mercredi 14 décembre 2016 - par Hamed

Alliance OPEP-Russie, Quantitative easing, la Chine émergente, Donald Trump, échec de l’islamisme. Les défis du monde moderne

 Que peut-on dire des accords pétroliers historiques, auxquels sont parvenus les quatorze pays de l’OPEP et la Russie, à Alger, le 30 septembre 2016 et Vienne le 30 novembre 2016 ? Et l’engagement des pays non-OPEP, le 10 décembre 2016, à Vienne, à réduire leur production de 562 000 barils par jour dans le cadre d’un accord avec les membres du cartel pétrolier sans précédent depuis 2001. (1) Au cours de cette réunion, les quatorze pays de l’OPEP, la Russie, et onze pays hors OPEP ont envoyé un signe fort au monde. Les onze (Azerbaïdjan, Bahreïn, Bolivie, Brunei, Guinée équatoriale, Kazakhstan, Malaisie, Mexique, Oman, Soudan, et Soudan-Sud) ont déclaré qu’ils sont solidaires avec les décisions du cartel pétrolier. C’est incontestablement une victoire pour les pays exportateurs pour faire remonter les cours de pétrole. Mais, eu égard aux défis auxquels fait face le monde, c’est plus qu’une victoire, c’est un véritable sursaut qui vise un changement des règles édictées par les grandes puissances financières de la planète.

Ces décisions ont fait bondir les cours du brut dans les marchés pétroliers. Le prix du pétrole WTI américain a passé les 53 dollars, le prix du Brent les 56 dollars à Londres. Mais les prix restent néanmoins instables, dépendants des autres forces du marché que dictent les marchés financiers et monétaires au cours du pétrole. On ne peut oublier que le pétrole OPEP est commercialisé en dollars américains. Et ces dollars sont émis par la Réserve fédérale américaine (Fed), i.e. la Banque centrale américaine et son pendant, le système financier américain. Et ces émissions monétaires de la Fed sont elles-mêmes tributaires des déficits de l’Amérique avec le reste du monde. Ce qui explique pourquoi le cartel pétrolier n’est qu’une partie du problème dans la cotation du prix du baril de pétrole, et non le problème lui-même. D’autant plus que le cours du prix du pétrole n’est pas établi par le cartel pétrolier mais par les grandes Bourses occidentales qui sont aux États-Unis (New-York) et le Royaume-Uni (Londres).

Néanmoins, on peut dire qu’il y a une « révolution dans ces Accords historiques de l’OPEP  ». Par la nature même de l’alliance d’un des pays OPEP (Arabie saoudite) et un pays non-OPEP (Russie). L’Arabie saoudite qui est le poids lourd de l’OPEP par lequel aucune décision ne passe sans son accord, et de surcroît la chasse gardée américaine depuis le pacte du Quincy, le 14 février 1945, a fait faux bond à la puissance américaine, en s’alliant à la Russie même, malgré les divergences sur le plan régional. Ce qui est révélateur sur les implications géopolitiques et géoéconomiques que cette alliance aura sur l’équilibre mondial. Le monde s’acheminerait – et tout le fait penser – à un monde intermédiaire naissant puissant entre les deux blocs qui aujourd’hui pèsent par leur antagonisme sur le reste du monde. Un Occident en déclin et l’émergence d’une Chine qui entend prendre sa revanche sur l’histoire, en prenant le pas sur l’Amérique. Et ni le monde arabo-musulman ni la Russie, pourtant une grande puissance nucléaire, ne sont de taille à rivaliser avec ces deux blocs économiques.

A voir seulement la plongée des cours pétroliers, la Russie est un géant aux pieds d’argile. Elle l’a démontrée avec la défunte e l’Union soviétique. Ce n’était pas la guerre en Afghanistan qui l’a terrassée, au point que l’URSS a fin d’exister. L’Amérique a été aussi terrassée par la guerre au Vietnam, mais elle a rapidement rebondi. Et, bien qu’affaibli, elle pèse lourdement sur le monde. Et, encore aujourd’hui, au Moyen-Orient, sur le reste du monde. Ce qui n’est pas le cas pour la Russie qui non seulement est fragile sur le plan économique dont la ressource principale est le pétrole, mais aussi sur le plan démographique et territorial. Vieillissement, dénatalité et un indice de fécondité le plus bas au monde avec 1,2 par femme Quant à son immense territorial (17 millions de km2), il pose corrélativement à la démographie un problème de peuplement. Plus des trois-quarts de la population russe se concentrent sur la Russie d’Europe, soit à peine un quart de la superficie totale. Donc faible démographie et le plus grand territoire du monde, mais doté d’un arsenal d’ogives nucléaires russes, deuxième au monde.

On comprend qu’avec une industrie russe faible et des espaces immenses très peu peuplés, cette situation suscite des interrogations. On comprend dès lors le rapprochement entre le monde arabo-musulman qui lui aussi est très attardée sur le plan scientifique, technologique et industriel, dépendant totalement des exportations de pétrole pour ses importations d’équipements industriels, biens agricoles et services des pays d’Asie (Chine…) et de l’Occident (Europe, États-Unis) et la Russie, une grande puissance nucléaire mais dépendant industriellement de ces mêmes pays, et cette volonté de taire leurs différends et de s’unir pour tenter de renverser le cours baissier du cours du pétrole, relevant lui-même d’une conjoncture économique difficile pour l’ensemble du monde. Et depuis l’inversion des forces de combat au Moyen-Orient, la Russie a changé les donnes au Moyen-Orient. Ce qui explique aussi la position de l’Arabie saoudite de s’allier avec la Russie. Un changement de posture qui va en plein accord avec le changement de posture de l’Amérique avec l’Iran, qui a procédé à un accord sur le problème de l’enrichissement nucléaire, levant de facto les sanctions économiques contre l’Iran, à compter du 1er janvier 2016.

D’autre part, sur le plan économique mondial, la situation a beaucoup évolué. L’émergence de nouvelles puissances économiques dont la Chine – elle y occupe une place centrale – ont changé les donnes pour l’Occident. Et cette évolution positive de l’économie mondiale est arrivée aussi à une fin de cycle de croissance économique. Les deux moteurs qui ont tiré la croissance mondiale, à savoir les États-Unis et la Chine, se sont essoufflés, d’abord par les guerres menées par les États-Unis au Moyen-Orient et, ensuite, la formidable croissance chinoise qui a déteint sur le reste du monde, en particulier sur l’Europe et les États-Unis. Il est évident que tout cycle de croissance a besoin d’une évolution favorable de l’économie mondiale, et d’une autre évolution pour épuiser le trop plein de l’ascendante. Et cette évolution a été permise au début du XXIe siècle quand les États-Unis ont cherché, par une politique monétaire contra-cyclique très expansive, à contrer la récession, qui est apparue dès l’année 2001 – essoufflement de la révolution des valeurs technologiques (high tech). Et cette phase, marquée paradoxalement par les attentats du 11 septembre, va amener les États-Unis à se lancer dans des guerres tout azimut contre le terrorisme islamique. Afghanistan, Irak, bras de fer avec l’Iran sur le problème de l’enrichissement nucléaire, etc. vont provoquer des dépenses militaires faramineuses pour la première puissance du monde, qui doperont l’économie mondiale. Un processus de cause à effet très positif pour l’économie mondiale. Malheureusement la guerre au Moyen-Orient aura été un facteur dopant de cette croissance mondiale.

Une décennie pratiquement de croissance, certes ponctuée par deux crises graves – les subprimes et la crise financière en 2008 – mais néanmoins non moins nécessaires. On peut tout dire sur la crise immobilière en 2007 comme sur la crise financière en 2008, mais il demeure que dialectiquement parlant, elles étaient nécessaires. Comment aurait évolué l’économie mondiale, et donc la croissance mondiale, sans ces subprimes et ce financement tout azimut surtout par la guerre enclenchée à des milliers de km et contre un ennemi diffus, difficile à débusquer ? Selon le prix Nobel Joseph Stiglitz, cette guerre a demandé quelques 3000 milliards de dollars. L’économie mondiale aurait dépéri s’il n’y avait pas eu ces financements. Le monde serait plongé dans une situation pire que furent les crises monétaires des années 1970 où la hausse du baril de pétrole sauva la mise. Pire que la crise d’endettement des années 1980, ou la crise asiatique, russe et brésilienne en 1997-1998. Ce ne sera pas seulement l’Afrique et le monde arabo-musulman mais tout l’Occident et l’Asie qui seront plongés dans le marasme économique. Plus de moteur qui tire l’économie du monde, donc stagnation et régression frapperaient pays industriels et non industriels.

Et ce qu’énonce Joseph Stiglitz n’est qu’une petite partie des dépenses comparativement à la dépense de consommation américaine qui constitue une grande part du PIB américain. Et qui est corrélée par les déficits courants américains. En 2002, 4% du PIB, en 2005, 6%, en 2006 6,6%, soit 850 milliards de dollars. L’Europe aussi enregistre des déficits commerciaux avec le reste du monde, certes bien moins. Mais l’étrangeté de la situation économique mondiale est que la Chine, les pays asiatiques, l’Amérique du Sud, l’Afrique et le monde arabe ont besoin de ces déficits pour financiariser leurs économies. Leurs économies tant de la Chine, de la Russie, des pays d’OPEP ont besoin des dollars américains, des euros, des livres sterlings et des yens pour que ces pays commercialisent entre eux des richesses, ou avec l’Occident et le reste du monde. On comprend que ce qu’ils amassent en réserves de change leur permet d’avoir plus de latitude dans la croissance de leurs économies, plus d’échanges commerciaux, plus de pouvoir d’achat pour la consommation, plus d’investissements et plus de création d’emplois.

Mais les déficits pour les uns créent des excédents pour les autres. Et combien même il y a une croissance partagée, i.e. l’Occident s’enrichit aussi puisqu’il exporte des liquidités et importent des biens et services, son problème va résider dans son endettement. Tant que le reste du monde est endetté par rapport à l’Occident, l’équilibre est préservé puisque le moteur principal restera toujours l’Occident par sa consommation, même s’il devient moins compétitif par rapport aux nouveaux pays émergents. Bien plus, par cette perte de compétitivité, l’Occident, en délocalisant, étend le moteur aux autres économies émergentes. Puisqu’à leur tour, par les importations massives d’intrants de matières premières, ces économies émergentes, en particulier, la Chine, boostent aussi l’économie mondiale.

Or, si on regarde la fin de la décennie 2000-2010, l’endettement s’est inversé. C’est l’Occident qui est endetté auprès des pays émergents et des pays exportateurs de pétrole. Une situation qui va freiner l’évolution positive de l’économie mondiale. On peut assimiler ce processus économique à un cycle qui, comme dans le film-comédie « Bienvenue Mr Chance », où l’acteur principal qui s’appelait dans le Mr Chance Jardinier répondait, dans le film, à la question du président américain, comment sortir de la récession : « Après l’automne-l’hiver, c’est le printemps-l’été ». Et l’acteur n’a pas tort. Sauf que les saisons sont régulières et dépendent d’une rotation annuelle uniforme et constante de la Terre autour du Soleil, alors que la périodicité du cycle économique mondial n’est pas régulière et dépend de beaucoup de facteurs. Mais il existe toujours une phase de croissance et une phase de décroissance, à l’instar du cycle des saisons, bien sûr sur un autre plan.

Mais si la phase de croissance s’est interrompue en 2008, avec la crise financière de 2008, qui a été d’une violence inouïe sur le plan financier et monétaire, occasionnant presque un arrêt de l’économie mondiale, il demeure que la réponse occidentale a été à la hauteur de cette crise mondiale, une réponse inouïe. Le trou d’air en 2009 a vite été dépassé et, en 2010, grâce aux nouvelles politiques d’assouplissement quantitatif, dit aussi « politique monétaire non conventionnelles » ou encore « Quantitative easing ». D’une manière synchronisée, en fonction de leur taille dans l’économie mondiale, les quatre grande Banques centrales du monde (États-Unis, Eurozone, Royaume-Uni et Japon), ont massivement injecté des liquidités pour sauver leurs économies, et ce faisant ont sauvé le reste du monde. Le palme revient à la Réserve fédérale américaine. Déjà sous George W. Bush, la Fed a injecté environ 6 000 milliards de dollars, faisant passer la dette fédérale de 6000 à environ 11 500 milliards de dollars. A partir de 2009, sous Obama, la dette publique culmine à 20 825 milliards de dollars. (Source Maison Blanche pour ce dernier chiffre)

Est-ce anormal, une augmentation de 12 000 milliards de dollars ? Deux fois plus que sous les deux mandats de Bush. Non, il n’y a rien d’anormal, aucune crainte ne se pose sur la soutenabilité de la dette américaine. Bien entendu, tant que la dette américaine reste libellée en dollar. Et c’est valable pour les dettes publiques de la zone euro, du Royaume-Uni et du Japon.

Le reste du monde a besoin des dollars américains, de l’euro, de la livre sterling, du yen et aujourd’hui aussi du yuan chinois, même si celui-ci reste toujours encadré par la Banque de Chine. Du reste le yuan constitue officiellement la cinquième monnaie qui fixe les Droits de Tirages Spéciaux (DTS) du FMI. Donc si la soutenabilité de la dette publique ne pose pas un problème pour les États-Unis, ni d’ailleurs pour les autres grandes puissances financières du monde, y compris la Chine, nouvellement intégré dans le club des Grands, il reste que la crise financière de 2008 a opéré un tournant dans l’évolution de l’économie mondiale. Un tournant qui fait peur à l’Occident, dans le sens qu’il n’augure plus pour l’Occident un avenir prometteur, comme cela fut par le passé. Donc nous avons un reste du monde qui a besoin des monnaies des grandes puissances financières, et c’est une vérité que l’on ne peut infirmer, sauf si ce reste du monde crée ses propres monnaies de compte et de réserve reconnues internationalement, ce qu’il ne peut pas, et un Occident qui se trouve à la croisée des chemins. Comme d’ailleurs le déclare le nouveau président américain Donald Trump qui prend ses fonctions le 20 janvier 2017, à propos de la nomination du nouveau secrétaire d’Etat Rex Tillerson, PDG de la compagnie ExxonMobil : « Je ne peux imaginer une personne mieux préparée et aussi dévouée pour servir en tant que secrétaire d'Etat à ce moment crucial de notre histoire ».

 Effectivement, les États-Unis comme l’Europe vivent un moment crucial de leur histoire.

Si les déficits courants américains constituaient le plus grand déséquilibre financier de l'histoire au cours de la première décennie, certes ils vont progressivement diminués avec la fin de la guerre en Irak et une baisse des opérations militaires en Afghanistan, il demeure que les programmes de Quantitative easing (QE) vont opérer des miracles pour l’économie mondiale. Une création monétaire massive ex nihilo, donc sans contreparties physiques, va non seulement procéder au sauvetage des économies occidentales mais permettre un atterrissage en douceur de l’économie mondiale. Nombre d’économistes, ministre des finances en l’occurrence le brésilien Guido Mantega qui prononça le 27 septembre 2010, « pour la première fois l’expression « guerre des monnaies », il n’avait d’autre objectif que de s’agacer contre la monnaie Brésilienne, le REAL, dont le niveau trop fort pesait défavorablement sur l’économie de son pays. Ce coup d’éclat, loin de sonner le glas, met au contraire la lumière sur un conflit international qui dure depuis des siècles. » (2) En réalité, il n’y avait pas de guerre des monnaies. Le seul problème est que, à l’époque, le Brésil attirait des capitaux flottants à la recherche de gains financiers, ce qui faisait apprécier le real brésilien. Un processus tout à fait normal.

De même, le gouverneur de la Banque centrale de Chine, Zhou Xiaochuan. « La Chine craint qu’en injectant ainsi de l’argent dans l’économie la Fed augmente les prix de nombreux types de matières premières et marchandises, et dévalorise le dollar, en dévaluant par la même occasion les 1.170 milliards de dollars détenus par les Chinois. « Les Etats-Unis doivent s’abstenir de tout assouplissement quantitatif et durcir leur politique monétaire pour renforcer la confiance du monde dans le dollar », a déclaré le président de la Banque centrale de Chine Zhou Xiaochuan. Doivent s’abstenir ?! Ce sont les propos d'un actionnaire… ». (3) Là aussi, les QE sont un processus nécessaire, et les craintes du président de la Banque centrale de Chine ne sont pas fondées. Bien plus, c’est grâce aux Quantitative easing que la Chine a amassé 4000 milliards de dollars de réserves de change et qui lui ont permis de maintenir une croissance élevée, même si celle-ci est loin de ses sommets de plus de 10% dans les années 2000-2010. Un pic de taux de croissance de 14,2% en 2007. Il demeure que la croissance de la Chine, même si elle a décru, est restée toujours haute. 10,4%, en 2010, 7,4% en 2014.

Nombre d’économistes ont crié haro sur l’inflation, ou que les QE ne servaient à rien pour relancer les économies. Non seulement, ces QE ont sauvé les économies occidentales, mais il n’y a pas eu d’inflation contrairement aux pronostics. L’inflation monétaire par les milliers de milliards de dollars émis dans le cadre des quatre programmes QE1, 2 et 3 a été résorbée par les marchés financiers, en l’occurrence les Bourses mondiales occidentales. Les prix du pétrole ont atteint des sommets au cours des années 2010-2014, entre 100 et 120 dollars le baril. Au plus fort de la crise financière, à l’été 2008, le baril de pétrole a atteint un pic de 147 dollars.

De même, l’or a été mis en contribution pour jouer de contreparties physiques aux émissions monétaires américaines. L’or passe de 700 dollars en 2008 près de 1900 dollars l’once, en 2012. Ces augmentations du prix du pétrole et de l’or comme l’a affirmé le président de la Banque de Chine étaient cruciales. Sans le pétrole et l’or, les QE n’aurait pas été possible et on aurait eu une inflation à deux chiffres qui mettrait en danger tous les échanges commerciaux et parasiterait la valeur des monnaies et donc les réserves de change qui perdraient de la valeur. Par conséquent, en émettant des QE et en dopant les matières premières, dont le pétrole, on dopait aussi l’absorption mondiale. C’est grâce à ces QE que la Chine comme les pays exportateurs de pétrole ont non seulement accumulé des réserves de change mais ont dopé l’économie mondiale par la demande. LE VERITABLE MOTEUR DE L’ECONOMIE MONDIALE A ETE LA POLITIQUE MONETAIRE NON CONVENTIONNELLE DES QUATRE PUISSANCES FINANCIERES, et marginalement la Chine, avec ses 500 milliards de dollars au début de la crise.

Une politique monétaire non conventionnelle qui a permis des rachats de dette éligibles (bons de Trésor des États occidentaux et non éligibles (créances douteuses comme les subprimes) par la Fed, la BCE, la Banque d’Angleterre et la Banque du Japon, et permis d’alléger les systèmes financiers des dettes publiques et privées qui sont transférées dans les bilans des Banques centrales. Le problème n’est donc pas la « Planche à billet » mais la politique monétaire pour maintenir à flot l’économie occidentale, et par ricochet, les économies des pays émergents et pétroliers et le reste du monde. Telle a été l’équation à résoudre qui s’est posée dès le début de la crise financière.

Evidemment ce processus ne peut être pérenne. Les Banques centrales occidentales NE PEUVENT EMETTRE INDEFINIMENT des liquidités internationales. Sauf le temps de corriger les dysfonctionnements surgis de la période des guerres au Moyen-Orient et qui ont fortement fragilisé le système financier occidental. C’est ainsi que dès 2013, Ben Bernanke, le gouverneur de la Fed, annonce le début de la fin des programmes QE. Et le QE3 qui a fortement baissé au milieu de l’année 2014 a commencé à inférer sur le prix de l’or qui a commencé à baiser dès 2013, mais surtout le prix du pétrole qui passe des 110 à 120 dollars au premier semestre à environ 60 dollars en décembre 2015. Certes le pétrole de schiste américain a joué dans la baisse, mais il ne peut jouer aussi rapidement en quelques mois pour faire baisser le prix du pétrole, le divisant pratiquement par deux. Si la BCE et la BOJ continuent d’en émettre depuis 2015, c’est essentiellement grâce à la baisse du prix du pétrole.

Le réveil sera brutal pour la Russie, la Chine, l’Inde, le Brésil et les pays exportateurs de pétrole, à la fin du QE3 qui s’est terminée en septembre 2014. Les derniers 10 milliards de dollars des 85 milliards de dollars mensuels ont été émis. Le prix du pétrole continue de baisser. Aussi, vu ce retournement pétrolier, sans parler de nostalgie, les QE ont joué un formidable levier pour contrer la crise économique mondiale. Evidemment, le jeu géostratégique ne va pas jouer uniquement sur le plan monétaire et pétrolier. Ceci est acquis pour l’Occident, et la chute du prix du pétrole est nécessaire. Il est évident pour les États-Unis que les émissions monétaires ex nihilo et les rachats des dettes publiques vont creuser l’endettement américain et permettre à la Chine, la Russie et les pays exportateurs de pétrole d’amasser des réserves de change considérables, au détriment évidemment de l’Amérique et de l’Europe qui voit leur dette extérieure se gonfler. Par conséquent combien même le problème de la soutenabilité des déficits ne se pose pas, il demeure nécessaire de les diminuer pour les États-Unis et limiter la dette extérieure nette. Les 20 000 milliards de dollars de la dette publique américaine constituent, il ne faut pas l’oublier, la dette fédérale brute.

Par conséquent, la fin des QE américains entrent dans un cadre tout à fait naturel. Ce qui signifie que la baisse du prix du pétrole est naturelle et n’a rien à voir avec l’extraction massive du pétrole de schiste aux États-Unis, puisque lui aussi subit la baisse des cours pétroliers. Et son extraction est onéreuse. Il n’est rentable qu’à un cours de plus de 60 dollars, voire 70 dollars. D’ailleurs depuis la chute des cours pétroliers, un grand nombre de puits de pétrole de schiste ont cessé de fonctionner. 

Et comme on l’a énoncé, le problème géostratégique ne se raisonne pas uniquement en termes de pétrole et de politique monétaire. Il faut rappeler les événements qui ont eu lieu dans le monde arabe au début de l’année 2011, année qui devait voir la fin de l’occupation de l’Irak, conformément aux accords de la SOFA signés par les États-Unis et le gouvernement irakien, en décembre 2008. La SOFA stipule le retrait total des forces américaines, au plus tard le 31 décembre 2011. Précisément, le « Printemps arabe » qui éclate en ce début de cette année, emportant quatre présidents (Tunisie, Égypte, Libye et Yémen) va mettre à feu et à sang plusieurs pays, dont les plus touchés furent l’Irak, la Libye, le Yémen et surtout la Syrie. Plus de cinq années de guerre en Syrie, et jusqu’à présent le conflit est sans issue malgré la prise d’Alep, aujourd’hui. Y compris en Libye, au Yémen et en Irak.

La question peut se poser pourquoi les négociations russo-américaines n’ont pas abouti sur la crise syrienne ? A juste raison, faut-il penser, la crise syrienne a les mêmes causes que pour les autres pays arabes. Celles-ci sont liées directement à la stratégie américaine pour contrer la Chine. L’Amérique a peur de perdre son statut de première puissance mondiale. Elle sait que la Russie ne fait pas le poids. En revanche, la Chine avec sa population de 1,2 milliard de chinois, son statut de deuxième puissance économique du monde depuis 2010, son savoir-faire, sa technologie, son industrie qui fait d’elle l’« atelier du monde », comme l’était avant elle l’Amérique dans les années 1940, son taux de croissance qui se maintient entre 6 et 7% l’an, son rayonnement en Afrique, en Amérique du Sud, en Europe, en Asie et en Amérique du Nord – le plus grand déficit commercial des États-Unis se fait avec la Chine –, par conséquent, sa progression ne fait pas de doute. Surtout qu’avec le problème nucléaire de l’Iran, les guerres en Irak, en Syrie et en Afghanistan, et le reste du monde arabe (pétromonarchies et Maghreb), la Chine a approfondi ses relations avec ses pays en restant un pays neutre, privilégiant des échanges commerciaux et stratégiques au point qu’elle et devenue leur partenaire incontournable. La Chine sait aussi que la puissance américaine réside dans le dollar. Et pour devenir la première puissance de monde, la chine sait qu’elle doit amener sa monnaie, le yuan, à rivaliser avec le dollar, ou au moins être à parité avec lui. Une condition sine qua none pour que la Chine émerge en tant que première puissance du monde. 

Précisément, l’Amérique opte pour la terre brûlée dans le monde arabo-musulman, appliquer la fameuse stratégie « diviser pour régner », et en même temps déstabiliser toutes les régions susceptibles d’être « sinisées », i.e. les économies deviennent dépendantes de l’économie chinoise. La politique gagnant-gagnant s’inscrit dans cette stratégie de la Chine, qui cherche à commercer sans chercher à influer sur le régime politique au pouvoir. L’essentiel est la mainmise sur l’économie, un pays dominé économiquement devient forcément vassal.

Et c’est ce danger qui amène les États-Unis à utiliser tous les moyens disponibles pour freiner l’expansion chinoise surtout dans les régions où se trouvent les grands gisements de pétrole. Et ils se trouvent au Moyen-Orient, au Maghreb, et au centre de l’Afrique. On comprend l’arme islamiste qui a été utilisé en Irak, en Syrie, au Yémen, en Libye pour déstabiliser ces pays suite au Printemps arabe. Les guerres se font par procuration que donne l’Amérique à la multitude de groupes armés islamiques dont l’Etat islamique. Tous ces groupes armés ne sont que des moyens stratégiques qui bloquent l’infiltration de la Chine dans la chasse gardée de l’Amérique moyen-oriental, maghrébine et africaine. Mais la Chine, au demeurant, continue sa pénétration, certes freinée mais le temps travaille pour elle.

Quant au monde arabe, divisé, il manque de cohésion. En effet, s’il était uni, stable, un système politique qui gouverne équitable, une économie qui se développe sainement, la stratégie de l’islamisme radical menée par les États-Unis n’aurait pas fonctionné. Malheureusement tous les pays musulmans arabes et non arabes sont gouvernés par des dictatures monarchiques ou républicaines. Et ces systèmes politiques sont dialectiquement nécessaires pour leur survie sinon ils tomberaient dans les guerres fratricides pour la lutte pour le pouvoir. Et ce, eu égard au stade de leur développement historique. Et aucune situation géopolitique ne vient du néant. Tout a une cause historique.

 

Cependant ce stade est en voie de dépassement par la dynamique qui s’est enclenchée depuis le Printemps arabe. Il n’y a pas de fatalité dans le sous-développement ni dans les guerres fratricides. Rappeler seulement les deux Guerres mondiales en Occident qui ont fait plus de 80 millions de morts et des destructions incomparables avec aucune guerre au monde.

On comprend dès lors la facilité avec laquelle les pays arabes ont été déstabilisés et plongés dans des guerres civiles sans fin qui arrangent les plans américains dans l’endiguement de la Chine. Mais le problème est qu’il y a la Russie. Certes elle ne présente pas un danger, elle a même été intégrée au G7, le club des pays riches de la planète. Mais la Russie reste la Russie. On n’apprivoise pas l’Ours blanc. G8 ou pas, la Russie a une longue histoire, et a pour ancêtre immédiat l’Union soviétique, et elle a été le champion dans la lutte contre l’impérialisme occidental. Et elle demeure un frein pour l’Occident, et « incompressible par sa parité nucléaire avec l’Amérique. » Et elle l’a démontré dans le Caucase où une guerre l’a opposé à la Géorgie soutenue par l’Occident, en août 2008. A l’issue de laquelle la Russie, sortie victorieuse, a reconnu la souveraineté de l’Ossétie du Sud. La perte de la province séparatiste l’Ossétie du Sud pour la Géorgie a été un revers magistral pour l’Occident. De nouveau, en mars 2014, un conflit armé avec la Russie, cette fois en Europe orientale, qui se solda par la perte de la Crimée et de Sébastopol pour l’Ukraine, et leur rattachement à la Russie. Là encore un autre revers pour les États-Unis et l’Europe. Au point que la Russie fut exclue du G8 le 24 mars 2014. « Le G8 prévu en juin à Sotchi sera remplacé par un G7 à Bruxelles. » Enfin le dernier exploit, l’entrée en guerre en Syrie, le 30 septembre 2015. C’est toute la stratégie américano-européenne au Moyen-Orient qui est battue en brèche. La Turquie change de stratégie et se rapproche de la Russie, malgré la perte d’un Sukhoï-24 abattu par les forces aériennes turques. Les groupes islamistes armés sponsorisés par les Occidentaux et l’Arabie saoudite reculent partout. La capitale économique tombe aux mains des forces coalisées du gouvernement syrien, le 13 décembre 2016.

 

Est-ce pour autant la guerre est finie ? Non, la situation est très complexe et beaucoup de sang a été versée, et la haine est là, les conflits confessionnels n’ont pas disparu. Et l’Amérique ne s’avoue pas avoir tout perdu. Le conflit va demeurer, cependant avec de nouvelles cartes. D’abord l’islamisme et sa politique obscurantiste ont montré leurs limites. Avec l’entrée des forces russes le 30 septembre 2015, des forces iraniennes, irakiennes et du Hezbollah libanais, on peut dire que l’échec de l’islamisme radical est consommé. Qu’il ne peut survivre dans un monde non seulement moderne mais mondialisé. D’autant plus qu’une nouvelle donne sur le plan pétrolier est apparu : « L’Occident a compris qu’il ne peut plus se permettre d’utiliser des politiques monétaires expansives effrénées car c’est lui le premier qui est perdant en tant qu’émetteur des masses de liquidités internationales. Celles-ci vont gonfler, via les déficits commerciaux américains, les réserves de change de la Chine, et de la Russie qui est sortie victorieuse dans tous les conflits armés depuis 2008. » Et c’est pourquoi partout, en Occident, les politiques d’austérité sont prônées pour précisément limiter la perte de compétitivité de l’industrie occidentale au profit de l’industrie chinoise. Et pourquoi depuis une décennie, plus précisément depuis la crise financière de 2008, la politique d’austérité, les réformes structurelles, le dégraissage des États (diminution de fonctionnaires) sont les maîtres-mots des politiques économiques en Europe, et ailleurs, en Occident. Y compris aux États-Unis.

 

Et, cette alliance de la Russie avec l’Arabie saoudite sur le plan pétrolier qui apparaît pour faire remonter les cours. L’alliance a réussi parce que le monde change, et les enjeux aujourd’hui les commandent. Peu importe les divergences quand il y a une nécessité de faire un front commun pour lutter contre un péril économique aux conséquences inacceptables. C’est ainsi qu’à Alger, le 28 et 29 septembre 2016, en marge du Forum international de l’énergie (IEF), l’alliance lance les bases d’un front pétrolier pour peser sur les prix du pétrole. Ensuite le 30 septembre à Vienne, et enfin le 10 décembre 2010, à Vienne, onze des pays non-OPEP s’engagent à réduire leur production d’environ 600 000 barils par jour, dont 300 000 barils pour la Russie, font que l’alliance est scellée. Il est évident que cette décision Russie-OPEP-onze pays non-OPEP fait frémir les grands argentiers du monde, en tête l’Amérique. Ce qui n’est pas audible pour les profanes en stratégie économique à l’échelle planétaire.

 

Un danger se profile des pays qui sont non seulement amis mais chasse gardée des États-Unis, faudrait-il dire, pour les grands argentiers du monde. L’Arabie saoudite et les autres pays du Conseil consultatif du Golfe (CCG) sont habituellement soumis, eu égard au parapluie militaire américain. Et cette alliance cherche à peser sur les cours pétroliers. Une augmentation du prix du pétrole qui est facturé en dollar obligerait la Réserve fédérale américaine à augmenter la masse de dollars. Si la Fed n’augmente pas des liquidités, une spirale déflationniste d’enclenche et poussera le dollar à la hausse, ce qui pénalisera les exportations américaines. Par conséquent, il faut que l’augmentation du prix du pétrole soit encadrée au niveau des Bourses mondiales, dans le but d’éviter une remontée forte et de ne pas infléchir la stratégie sur le plan financier et monétaire des grandes puissances occidentales. Même le taux d’intérêt de la FED doit augmenter en décembre 2016 pour rendre plus difficile l’accès aux crédits bancaires.

 

Sur le plan pétrolier, la discipline des pays engagés à respecter la réduction des quotas de production arrêtés à Vienne doit-être de mise pour le succès de l’alliance. Les autres pays non-OPEP ne chercheront-ils pas à augmenter leur production ? Tous ces facteurs seront suivis de très près par les pays engagés dans l’accord OPEP du 10 décembre 2016. Il est clair que tous les pays engagés dans la réduction doivent appliquer l’accord. Il en va de leur intérêt de peser sur les cours. L’année 2017 sera cruciale pour l’ensemble du monde. Et comme souvent le hasard fait bien les choses, le succès du monde intermédiaire que l’on dit naissant et puissant entre les eux blocs viendra changer le cours des choses. Obliger les États-Unis à regarder avec plus de réalisme LES DEFIS QUI SE POSENT AUJOURD’HUI AU MONDE MODERNE, marqué de plus en plus d’innovations technologiques qui révolutionnent, qui changent le quotidien des humains. D’autre part, au-delà de la résurgence des populismes, un Donald Trump, un président qui se dit anti-système, peut surprendre et changer complètement la politique américaine, et s’allier avec un gagnant, la Russie. Il cherchera à la détacher de la Chine. Et quel avenir pour le pétrole ? Il est clair que les décideurs du monde doivent faire preuve de réalisme. Aller dans le sens des événements, ou être dépassé passer par les éléments.

 

Enfin, un dernier point, si l’alliance Russie-OPEP-Onze pays non-OPEP sera couronnée de succès, sa contribution à la croissance économique mondiale ne sera pas sans intérêt dans un monde privé de moteur qui tire l’économie mondiale, comme elle l’est aujourd’hui. Et c’est la raison pour laquelle l’alliance doit réussir pour contribuer par la hausse des prix pétroliers, et donc son corollaire, la demande, à l’absorption mondiale.

 

Cette analyse fait suite aux deux parties précédentes. (4 et 5)

 

Medjdoub Hamed
Auteur et Chercheur indépendant en Economie mondiale,
Relations internationales et Prospective

www.sens-du-monde.com

 

Notes :

 

1. « Premier accord pétrolier depuis 2001 entre pays membres et hors Opep », par le Monde.fr. Le 10 décembre 2016.
http://www.lemonde.fr/economie-mondiale/article/2016/12/10/premier-accord-petrolier-entre-pays-membres-et-hors-opep-depuis-2001

2. « Comprendre la guerre des monnaies », par les Echos.fr. Le 08.05.2013
http://archives.lesechos.fr/archives/cercle/2013/05/08/cercle

3. « L’argent, facteur de paix entre les USA et la Chine » par Sputnik.fr, le 19.08.2011
https://fr.sputniknews.com/opinion/20110819190556070/

4 « Des séquences de l’Histoire humaine au XXe siècle. Le paradoxe de la dollarisation du pétrole des pays de l’OPEP  », par Medjdoub Hamed. Le 15 novembre 2016
http://www.lequotidien-oran.com
http://www.agoravox.fr

5. « Pourquoi les guerres et les crises poussent les peuples à briser les chaînes de l’humiliation et de la servitude ? Le sens de l’islamisme », par Medjdoub Hamed. Le 20 octobre 2016
http://www.lequotidien-oran.com
http://www.agoravox.fr

 



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