Crise grecque : qui sont les responsables ?
La crise grecque n’en finit plus de faire couler de l’encre, il semble que nous assistions au dernier chapitre de ce dossier. La question posée est simple, le peuple doit-il consentir à de nouveaux sacrifices pour rembourser la totalité d’une dette dont de nombreux experts estiment qu’elle n’est pas remboursable ?
La question n’est pas seulement économique, elle est également philosophique et morale, qui du peuple ou des institutions politico-économiques porte le plus de responsabilités ?
La dette et le taux d'intérêt
Une dette est une somme d’argent qu'un agent économique (le débiteur) emprunte à un autre acteur (le créancier), elle est composée du montant emprunté (le capital) et du taux d'intérêt. Le taux d'intérêt est essentiellement justifié par deux choses :
- La confiscation de la somme empruntée au créancier qui ne pourra plus l'utiliser - Le risque de ne pas être remboursé. Ainsi, plus un débiteur est solvable et moins les taux d'intérêts sont élevés.
Le créancier est libre ou non de consentir à des prêts et se rémunère par l’intérêt calculé en contrepartie des éléments listés plus haut.
Alors une question peut être posée : Comment se fait-il qu’un créancier, libre de prêter et de fixer ses taux d’intérêt puisse se retourner en cas de non-paiement vers un agent économique qui n’a rien à voir avec la transaction de départ ?
Dans le cas grec, cet agent économique, étranger aux transactions de départ est non seulement les citoyens grecs mais également l'ensemble des citoyens des pays européens.
On pourra me répondre que le peuple grec, ayant voté pour des gouvernements délictueux, ne peut être écarté de sa responsabilité.
Mais qu'en est-il de la responsabilité des agents économiques et du marché ?
Car si le peuple est libre de voter et parfois pour des incapables, il n'a pas forcé la main des prêteurs qui étaient libres de consentir ou non à ces crédits. Il faut ajouter que dans le cas grec, les comptes du pays avaient été trafiqués.
De ce fait, reprocher au peuple d'être irresponsable est malhonnête car celui-ci a été trahit par un gouvernement et par des institutions européennes qui ont validé les comptes. Cette validation laissait donc supposer que la gestion des gouvernements grecs précédents avait été satisfaisante.
Comment le peuple grec aurait-il pu être mieux informé que l'ensemble des experts bancaires et institutions bruxelloises ?
Enfin, il faut ajouter que dans le cas grec, dès 2004, l'ensemble des acteurs économiques étaient informés des problèmes de solvabilité de la Grèce. Cependant, cela n'a pas empêché les marchés financiers de prêter aux gouvernements successifs et ainsi, maintenir l'illusion auprès des citoyens de la solvabilité de leur pays.
Pire encore, entre 2004 et 2007, les taux d'intérêts des prêts à la Grèce ont baissé. Comme le montre le graphique ci-dessous, preuve que les investisseurs ont agi en toute connaissance de cause malgré les risques.
(Lien : http://fr.investing.com/rates-bonds/greece-10-year-bond-yield-streaming-chart)
Dans le cas grec, on explique souvent que le peuple se serait saoulé aux déficits publics. Mais les créanciers, qui ont continué à vendre des dettes avec des taux toujours plus bas, ont bel et bien forcé à la consommation.
En France, un patron de bar peut être poursuivi pour avoir continué à servir un client qui aurait trop bu !
De la prétendue efficience du marché à son inefficacité totale
L’efficacité du marché était l'argument majeur d'une privatisation des dettes des états après la fin du standard-or en 1971.
Cette privatisation de la dette était un « garde-fou » pour les gouvernements. Les décideurs de l’époque pensaient que les gouvernements, guidés par leur réélection, seraient tentés de combler les déficits en privilégiant la planche à billet plutôt que le prélèvement de l'impôt. Les exemples dans l'histoire sont nombreux. (Assignats, République de Weimar...)
En partant de ce principe, ils jugèrent que des acteurs économiques privés, risquant leurs propres fonds, seraient plus rationnels que des gouvernements, ces derniers jugés plus enclins à la démagogie quand il s’agit de la gestion des comptes publics. Sur le papier, le raisonnement tient la route mais l'expérience montre que depuis les années 70, les crises se sont multipliées et les marchés ne semblent pas être plus rationnels que les Etats.
Les uns étant aveuglés par l’appât du gain et les autres par leur réélection. Dans une situation normale, lorsqu'un débiteur fait défaut, le créancier qui a pris le risque de prêter doit subir les pertes. Ce dernier se voit alors faire faillite et est mis hors du circuit économique. Ce processus assainit alors l’économie en excluant les acteurs les moins performants.
Une faillite n'est donc pas un drame, c'est même nécessaire.
En réalité, les acteurs défaillants, loin d'avoir été sanctionnés pour leur incompétence dans la gestion du risque, n'ont pas fait faillite, n'ont pas été poursuivi. Au contraire, ils ont été renfloués par les contribuables.
La taille de certaines institutions financières est désormais jugée trop importante pour les laisser faire faillite. Les acteurs économiques défaillants ne sont pas mis hors circuit, le système ne peut s’assainir et pire, les entités insolvables en contaminent d’autres.
Comme disait Einstein :
On ne peut pas résoudre un problème avec le même type de pensée que celle qui l'a créé
L’argent des simples déposants étant mélangé à celui des spéculateurs, le risque pris par ces derniers et de fait supporté par l'ensemble de l'économie. D'où la célèbre formule :
« privatiser les bénéfices, socialiser les pertes ».
La plupart des dirigeants des institutions politiques ou économiques ayant permis une telle situation ne sont non seulement pas inquiétés, mais ceux-ci ont parfois été propulsés à la tête des états ou des institutions européennes.
Dragui, Papademos, Monti et ..... par jackyshow38
Plutôt que de prendre le problème à bras le corps dans les années 80, la classe politico-économique a procédé à une fuite en avant, conduisant à faire porter le risque final sur des populations entières éloignées des marchés financiers. Les grecs ont pourtant fait des sacrifices pour redresser les comptes du pays, si bien que son budget est en excédent primaire. (L’état grec gagne plus d’argent qu’il n’en sort, si on ne compte pas les intérêts sur la dette). Ces efforts n’ont d’ailleurs pas été sans conséquences pour la population :
- 50% de la population de ce pays vit dans une grande précarité
- la mortalité infantile explose
- des maladies comme la tuberculose refont surface et que le taux de suicide explose.
Dans les faits, nos états ont transféré la quasi intégralité du risque des investisseurs privés vers des fonds publics grâce à des mécanismes financiers complexes. Ces mécanismes ont été approuvés sans que les peuples ne soient consultés et ce, dans aucun pays de l'Eurozone malgré les sommes colossales engagées.
Olivier Delamarche - Le FESF (MES), c'est la... par MinuitMoinsUne
La dette grecque, qui était portée par des investisseurs privés à hauteur de 195 milliards d'euros en 2005 a été transférée aux peuples européens à hauteur de 251 milliards d'euros en 2015.
Cette dette colossale n'a été rendue possible que part le mensonge et la connivence entre les investisseurs privés et les gouvernements successifs faisant semblant d'ignorer la réalité économique du pays.
Dire que le peuple DOIT rembourser, parce que la parole du gouvernement engage ses citoyens est vraie jusqu’à une certaine limite de souffrance endossée par ces derniers.
Une citation de Spinoza datant de 1677, dans son traité politique faisait déjà ce constat :
"Quand un pouvoir souverain s'est engagé à l'égard d'un autre, si plus tard le temps ou la raison lui font voir que son engagement est contraire au salut de ses sujets, il ne doit point l'observer".
En conclusion, a-t-on demandé à la France de 1945 de respecter les accords passés par Vichy ?
N’a-t-on pas annulé une partie de la dette Allemande héritée de la guerre en 1953 ?
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