mardi 20 janvier 2009 - par yvesduc

Comment parler de diabolisation ?

Mon article sur la provocation de Dieudonné au Zénith publié la semaine dernière (1) ne fut pas contredit sur l’essentiel, mais fut dans une certaine mesure une source de malentendus sur lesquels je souhaite revenir.

Étudier la diabolisation, puisque tel en était le cœur, suppose d’étudier des personnes diabolisées. La difficulté de l’exercice tient dans le risque que le lecteur réagisse sur les diabolisés et non sur l’étude. Étudier la diabolisation ne signifie naturellement pas absoudre les diabolisés de tout reproche, ni qu’il ne faut s’indigner de rien ! Il convient en revanche de savoir en quoi la diabolisation n’est ni une haine, ni une critique ordinaires.

Mon article précédent insistait sur le fait que la diabolisation s’accommode bien d’un renversement des valeurs. Celui-ci insistera sur un étrange mode de propagation : la “contamination”. J’en ai vécu un épisode particulièrement subtil, qui illustrera mieux mon propos qu’un long discours. Une association à laquelle j’appartiens (appelons-là “ASSO”), représentée par un collègue et moi-même, s’était jointe à un collectif d’associations pacifistes, à l’initiative de l’une d’entre elles (appelons-là “PAC”), avec l’objectif de monter une grande manifestation anti-guerre à Paris (qui eut lieu). Les réunions se succédaient et au cours de l’une d’elles, je commis l’erreur de prononcer le nom d’une certaine association pro-palestinienne : appelons-là “PAL”. Que n’avais-je dit là ! PAC me contacta quelques jours après, indiqua que PAL était indésirable et me demanda d’éclaircir nos rapports avec eux. Je commis l’erreur d’être honnête : nous les avions rencontrés plusieurs fois. En fait, nous étions sommés par PAC de couper tout contact avec PAL, bien que je comprenne entre les lignes que c’était déjà presque trop tard puisque nous les avions rencontrés. Quelle était cette histoire ? Renseignements pris des deux côtés, il était reproché à PAL d’avoir un jour invité à une conférence une personne suspectée d’antisémitisme. Donc, et pour résumer, une personne avait vu une personne qui avait vu une personne suspectée d’antisémitisme... Après cet épisode, nous ne reçurent plus les courriers de PAC nous invitant aux réunions et les contacts furent rompus : par mesure de prudence (?), nous étions traités comme des antisémites avérés ! (c’était a priori la seule raison ; un ami à nous d’une autre association restait dans la course et nous informait des suites du projet)

La contamination repose sur des arguments comme : “Untel est l’ami de untel”, “Untel a été vu aux côtés de untel lors de tel événement”, “Voyez cette photo où ils sont côte-à-côte”, etc. Elle repose sur l’idée que les bonnes convictions sont forcément faibles et les mauvaises, forcément fortes, et donc que les premières n’ont aucune chance si elles sont confrontées aux secondes. Le simple contact est fatal. Entre parenthèses, que voilà une drôle de façon d’envisager les bonnes convictions ! Peut-être les diabolisateurs ne sont-ils pas si sûrs de leurs bonnes convictions ? Refermons la parenthèse...

L’une des conséquences de la contamination est de priver de parole le diabolisé : alors qu’une personne critiquée conserve le droit de se défendre dans les médias, inviter un diabolisé est perçu comme une provocation par une partie de l’opinion, au point que le journaliste peut craindre d’être lui-même contaminé, accusé de contribuer à répandre des idées nauséabondes. Une autre conséquence est qu’elle dissuade de vérifier les faits, chacun ayant peur du contact avec les propos coupables. Enfin, une personne diabolise parce qu’elle sait que les autres diabolisent, et parce qu’en acceptant une relation “douteuse”, elle risque la contamination (par les autres). Ainsi, la diabolisation peut contredire l’intime conviction. Pour toutes ces raisons, à l’inverse d’une critique ordinaire et à l’intérieur même de son inversion des valeurs, la diabolisation maximise le risque d’erreur.

Sans ces faillites intellectuelles, on n’en viendrait pas à haïr plus fort encore un humoriste qui n’a tué personne, qu’un Chef d’État responsable de centaines de milliers de morts et d’une crise économique mondiale. Faute de pouvoir stopper la machine folle, Dieudonné l’alimente pour nous faire rire de son ridicule et nous en détailler la mécanique. Victime d’une diabolisation non méritée, Dieudonné (qui n’est ni antisémite, ni d’extrême-droite, faut-il le répéter et le répéter encore) sait mieux que personne comment elle fonctionne.

Yves Ducourneau, le 19 janvier 2009

(1) “Dieudonné expliqué à ses détracteurs



8 réactions


  • QuidNovi QuidNovi 20 janvier 2009 15:50

    PALman et PACman sont sur un bateau sur la mer morte ; PALman tombe à l’eau, qui l’a poussé ?
    TSAHAL


  • joelim joelim 20 janvier 2009 16:32

     Vous parlez d’or... La diabolisation est effectivement une faillite intellectuelle. C’est en effet un moyen très efficace pour ceux qui la pratiquent (presque tous les médias et beaucoup de politiques) d’éviter de se juger soi-même à l’aulne du jugement qu’ils portent sur les autres... Du genre : on est intrinsèquement meilleurs, "plus vertueux", donc on n’a pas à comparer nos actes avec ceux qu’on diabolise et donc dont on dénie l’humanité (puisque cela revient à çà...).

    Diaboliser les autres, c’est une façon :

    — de se persuader qu’on a tous les droits,

    — d’éviter d’examiner ses propres turpitudes,

    — de justifier les crimes ou l’amoralité de sa propre famille de pensée...

    Des exemples ? Regardez les comportements des néoconservateurs US et du pouvoir exécutif israëlien, et constatez par vous-même. 

    Diaboliser peut aussi être un instrument de manipulation. Exemple : quand le CRIF a asséné à la France il y a quelque temps qu’elle lui paraissait "antisémite", dans le but finalement évident d’intimider les Français et particulièrement nos élus. Quelle honte ! Et des membres du gouvernement continuent à se soumettre au dîner annuel de cette association communautaire alignée sur le gouvernement sanglant d’Israël !...

    Et d’ailleurs, qui est antisémite ? Le fait de tuer des sémites (les palestiniens) innocents n’est-il pas sans commune mesure avec le racisme anti-juif qui n’est pas plus courant que le racisme anti-arabe ou anti-noir ?

    Au vu de ce qu’il s’est passé, moi je dis : à force de l’utiliser pour imposer leur politique quasi-terroriste, ils ont vidé de son sens le terme d’antisémitisme. Ou sinon il faudra l’utiliser pour qualifier les gens qui ont ordonné le massacre Gazaoui, dont la population est bien plus sémite que celle d’Israël... (cf les articles éclairants et non-politiquement corrects d’un fils de déporté d’origine juive : http://www.comite-valmy.org/spip.php?article154 et http://kropot.free.fr/Stambul-Israel.htm).

    Désolé de disgresser, le sujet étant la diabolisation, mais l’exemple que je donne est si incroyable et projette une telle ombre sur la civilisation humaine... smiley 


    • Romain Desbois 21 janvier 2009 07:41

      On peut donc ajouter Dieudonné (dont je n’apprécie pas le parcours présent), à la liste des Bigard, Meyssan, Menard, Brauman, Schneiderman et "petits candidats" de la présidentielle.
      La liberté d’expression ne vaut que si les médias te l’autorise ! C’est là la nouvelle règle, garde-chiourmée par les Chabot , Ockrent etc.... Ca vaut bien la légion de déshonneur, non ?




  • licorne 20 janvier 2009 17:20

    la diabolisation pour y avoir droit il faut avoir fait un "crime contre la pensée" (1984) et oui le crime contre la pensée etant contagieux il faut eradiqué la pensée !!!! 


  • non666 non666 20 janvier 2009 18:07

    je suis vert....

    Le comité de censure a refusé de ma part mon "premier" article sur ce sujet....il y a quelques mois déjà.
    Des commentaires des "redacteurs" ?


    • yvesduc 20 janvier 2009 22:09

      non666, je n’ai pas vu votre article mais je ne crois pas qu’il y ait de « censure » à AgoraVox, juste un nombre de votes suffisant à atteindre. Quel était votre angle d’approche ?


  • joelim joelim 20 janvier 2009 20:22

     Pour répondre à la question "Comment parler de diabolisation ?", je dirais :

    1) La diabolisation justifiée existe, par exemple à l’encontre des criminels, des financiers ayant détourné à leur profit, etc. Hélas elle ne s’applique guère dans les médias, qui invitent des Pasqua, des Tapie, des gens de peu de moralité qui n’ont rien à faire sur des plateaux de télé. Bon le mot de diabolisation est un peu fort, l’opprobre publique serait par contre justifié.

    2) la diabolisation injustifiée existe aussi bien sûre. Hélas, cette diabolisation s’applique tout le temps dans les médias !... Parfois, comme dans le cas de l’"antisémitisme", telle qu’utilisée actuellement, cette diabolisation instrumentalise un véritable fachisme : celui du prétendu "choc des civilisation", prôné par tant de racistes (envers les sémites, dont les palestiniens) qui s’ignorent, ou font mine de s’ignorer, grâce à cette fausse vertuosité engendrée par leur posture diabolisatrice. L’auteur parle à juste titre de renversement des valeurs. Je préfère parler d’inversion des valeurs, où les attaques sont exactement les défauts les plus révélateurs de ceux qui les portent...

    De plus, pourquoi en tant que non-juif n’aurais-je pas aussi le droit de critiquer la politique israëlienne et l’idéologie qui va avec ? Je ressens comme du racisme de ne pouvoir m’exprimer à ce sujet autant que quelqu’un de culture juive. Bon d’accord je m’exprime quand même smiley , mais c’est parce que des accusations potentielles d’antisémitisme, vu la valeur qu’on peut leur accorder, ne m’effrayent pas.

    Heureusement ce fachisme (la diabolisation de ceux qui n’adhèrent pas à la politique actuelle d’Israël) n’arrivera pas à imposer ses idées racistes. Pour cela il eut fallu que la presse libre (le net, le canard...) n’existe pas ! Désolé les gars c’est raté... smiley


    • bek 20 janvier 2009 20:51

      "Hélas elle ne s’applique guère dans les médias, qui invitent des Pasqua, des Tapie, des gens de peu de moralité qui n’ont rien à faire sur des plateaux de télé"

      Et dans des ministères aussi "le cas Kouchner" et son rapport pour Total en Birmanie , l’affaire france24, Bk Consult...et
      Bhl le Buldozer déboiseur de l’afrique noir, rapporteur escroc aux services de celui qui paye le plus.
      Finkelkraut Black, black, black.....
      Val le chouchou de I(srael)télé et son islamophobie galopante.
      Animateurs qui servent la soupe au poliques menteurs et corrumpus à longueur d’année pour un renvoi d’ ascenseur , à l’image d’un pujada sarkozyste et un PPDA libérale pendant 30 ans et installé depuis peux à la fonction public




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