriété ; et parfois défiler dans Paris quand ses maîtres l'y convie pour chasser un quelconque « socialiste » toujours un peu trop rouge à ses yeux et dont l'élection demeure forcément entachée d'illégitimité. C'est elle qui imaginait les chars russes défiler sur les Champs Elysée dans la foulée de l'élection de François Mitterrand. On a tendance à l'oublier car depuis surnage d'abord dans la mémoire le souvenir de la politique résolument atlantiste du premier président « de gauche ».

Pour la flatter, cette France, ses maîtres légitimes l'honorent du titre de ce peuple de droite, et ils le font d'abord pour saluer son anticommunisme radical. Cependant, une autre part de cette France profonde, silencieuse et soumise, encore plus radicale dans son anticommunisme, avait déjà rejoint les troupes de la vague scélérate, de la vague bleue marine. Ici, on pratique un marketing plus élaboré : aux uns, on parle de la droite tout simplement ; aux autres, on parle du peuple, tout aussi simplement.

 

Comment trouvez-vous le centre ?

« La plupart des hommes politiques qui, depuis dix ans, nous dirigent ont tant de fois changé de principes et de parti, qu’il est permis de croire enfin qu’ils n'ont point de principes et qu’ils sont incapables ou indignes d’avoir un parti. Témoin de leurs stériles débats, le peuple tombe de plus en plus dans l’indifférence ; on dirait que les droits qui lui ont coûté le plus cher ont cessé de lui paraître précieux ; qu’il voit sans inquiétude violer ou éluder les lois qu’il a eu le plus de peine à conquérir, et qu’il laisse sortir de sa mémoire tout ce qu’ont fait ses pères et tout ce qu’il a fait lui-même pour la liberté. La grande cause libérale qui a triomphé. un moment en 1789 paraît de nouveau compromise. Non seulement on ne fait plus de progrès, mais il est facile de voir qu’on est en pleine décadence et que l’opinion publique se montre aujourd’hui disposée à souffrir ce qu’elle n’eût jamais supporté il y a douze ans. »

Alexis de Tocqueville, Lettres sur la situation intérieure de la France (1843)

 

Trois courants de pensées principaux sont à la source du Centrisme français : le libéralisme, le christianisme (avec la démocratie-chrétienne) et le radicalisme.
Schématiquement, la liberté du Centrisme vient du libéralisme, sa solidarité du christianisme et son adhésion à la république du radicalisme
.

http://www.lecentrisme.com/p/editorial-dalexandre-vatimbella.html

Le centrisme, dans le langage courant, c'est la modération, l'équilibre, le juste milieu, d'une part, mais aussi une difficulté topologique à trouver le centre dont il est question. Comme on le voit, les idéologues centristes se réclament d'une longue tradition qui commence en 1791 avec cette majoritaire parlementaire, opposée aux "Montagnards", qui est restée dans l'histoire sous les noms de "Plaine" ou de "Marais". Elle se poursuit avec la droite orléaniste sous la "monarchie de juillet", les "républicains modérés" de 1848 à 1870, les "radicaux" sous la 3ème république, la démocratie chrétienne du MRP (issu du catholicisme social) sous la 4ème, jusqu'à la défunte UDF qui a connu son apogée avec l'élection de Valéry Giscard en 1974. Aujourd'hui, quand on parle du "centre", on évoque les survivances de ces mouvements "progressistes" anciens que les circonstances historiques ont érodés, une partie ayant été annexée par la droite depuis l'échec de Raymond Barre en 1988, une autre partie n'ayant jamais renoncé à s'organiser en dehors du parti dominant de droite jusqu'à faire des signes d'accommodement avec le Parti "socialiste".

Mais le « centre » peine à être reconnu comme une entité, ainsi que le déplorent ses idéologues : "si le mot « centre » apparaît à la fin du XIII° siècle, le terme « centriste », lui, ne fait son entrée officielle en politique qu’en 1922. Quant à celui de « centrisme », il est utilisé pour la première fois en 1936. Le terme de « Juste Milieu », souvent utilisé comme synonyme de centre est plus lointain."[iv]

http://www.lecentrisme.com/p/histoire-du-centrisme-en-france.html

Les centristes, donc, aimeraient bien que le "centre" ne se réduise pas à une notion de topologie, mais devienne un centre de décision et d'attraction.

Or, justement, la fin du règne de François Hollande voit le glissement à droite de sa majorité. Elle débarque donc sur les terres du "centre" en tant que droite Libérale, Sociétale et Démocratique. François Hollande, s’il avait pu se représenter, aurait-il avoué tout cru, comme Lionel Jospin en 2002, que son projet n’était pas socialiste.

http://www.ina.fr/video/I09083555

Manuel Valls n’aurait pas hésité à le faire, lui qui voulait changer le nom de son parti.

http://www.huffingtonpost.fr/2014/10/22/video-manuel-valls-changer-nom-ps_n_6029722.html

L’histoire dira qui, le 6 décembre 2016, fut la dupe de l’autre, du Premier ministre qui crut tordre la bras de son Président en lui donnant une tape sur le dos ; ou du souverain fatigué qui laissa son collaborateur aller se faire mettre à la primaire de la Belle Alliance Populaire.

Mais, comme on est le César qu’on peut, on a un Brutus à sa mesure. Collaborateur de François Hollande comme secrétaire général adjoint puis comme ministre (avec un intermède l’été 2014) jusqu’à sa démission le 30 août 2016, Emmanuel Macron aime à se montrer comme un homme neuf, parce qu’il a 39 ans.

« Emmanuel a du génie pour suborner les vieillards, il a toujours fait ça » confie « un haut fonctionnaire de Bercy » à un Canard Enchaîné (26 avril) pourtant bien peu suspect d’hostilité au petit génie. S’il n'explose pas en vol, il ne sera pas seulement la continuation du hollandisme par d'autres moyens, mais la perle sur le gâteau indigeste de la sarkhollandie. De son ancien patron, il garde le souci d’être (entre la gauche et la droite), de Sarkozy, le goût narcissique de son image.

http://www.lopinion.fr/video/phrase/15-minutes-convaincre-nicolas-dupont-aignan-tacle-chouchou-macron-124848

Faire la une des couvertures était une stratégie assumée de l’ancien président. Celui qui se prend pour le futur président fait sa chochotte et voudrait faire croire que la presse poursuit son couple si glamour « à l’insu de son plein gré ». Il est bien l’homme de la foutaise, mais servi par un très consensuel et consenti viol des foules par la propagande médiatique

Le plus drôle, et le plus révélateur, c’est qu’une de ces couvertures (sans Brigitte : oui, c’est arrivé parfois), commise par le très sérieux magazine économique Entreprendre le réunissait avec Donald Trump et Xavier Niel sous le titre : La méthode gagnante, et le sous-titre : Ils vont au bout de leurs idées.

 

La gauche, combien de divisions ?

 

La soi-disant gauche est devenue une sorte de département des ressources humaines de la droite, avec pour tâche de garantir des privilèges identiques aux femmes et aux hommes de l’upper middle class. Parce que cette question n’implique aucune redistribution des richesses à quelque niveau que ce soit.

Walter Benn Michaels, La diversité contre l'égalité (2006, trad. 2009)[v]

 

Les huit années de la présidence de William Clinton, (...), débutèrent dans l’espoir que ce jeune homme brillant apporterait au pays ce qu'il lui avait promis : le changement. Mais en l’espace de deux mandats, Clinton aura finalement gâché ses chances de passer, comme il l’aurait voulu, pour l’un des plus grands présidents de l’histoire des États-Unis.

Howard Zinn, Une histoire populaire des Etats-Unis (1999, trad. 2000)

 

« Celui qui n’accepte pas la rupture, celui qui ne consent pas à la rupture avec l’ordre établi, politique, cela va de soi, avec la société capitaliste, celui-là, je le dis, il ne peut pas être adhérent du Parti socialiste. »

François Mitterrand au Congrès d’Epinay en 1971

 

On le sait, jusqu’au dernier quart du siècle dernier, la critique du capitalisme constituait la pierre de touche de la gauche. En France, par exemple, le Parti Socialiste qui allait bientôt « assumer » le « tournant de la rigueur » prétendait « rompre avec le capitalisme ». Pour celles et pour ceux qui ont cru à cette déclaration, il s’agissait donc de lutter pour l’égalité, pour la justice sociale, pour le progrès social, pour les défavorisés ; et donc de lutter contre les inégalités, l’injustice et la régression sociale, et donc contre les classes dominantes.

On se souvient que ces illusions durèrent moins de deux ans.

Depuis des experts patentés ont validé la pertinence de ce tournant, tout en déplorant que le Parti dit Socialiste tardât à effectuer son « Aggiornamento », son « Bad Godesberg » et à devenir un grand parti de centre « gauche » comme le Parti Démocrate étatsunien.

Mais le poids de l’histoire et des mentalités a fait que toujours le PS conservé un discours protestataire et une pratique de bon gestionnaire de l’économie de marché. La parenthèse Jospin fut d’abord une cadeau offert par un Chirac tiraillé par les mêmes contradictions.[vi] Cette parenthèse s’ouvrit par une des dernières mesures sociales qui pouvaient sembler de gauche : la semaine de 35 heures. Puis Jospin privatisa. Enfin, quand il voulu se faire élire, il jugea bon de mettre en accord son discours et sa pratique réelle. Il commença par déclarer qu’il n’était pas socialiste. Il ne fut pas compris, multiplia les candidatures à sa gauche et, arrivé à la porte du second tour en compagnie de Jean Marie Le Pen, il lui dit : « Après vous, je vous prie ».

Edifié par ce malentendu historique, François Hollande, qui avait reçu le premier secrétariat du parti en héritage dès 1997, se forgea la réputation d’être l’homme de la synthèse du dire ainsi et de faire autrement, celui qu’il édifia comme une forteresse volante dédiée à la prise du pouvoir.

On peut dire parodiquement qu’il y a du Lénine dans Hollande. Le bureaucrate rentré d’exil récupéra le slogan « Tout le pouvoirs aux soviets » avant de confisquer le pouvoir au profit du seul parti bolchevik. Hollande n’hésita à récupérer un mot d’ordre aux accents gauchistes : « Mon ennemi, c’est la finance ».

On connaît la suite. Hollande avait deux équipes de conseillers « économiques » : l’une, pour prendre le pouvoir, avec l’emblématique Thomas Piketty ; l’autre, pour l’exercer, avec le discret Emmanuel Macron.

http://www.lalibre.be/actu/international/macron-la-taxe-a-75-c-est-cuba-sans-le-soleil-53fdc874357030e6103b3843

http://lelab.europe1.fr/quand-emmanuel-macron-dezinguait-la-taxe-a-75-4721

Au bout du mandat de François Hollande, le glissement progressif à droite des prétendus « progressistes » a laissé un espace à gauche. Jusqu’en 2012 encore, il était entendu de classer à gauche le PS et même les « radicaux de gauche ». Il est vrai que le patron de ce groupuscule s’était présenté à la primaire de 2011. Et pendant le quinquennat, c’est une figure de ce groupuscule, Christiane Taubira, candidate malheureuse en 2002, qui passa pour la conscience de gauche du gouvernement.

 

Si les choses s’étaient passées normalement, François Hollande aurait été candidat à sa propre succession. Si la théorie du bordel ambiant n’avait pas triomphé pendant les primaires organisées en catastrophe, le candidat du PS aurait été naturellement « centriste ». Manuel Valls aurait été sélectionné et aurait pu concurrencer Emmanuel Macron sur son terrain. Mais des adeptes de Mélenchon ayant souhaité éliminer Valls prématurément, c’est Benoît Hamon qui a été sélectionné pour conduire le corbillard du PS.

Dans un premier temps, le succès à la primaire a propulsé Hamon à 16 ou 17 % et a fait perdre 4 ou 5 % à Mélenchon, le ramenant aux alentours de 10 %. Le temps a fait son œuvre. Quelques trahisons prévisibles ont été comptabilisées. Hamon voulait incarner une « centralité » entre Macron et Mélenchon. Mais il a confondu être central et être coincé. C’est ainsi qu’il a fini à 6%.

 

Mélenchon, lui, avait quitté le PS en 2008, pour fonder le Parti de Gauche en 2009. Le Front de Gauche avait été créé quelques mois plus tard comme une coalition entre ce nouveau petit parti avec, d’une part, ce qui reste du PCF, et d’autre part, quelques groupuscules « alternatifs » , de culture « gauchiste », « féministe », « écologiste », voire « socialiste ». C’est une coalition électorale qui, en 2012, si elle a porté Mélenchon à 11%, n’a pas empêché une érosion aux législatives : de 19 sortants (dont 7 PCF), seulement 10 sont réélus (dont 7 PCF).

En février 2016, il lance La France Insoumise, dont le programme L’avenir en commun remplace L’humain d’abord du Front de Gauche. Mélenchon est un drôle de type, qui peut être très drôle, et parfois pas du tout.[vii] Il a l’art de se faire des amis.

Mais, d’une façon bien plus authentique que Sarkozy qui le déclare tous les ans, il a changé[viii]. Avant de changer le régime politique de la France, il a changé son propre régime alimentaire. Le programme de La France Insoumise (transition écologique, répartition des richesses, sixième république) est un programme réformiste. Des éditorialistes le qualifient sans férir d’extrémiste. On mesure là l’étendue de la fausse conscience contemporaine. Et à cet aune, on mesure le résultat obtenu : 19,6% quand la majorité de la presse comparait sans rire ce programme à celui du Front National. En effet, Mélenchon a parlé, sans la flatter, à l’intelligence de ses électeurs jusqu’au soir du premier tour. Là, il aurait dû passer rapidement sur les manœuvres des ses adversaires pour l’arrêter au bas du podium et lancer la campagne des élections législatives qui approchent.

 

Mélenchon est abusivement classé à l’extrême gauche par cette même presse inculte, victime sans doute du syndrome du héros de la Conjuration des imbéciles qui lui faisait voir partout des « communisses ». En réalité, il est un social-démocrate, admirateur de Mitterrand, raison pour laquelle les gauchistes institutionnels se méfient énormément de lui. Ceux du NPA, qui ont vu plusieurs de leurs camarades les quitter pour rejoindre le Front de Gauche, auraient voté sans doute pour lui s’il avait accédé au second tour. Ceux de Lutte Ouvrière sont dans une autre logique : si tel n’était pas le cas, c’est Jean Pierre Mercier qui aurait été choisi pour candidat.

 

Conclusion toujours provisoire

 

A l’issue de premier tour de la présidentielle, ce sera le candidat de la droite Libérale, Sociétale et Démocratique qui sera chargé de faire mordre la poussière à la candidate de la droite nationaliste.[ix]

Mais il faut se souvenir que la présence de Marine Le Pen au second tour était le scénario rêvé et souhaité depuis quatre ans, tant par les partis de gouvernement que par la phynance et par la plupart des médias.[x]

En effet, selon « les milieux informés », il n’y avait pas d’alternative en dehors des deux partis « raisonnables » dont la fonction serait de se partager le pouvoir en ce début de millénaire : la droite décomplexée et la droite Libérale, Sociétale et Démocratique (jadis UMP et PS). Ces partis savaient depuis longtemps que, pour se maintenir au pouvoir, ils devaient y accéder à tour de rôle. Désormais, un peu conscients quand mêmes des conséquences électorales de leurs politiques communes, ils savent qu’il leur faut être éliminés à tour de rôle au premier tour afin de battre au second, dans un élan « républicain », cette droite nationaliste qui les dénonce comme l’UMPS

Pendant quelques mois, François Hollande, fort de son passé de manœuvrier, a pu faire illusion. Depuis fin novembre dernier, l’élection semblait promise au vainqueur de la « primaire de droite ». Les gazettes dans leur majorité en avait accepté l’augure. Puis les pingreries de François Fillon ont fait que les milieux financiers ont reportée leur confiance sur un nouveau champion : Emmanuel Macron. Depuis janvier, tout semblait désormais se dérouler pour que le choix laissé aux Françaises et au Français au soir du premier tour soit entre le « Mouvement En Marche » et le « Mouvement Bleu Marine ».

Les fillonistes s’évertuent encore à clamer que cette élection leur a été volée et que le débat n’a pas eu lieu. Mais il n’était pas question qu’un réel débat soit engagé sur « l’économie de marché », l’euro, l’Europe ou « la mondialisation ». Et eux-mêmes n’envisageaient pas que leur champion n’affronte au second tour personne d’autre que Marine Le Pen. Ce n’est donc pas d’un complot judiciaire que le châtelain de la Sarthe la victime expiatoire, mais d’une nécessité historique.

 

Cette nécessité a été réaffirmée lorsqu’un quatrième larron a semblé menacer le honteux Fillon. François Hollande est sorti de la réserve qu’il s’était imposée avant le premier tour pour mettre en garde contre Mélenchon (12 et 16 avril). Le 19 avril, dans une belle coordination, Alain Juppé pouvait susurrer : « Le Pen-Mélenchon, c’est la peste ou le choléra ».

Ce coup de pouce, ainsi qu’une gestion appropriée des « attentats », déjoués, supposés ou réalisés, ont suffi pour assurer une place de deuxième pour Marine Le Pen, une place de troisième pour François Fillon.[xi]

 

La gouvernance des états démocratiques, depuis qu’ils ont renoncé au vote censitaire, est confrontée à des problèmes de contrôle des masses électorales. Les populations pauvres peuvent être dégoûtées des élections, comme aux USA, et renoncer souvent à y participer. Si ce n’est pas tout à fait le cas, comme en France, il est nécessaire d’avoir recours à l’injonction contradictoire et au management pervers. Le management pervers, c’est proposer des choix sans alternatives : en 2005, organiser un référendum sur le modèle des consultations d’entreprises pour obtenir un assentiment ; depuis 2013, organiser les conditions de la présence d’un parti repoussoir au second tour pour exiger des électeurs « un sursaut républicain ». L’injonction contradictoire, c’est, par exemple, faire une propagande insidieuse pour le choix de l’abstention au premier tour comme expression d’une liberté d’opinion (« c’est mon choix ») et dénoncer avec indignation, la main sur le cœur, l’abstention au second tour qui pourrait mettre en danger la démocratie en laissant les clés du pouvoir à un parti qu’on a permis de prospérer.

Et il se pourrait que, cette fois, l’oligarchie dans sa perversion ait encore sélectionné, comme aux Etats-Unis, « le mauvais candidat ». C’est une personnalité narcissique, assez inquiétante dans sa fragilité. Cependant l’oligarchie a certainement prévu une solution de rechange en cas d’élection de Marine Le Pen.

 (à suivre)

 

[i] Parlant de la France au début de son livre, Michaels écrit : Face à cette dynamique française, un Américain peut éprouver deux sentiments mêlés. D’abord, la surprise  : cela fait pratiquement trente ans que la diversité occupe une place de plus en plus centrale dans la vie politique, sociale et, par-dessus tout, économique des États-Unis ; comment les Français ont-ils pu prendre un tel retard  ? Ensuite, la déception : pourquoi diable avez-vous finalement décidé de rattraper ce « retard » ?

[ii] Cité dans le Canard enchaîné du 8 février 2017 qui publie une critique d'Anne Sophie. L'article reprend cette confession dans le livre de Michel Henry intitulé La nièce.

[iii] Marine Le Pen s'était précipitée à New York en janvier pour rencontrer son grand homme, mais ce dernier n'a pas daigné la recevoir. Elle peut se demander pourquoi, mais elle ne lui en veut pas. Elle pense marcher dans ses pas, car, a-t-elle déclaré, « il a réussi à relocaliser davantage en un tweet que Sarkozy et Hollande en dix ans ». Elle a continué par une visite au Liban en février au cours de laquelle elle a refusé de porter le voile pour rencontrer le grand mufti. Ce n'est pas plus déplacé que de porter la kippa en France, mais sans doute plus payant électoralement. Cette audace n'est pas la seule chose qu'elle partage avec Donald Trump. Il y a aussi le sens de la famille et le sens des affaires.

[iv] La suite de l'exposé est délectable : . "Le philosophe chinois Confucius ou K'ong Fou-Tseu (au VI° siècle avant Jésus-Christ) l'utilise dans une vision d'équilibre de la société (n'oublions pas que la Chine s'appelle en réalité Zhon Guo, c'est-à-dire l'Empire du Milieu, un pays géré au centre par un homme qui a reçu son mandat du Ciel et de la Terre parce qu'il a su trouver et garder le centre qu'il manifeste). Aristote (IV° siècle avant Jésus-Christ) fait du « Juste Milieu » le paradigme de la vertu morale. Pour lui, ce « Juste Milieu » est tout sauf une morale de la médiocrité : « Ce qui est un milieu du point de vue de l’essence est un sommet du point de vue de l’excellence ». Cette « médiété » est pour le philosophe grec, un « extrême », c’est-à-dire la « perfection » morale la plus difficile à atteindre Notons aussi que le Romain Cicéron (I° siècle avant Jésus-Christ) utilise également cette notion à la fin de la république romaine dans l’optique de mettre en place un gouvernement modéré face à l’extrémisme des factions."

[v] Parlant de la France au début de son livre, Michaels écrit : Face à cette dynamique française, un Américain peut éprouver deux sentiments mêlés. D’abord, la surprise  : cela fait pratiquement trente ans que la diversité occupe une place de plus en plus centrale dans la vie politique, sociale et, par-dessus tout, économique des États-Unis ; comment les Français ont-ils pu prendre un tel retard  ? Ensuite, la déception : pourquoi diable avez-vous finalement décidé de rattraper ce « retard » ?

[vi] A peine élu sur le slogan de la fracture sociale, il s’en remit à Juppé la réparer.

[vii] Quand il sévissait sur Itélé, en 2006 et 2007, dans N’ayons pas peurs de mots, je ne pouvais pas m’empêcher de le voir comme un sans-culotte pittoresque. Mais je me disais qu’il était membre de ce parti qui n’avait pas peur des mots, en effet, dans les années septante, puisqu’il envisageait dans son programme la « rupture avec le capitalisme », voire même de « changer la vie ».

[viii] Bien sûr, il est aussi resté le même. Il a des engouements que je ne partage pas pour Mitterrand, Castro ou Chavez. Mais je sais que Castro ne se serait pas rapproché de l’URSS sans la menace qu’ont fait peser sur lui les Etats-Unis. Si la CIA avait trouvé un Pinochet à Cuba, Castro aurait évidemment connu le sort d’Allende.

[ix] Trois droites étaient en concurrence depuis la victoire de François Hollande en 2012 :, dont avait hérité de son père Marine Le Pen ; la droite décomplexée, incarnée par Nicolas Sarkozy ; et la droite Libérale, Sociétale et Démocratique qu’était train de construire François Hollande.

Il faut se souvenir de ce dernier avait été élu en 2012 comme candidat de la gauche et que, contrairement au malheureux Jospin, il n’avait pas déclaré ne pas être socialiste. Mais il a avait peut-être en tête le souvenir de la réélection de François Mitterrand en 1988. Le chanteur de variété Yves Montand, un moment pressenti pour candidater lui aussi après avoir chanté Vive la crise, finit par se retirer en faveur du « meilleur candidat du centre droit », François Mitterrand. Je n’ai pas retrouvé la citation exacte sur le net, mais c’est le souvenir que j’en garde.

On a beaucoup moqué les maladresses de Hollande au début de son mandat, lui reprochant son amateurisme et sa difficulté à incarner, à habiter la fonction. Mais les même reproches avaient pu être faits à son prédécesseur. En revanche, plus clairement que Sarkozy, il s’est appliqué à mettre le programme du MEDEF, en s’appuyant sur un syndicat partenaire, la CFDT, dont le programme, depuis son recentrage en 1979, a toujours été d’« accompagner le changement », comme le proclame tous les jours le discours « managérial » dans les entreprises. Il a, en outre, réussi là où le petit Nicolas avait échoué : vendre des rafales de Rafales aux démocraties du Golfe.

[x] Hollande et Sarkozy, en dépit de leurs différences et de leurs postures, ont toujours eu le même obsession depuis quatre ans : se retrouver en 2017. Mais, conscients de la situation économique et politique, de l’environnement européen et international, ils savaient que cette rencontre, fort illusoire, on l’a vu, ne pouvait avoir lieu qu’au premier tour de la présidentielle. Ainsi, l’un comme l’autre envisageaient la présence de Marine Le Pen au second tour et même, sans doute, la souhaitaient-ils, convaincus de vaincre car persuadés de représenter le bon sens ou le sens commun. Il était clair cependant que ni l’un ni l’autre n’aurait obtenu le score de Chirac en 2002.

[xi] 114 776 voix séparent Mélenchon de Fillon, 647 134 de Le Pen.



3 réactions


  • Clark Kent Jeussey de Sourcesûre 29 avril 2017 16:33

    L’utilisation du concept d’injonction contradictoire me semble en effet très pertinente pour comprendre la manipulation dont nous sommes victimes.

    Le « double bind », théorisé par Gregory Bateson, désigne une situation de paradoxe imposé. Deux obligations ou injonctions contradictoires sont reçues, qui, s’interdisant mutuellement, induisent une impossibilité logique à les résoudre ou les exécuter sans contrevenir à l’une des deux. Le terme de « knot » (nœud) est également employé pour décrire cette situation d’enfermement.

    La double contrainte étant une situation par définition insoluble de façon logique et directe, sa résolution ne peut passer que par un contournement latéral ou vertical.

    L’identification et le recours à des repères stables d’un référentiel extérieur, permet d’avoir une autre lecture de la situation, de même que le changement de focus ou d’échelle, qui en donneront une analyse à un niveau plus élevé.

    Encore faut-il avoir le recul nécessaire et les munitions intellectuelles pour utiliser cette stratégie qui suppose vigilance et effort permanents.


  • Raoul-Henri Raoul-Henri 30 avril 2017 06:36

    Bel article. Dommage que vous ne parliez pas du PRG (ou alors j’ai loupé ?) ; j’ai toujours été intrigué par ce discret parti « centriste » et « radicalement de gauche ». Une question centripète peut-être ? smiley

    Pour rebondir sur le commentaire de Jeussey je me souviens d’avoir lu quelque part une illustration de la double contrainte que nous subissons actuellement : l’un des parents qui ne peut plus parler à son conjoint demande (ordonne) à l’enfant de faire la commission entre eux ; et réciproquement l’autre parent fait de même et se sert de l’enfant pour engueuler le conjoint (« va dire à ta mère que... » ; « va dire à ton père que.. ». Le bordel dans la tête du gosse qui ne peut prendre parti ni pour l’un ni pour l’autre.

    Heureusement nos ’parents’ candidats à l’usure usent et abusent de « pédagogie » envers les enfants politiques que nous resterons dans ce contexte de multiples contraintes. Onze parents qui ne dévoilent chacun leur tour qu’une partie de ce qu’ils savent tous et qu’ils vont exprimer avec des lexiques différents pour noyer encore plus le goujon (par ex).


    • Jules Elysard Jules Elysard 30 avril 2017 12:44

      @Raoul-Henri
      J’ai parlé du PRG en la personne de Christiane Taubira. Du PRG lui-même, non. Il faudrait plutôt faire la généalogie du RADICAL, de Marx (prendre les choses à la racine) au djihadisme en passant par Alain (le philosophe du radicalisme français) et Raoul Vaneigem (le théoricien de la subjectivité radicale).
      De nos jours, le terme a été galvaudé qu’il en vient à signifier à LE MAL ABSOLU (RADICAL=EXTREMISME=TERRORISME) et « en même temps » LE COURAGE DE LA VERITE « ECONOMIQUE » (M Fillon, avant de disparaitre, ne disait-il pas que son programme était RADICAL ?)
      Mais c’est le sujet d’un autre article. Ici je poursuis une analyse en 3 volets de la gauche minoritaire et des droites majoritaires.


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