Compatibilité ou incompatibilité du FN avec les lois de la République ?...
Alors que la plupart des partis politiques offrent une image désunie (FDG, EELV, PS, UDI, UMP) et souffrent d’un réel déficit de sympathie et de confiance, le FN soigne sa communication et essaie au maximum de prévenir les couacs. Contrairement aux autres partis politiques qui sont traversés par des courants, ce qui suppose des débats, avec pour corollaire des affrontements entre personnes, tribut de toute organisation démocratique, le FN, par son organisation très verticale, son absence de courants, ou du moins affirmé comme tel, est un parti où règne la discipline et la soumission au « chef ». Ce qui lui évite les désagréments que connaissent les autres partis Politiques. Si on se réfère à certaines déclaration passées et présentes de son Président d’honneur, ou aujourd’hui de sa fille, Présidente du Parti, lorsqu’elle déclare "qu'il peut être parfois utile de faire parler sous la torture", doit-on en déduire et considérer que le FN est une organisation dont l’existence politique est incompatible avec la démocratie et les lois de la République, et dans ce cas, pourquoi n’est-il pas interdit ?
Le FN, un parti politique jugé conforme aux lois de la république, donc légal
A l’évidence, puisque ce parti n’est pas jugé incompatible avec les valeurs démocratiques et Républicaines, il a donc une existence légale et doit être considéré comme tous les partis politique, conformément au 1er et au 3eme alinéa de l’article 4 de la Constitution. 1er alinéa : « Les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage. Ils se forment et exercent leur activité librement. Ils doivent respecter les principes de la souveraineté nationale et de la démocratie ».3eme alinéa : « La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation ».
Le FN étant un parti politique légal, il doit être traité selon le 3eme alinéa de l’article 4 de la Constitution, comme tous les autres partis politiques. Il est évident que la stratégie de la fille étant différente de celle de son père par rapport au Pouvoir, même si la doctrine ne diffère guère, la diabolisation du FN telle qu’elle avait cours est devenue inopérante et doit cesser. Il faut également sortir de la stigmatisation des électeurs frontistes, de cesser de les qualifier de fascistes, d’idiots, de crétins ou de beaufs, même s’il y en a (d’autres Partis n’en sont d’ailleurs pas exempts). Pour s’opposer à ce Parti, il faut en finir avec des manifestations spectacles « anti- FN », dont certaines dérives ne peuvent que produire l’effet inverse au but recherché et le renforcer, ainsi que les grands discours moralisateurs où l’on se lamente d’en revenir aux « heures les plus sombres de l’Histoire » pour lesquels l’électorat potentiel FN restera d’ailleurs insensible. Le FN en France n’est pas « Aube dorée « en Grèce, ni sa Présidente un HITLER en jupon. De telles assimilations, comme chaque cri d’orfraie est un argument pour le FN. Les « intellectuels », « éditorialistes » et autres donneurs de leçon sont du pain béni pour ce parti, tant ils renforcent la frontière, entre les élites et les habitants, notamment ceux des zones urbaines en déclassement où misère et délinquance constituent un support promotionnel aux théories de ce parti, entre les "bobos " et les « invisibles » comme aime à le répéter Mme. LE PEN.
Mettre en évidence Les contradictions du FN
Sachant que les électeurs ou électeurs potentiels FN ne sont pas tous des abrutis incultes, pour contrer, si tant est le plus efficacement possible, le FN passe par la mise en contradiction des déclarations de sa Présidente et de son programme. Un exemple avec l’Europe, quand Mme LE PEN déclare « « Dans le cadre de l’article 50 du Traité de l’Union Européenne, il convient d’initier une renégociation des traités afin de rompre avec la construction européenne dogmatique en total échec. » Le FN propose donc « d’initier une renégociation des traités », ce qui signifie discuter avec les gouvernements des autres pays membres de l’UE pour savoir s’ils seraient éventuellement d’accord pour accéder, peut-être, un jour, à ces requêtes. Mme LE PEN, à l’instar d’autres responsables de son parti, est juriste de formation et connaît la signification, comme la valeur politique des mots avec lesquels elle jongle habilement. Comment peut-elle vouloir sortir de l’Europe en optant pour une procédure non conforme qui l’en empêcherait forcément et affirmer constamment tout le mal qu’elle pense de l’Europe et sa bureaucratie, tout en entretenant l’équivoque entre sortie de l’Europe et sortie de l’euro… Le FN veut renégocier les traités « dans le cadre de l’article 50 ». Mais l’article 50 n’est pas fait pour renégocier quoi que ce soit, l’article 50 est fait pour sortir unilatéralement et complètement de l’Union européenne il suffit de lire les 5 alinéas de cet article :
1- Tout Etat membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union.
2. L’État membre qui décide de se retirer notifie son intention au Conseil européen. À la lumière des orientations du Conseil européen, l’Union négocie et conclut avec cet État un accord fixant les modalités de son retrait, en tenant compte du cadre de ses relations futures avec l’Union. Cet accord est négocié conformément à l’article 218, paragraphe 3, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Il est conclu au nom de l’Union par le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, après approbation du Parlement européen.
3. Les traités cessent d’être applicables à l’État concerné à partir de la date d’entrée en vigueur de l’accord de retrait ou, à défaut, deux ans après la notification visée au paragraphe 2, sauf si le Conseil européen, en accord avec l’État membre concerné, décide à l’unanimité de proroger ce délai.
4. Aux fins des paragraphes 2 et 3, le membre du Conseil européen et du Conseil représentant l’État membre qui se retire ne participe ni aux délibérations ni aux décisions du Conseil européen et du Conseil qui le concernent.
La majorité qualifiée se définit conformément à l’article 238, paragraphe 3, point b), du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
5. Si l’État qui s’est retiré de l’Union demande à adhérer à nouveau, sa demande est soumise à la procédure visée à l’article 49.
Invoquer l’article 50 pour sortir de l’Europe par une « renégociation des traités » est aussi stupide qu’impossible
Ainsi, invoquer l’article 50 pour aboutir à une renégociation des traités relève à la fois de l’erreur (volontaire) et de la tromperie. Mme LE PEN juriste de formation et de surcroît Députée Européen n’est pas sans ignorer que le traité de Lisbonne, signé le 13 décembre 2007 et entré en vigueur le 1er décembre 2009, a ensuite modifié le Traité sur l’Union Européenne (TUE) et celui instituant la Communauté Européenne (TCE), rebaptisé Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE), mais ne les a pas remplacé. On dit que c’est un « traité modificatif ». L’architecture Européenne continue donc de reposer sur les traités adoptés successivement par les États membres de l’Union (Rome en 1957, Acte unique en 1986, Maastricht en 1992, Amsterdam en 1997, Nice en 2001, Lisbonne en 2007) et non sur un texte unique comme, par exemple une Constitution. Vouloir renégocier ces traités est aussi absurde qu’impossible, sauf pour détourner l’attention. Mais vouloir sortir de l’Union Européenne, comme le prévoit l’article 50, n’est toutefois pas aussi aisé, car il faut composer avec le parlement Européen (alinéa 2).
Autre contradiction concernant l’Europe. Lors du dernier Congres du FN à Lyon, n’avons-nous pas vu et entendu à la Télévision Mme. LE PEN qui déclamait la phrase du Général DE GAULLE « une Europe de l’Atlantique à l’Oural »… Comment peut-on vouloir sortir de l’Europe « de Bruxelles avec sa bureaucratie » et en même temps réclamer une Europe élargie à la Russie, ce qui serait en soi une bonne chose ?... Certes tout le plaisir était pour la délégation Russe présente, d’autant que la politique de relations extérieures de la France est parmi la pire de la Ve République, avec un Président larbin de l’empire US, ne souhaitant qu’en « découdre » avec ce pays, via l’Ukraine... Et ridiculiser la France en lui faisant perdre le peu de crédibilité qui lui restait, avec l’affaire des frégates…
Contradictions sur le plan économique
On pourrait également évoquer les contradictions concernant la politique économique. Dénoncer la dérive des marchés Financiers avec la mondialisation libérale, c’est très bien, mais alors comment se fait-il que la très « anti-libérale » Mme LE PEN n’inscrive pas la reprise en main du système Bancaire et le droit d’émission de la monnaie par l’Etat, même si cela n’effacerait pas pour autant la dette écologique, pour laquelle le pire est à venir. A cet effet, un rapport du Pentagone sur le changement climatique, dont le dernier paraphe de sa conclusion indique : » Des mouvements de population massifs sont inévitables. Apprendre à contrôler ces populations, les tensions qui surgissent aux frontières et les réfugiés qui en résultent, deviendra primordial. De nouvelles formes d’accords de sécurité, portant spécifiquement sur l’énergie, la nourriture et l’eau seront également nécessaires. En bref, alors que les Etats- Unis eux même s’en sortiront mieux et ont une capacité adaptative, ils se retrouveront dans un monde où l’Europe luttera intérieurement, confrontée à des flots de réfugiés se déversant sur ses rivages, et, où, l’Asie traversera une grave crise par rapport à l’eau et à la nourriture. Bouleversements et conflits seront les caractéristiques endémiques de la vie ». On peut envisager le pire… C'est-à-dire l’affrontement violent des sociétés les plus combatives.
Mettre en évidence les contradictions entre le programme du FN et les discours de sa Présidente, est-ce suffisant pour endiguer son ascension ?
Je suis persuadé que c’est nécessaire, mais attention, alors que pour la première fois depuis l’avènement de la Ve République, tous les partis politiques qui comptent sont touchés simultanément par une crise idéologique et organisationnelle, ils sont perçus par les citoyens comme de simples « machines » ou « entreprises » politiques, tournées avant tout vers elles-mêmes, le FN semble y échapper. Essayons de comprendre :
La base sociale de l'électorat FN
La base sociale du Front National, ce sont les petits et moyens entrepreneurs, artisans, commerçants, agriculteurs, petits et moyens industriels. Contrairement aux fonctionnaires, beaucoup ont souffert, parfois durement, de la « mondialisation », c’est-à-dire de la concurrence avec des pays à la main d’œuvre à bas coût. Pour eux, Mme LE PEN qui leur promet la sortie de l’euro, le retrait de l’Europe, les taxes douanières ciblées sont porteurs d’espoir, puisque dans leur esprit, c’est la « mondialisation » de l’économie libérale qui a provoqué la désindustrialisation et le déclin de la France. D’aucun et encore moins le FN et sa Présidente ne posent le problème de la crise écologique et en dépit de ses déclarations prudentes, le redressement national passerait aussi par l’exploitation des gaz de schiste, même si c’est très risqué pour l’environnement. Selon elle, ce serait un atout important pour créer de l’activité économique en France et pour réduire le déficit du commerce extérieur… Gare aux opposants, ils ne seront guère ménagés et l’Etat de Droit risque d’en souffrir. Ce discours séduit une partie de la base de l’UMP, qui se retrouve dans l’orbite du Front National et qui servira de force d’appoint à ce dernier dans son accession au pouvoir.
Egalement les ouvriers
Il séduit aussi une grande partie de la classe ouvrière abandonnée par la gauche et par les intellectuels. Ce que veulent les ouvriers, c’est avant tout du travail. Ils sont d’autant plus satisfaits que, par des mesures contre les immigrés, le FN et sa Présidente promettent de freiner la course au moins-disant salarial en imposant la préférence Nationale au travail !!!...Mais là encore une partie de son électorat patronal risque fort de moins apprécier… Si le programme du FN était appliqué c'est-à-dire les engagements respectés concernant la sortie de l’euro, le retrait de l’Europe, il entraînerait une augmentation des prix de produits aujourd’hui importés. Mais simultanément, il pourrait recréer des petits métiers sans qualification et des emplois dans la réparation et le recyclage. Même si cela a une limite, c’est par rapport à cette dualité que Marine LE PEN compte sur une reprise de l’activité économique pour être le principal facteur du retour à une vie normale dans les « quartiers sensibles »…Mais la réalité risque fort d’être différente.
Si on y ajoute une classe politique minée par les « affaires »
Depuis de trop nombreuses années, pas un mois, voire une semaine qu’éclate une nouvelle affaire : corruption diverses, prise illégale d’intérêt, détournement de fonds publics, financement illégal de campagne électorale, de partis politiques etc. Régulièrement les Médias nous parle, d’un Ministre (encore un) contraint à la démission, d’un tel, restant au Palais Bourbon malgré ses « négligences » dans le paiement de l'impôt (il ne serait pas un cas isolé), d’une autre, refusant de démissionner en dépit de sa condamnation en appel pour des faits de corruption extrêmement graves, en passant par celui qui retourne au Sénat, après s’y être fait réélire, alors qu'il est mis en cause dans plusieurs affaires, ou encore cet autre déjà condamné par la justice et à nouveau soupçonné de fraude fiscale. Sans compter des décisions, bien que légales, mais prises dans des conditions douteuses de délivrance de permis de construire dans des zones dangereuses, avec les conséquences dramatiques qui peuvent en découler et qui vont « agrémenter » pendant quelque temps, douloureusement les informations de la presse quotidienne …
Bref, une République malade de ses partis politiques et de la consanguinité politique - monde des affaires, un terreau fertile pour le FN et les ambitions de sa Présidente…