Algérie : à propos du 4ième mandat présidentiel
Depuis que le président de Jil Jadid, Soufiane Djilali, et l’ex chef du gouvernement Ahmed Benbitour ont signé une alliance pour faire barrage à la candidature de l’actuel président de la République, Abdelaziz Bouteflika, à la présidentielle de 2014, les partis politiques commencent à sortir de leur hibernation. Les uns pour rejoindre le mouvement dont la proposition leur paraît certainement claire, nette et bien fondée (et elle l’est, de toute évidence) et les autres pour se mettre au service de l’homme fort malade du moment.
Qu’on le veuille ou non, cette inédite initiative a cela de positif : elle a permis aux uns et aux autres de commencer à se positionner pour un combat politique qui s’avère d’ores et déjà en mesure de tenir le bon peuple, les algériens et les algériennes, en halène pendant une année. Du moins ceux qui s’intéressent à la vie politique du pays. Pour le reste des algériens, il est malheureux de le dire ici, les problèmes existentiels sont tellement compliqués qu’ils s’en détournent carrément. Leur seul souci est comment joindre les deux bouts s’ils ont la chance d’occuper un poste de travail ou comment détourner l’attention des services de sécurité et des gardes frontières pour hisser les voiles et mettre le cap sur le Nord pour les plus jeunes et les plus téméraires. Ceci est une courte parenthèse mais qui dénote bien de l’état d’esprit de certains algériens pour lesquels les élections, quelles qu’elles soient, ne servent à rien et ne régleront rien tant que les principes élémentaires de la démocratie sont allègrement foulés aux pieds par… le pouvoir lui-même. Que dit la démocratie ? Ne parle-t-elle pas de l’alternance au pouvoir ? Pourtant, dans les faits, le pouvoir est toujours détenu par ceux qui, à chaque échéance électorale nationale, nous font sortir leurs concepts éculés et usés jusqu’à la corde de « famille révolutionnaire » et « légitimité historique ». N’est-il pas temps, plus de cinquante ans après l’indépendance, d’abandonner ces concepts et de passer à autre chose qui puisse vraiment faire consensus au sein de la société algérienne ? Ceci sans parler des autres exigences de la démocratie qui sont très nombreuses mais que l’on n’abordera pas ici pour des raisons liées à la nature même de cet article. Un seul point nous intéresse ici : le 4ième mandat.
Ainsi donc, si Jil Jadid et d’autres partis encore appellent à s’opposer à un quatrième mandat de Abdelaziz Bouteflika, c’est parce qu’ils voient en cette possibilité la seule façon de donner la chance à cette alternance d’avoir lieu. Ce n’est pas du tout de la démagogie ni un quelconque esprit de revanche. Revanche sur qui ? Et pourquoi ? Voilà les véritables questions qu’il faut d’abord se poser avant de dire « si ces parties ont réellement une volonté politique pour briguer ce poste, elles n’ont qu’à le faire et c’est le peuple qui jugera, mais elles ne pourront pas empêcher le citoyen de son droit constitutionnel »1. Certes, le droit constitutionnel, tel qu’il est aujourd’hui, permet à Abdelaziz Bouteflika de briguer un autre mandat. Mais n’est-il pas, ce droit, politiquement improductif, partant du principe que dans les pays véritablement démocratiques le nombre de mandat est limité ? Ceci d’une part. D’autre part, physiquement, il est évident que l’actuel président est incapable de tenir le coup pour cinq autres longues années. De notre point de vue, le président Abdelaziz Bouteflika mérite une retraite et non pas un autre calvaire de cinq ans dans un pays difficilement gouvernable par les temps qui courent. « Comment voulez-vous gouverner un peuple qui a plus de trois cents sortes de fromage ? ». Cette citation est attribuée à Charles de Gaule. Notre pays n’est, malheureusement, pas producteur de fromage. N’empêche, il a presque une centaine de partis politiques et l’on est en droit de se demander alors comment le président actuel pourra gérer un pays où la cacophonie ainsi créée l’emporte largement sur la logique et les analyses politiques rationnelles des différents courants politiques. Ne vaudrait-il pas mieux pour lui que l’Histoire retienne son nom comme celui qui a contribué à la « stabilité » (Amara Benyounès) du pays que comme celui par qui tous les scandales sont arrivés ? Un 4ième mandat pour le président actuel dans les conditions actuelles (où les grandes nations occidentales n’attendent qu’un faux pas de notre part pour nous tomber dessus) n’apportera rien de plus à l’Algérie. On voit mal comment il pourra tenir les promesses qu’il serait amené à faire aux électeurs lors de la campagne électorale et réaliser par la suite, en cinq ans, ce qu’il n’a pas pu faire en trois mandats successifs.
Les 4 « non » prononcés lors de la conférence-débat , qui s’est tenue le 30 mars dernier à la salle Mohamed Zinet de l’Oref, à l’occasion de cette alliance, ont donc fait mouche. Force est de reconnaitre que, depuis, que ce soit dans la presse nationale, sur les réseaux sociaux ou simplement dans les cafés maures des coins les plus reculés de l’Algérie, l’on ne parle que de ça. Il y’en a même qui trouvent que le président de Jil Jadid est vraiment hardi pour avoir ainsi défié le « pouvoir ». Mais en fait, à bien y réfléchir, il ne s’agit pas d’un défi mais de l’expression d’une réalité politique algérienne que tout être normalement constitué et doué de raison ne devrait occulter.
1- Le MPA pour un 4ième mandat pour Bouteflika. In le quotidien El Watan.