jeudi 20 août 2009 - par Christian Delarue

Crise systémique : pour qu’une branche de l’altermondialisme déploie le drapeau du socialisme

Alternative internationale : The international Attac network | Another world is possible !

Avec les dégâts de la crise du capitalisme nous devons parler aisément du socialisme. Comment parler du socialisme dans ATTAC ? Peux-t-on parler du socialisme dans ATTAC ? Est-ce si inconvenant ? Est-ce si difficile ?

Ma première position est qu’il est plus facile à ATTAC de parler du socialisme que chez les Verts ou au PS et même au sein du PG car si nous avons des obligations pédagogiques ou scientifiques nous ne pratiquons aucun clientélisme. Nous sommes « pluriel » et certains d’entre nous pensent aux alliances à construire avec les élites keynésiennes à l’ONU (commission Stiglitz par exemple) ou ailleurs. C’est de droit et fort respectable mais cela ne saurait impliquer un minimalisme à l’heure ou la crise jette à la rue des millions de travailleurs en Europe pour ne rien dire du monde. Quant aux organisations politiques qui évoquent le socialisme depuis longtemps elles ne sont pas forcément écoutées car on suppose, souvent à raison, qu’il faille d’abord ingurgiter ou adopter des thèses internationalistes complexes qui ne sont plus guère étudiées.

Ma seconde thèse est que parler du socialisme n’est pas chose ringarde. Ce ne peut pas l’être car s’il l’on se dégage suffisamment de certains présupposés évoquer le socialisme devient chose passionnante. Nul besoin d’être docteur en science politique. Cela ne présuppose pas plus de connaitre les grands classiques post-marxiste, ni Lénine ni Proudhon. Peut-être faut-il éventuellement savoir que la République socialiste c’est autre chose que la République sociale qui elle conserve un cœur capitaliste dans une société qui dans une périphérie plus ou moins large a institué du social et du coopératif . Par contre ce qui semble plus important c’est de montrer d’abord que l’ordre existant est incapable de répondre aux enjeux écologiques (cf Daniel TANURO dans Contretemps n 2) et aux besoins d’une large fraction de la population et qu’il est en très deçà de ce qui est possible. Des millions de salariés souffrent du chômage et des bas-salaires sur le continent. On ne saurait se cacher cela. Il faut répondre à la crise sociale autant qu’à la crise climatique et énergétique.

Défendre le socialisme peut se faire par plusieurs entrées, le travail, l’écosystème, l’espace laissé au marché, etc... Et contenir des niveaux variables de technicités. Ici l’actualité porte sur deux services publics attaqués en France. Mais le propos se veut continental, voire mondial.


I - La bunkérisation du service public, un concept de résistance à l’impérialisme des libéraux.


Avec la crise systémique qui s’approfondit, les libéraux ne cèdent en rien face à la contestation, bien au contraire. Nous ne paieront pas votre crise ! disent les grévistes et manifestants. Si si disent les dirigeants politiques libéraux qui soutiennent l’offensive des sociétés transnationales comme des PME.

L’apparition d’un terme bunkérisation signifie résistance à l’agression. Le terme a été employé récemment par les libéraux à propos de l’hôpital et de l’université. Valérie Pécresse déclare vouloir « mettre des sciences humaines partout et ne pas les "bunkeriser" ». Et le syndicat des médecins libéraux à propos de l’hôpital dit lui que "Toute réflexion sur les urgences hospitalières doit intégrer la coordination avec les médecins libéraux, la régulation et le nécessaire partage entre ce qui relève de la ville et ce qui relève de l’hôpital. Toute autre attitude reviendrait à « bunkeriser » l’hôpital, ce qui serait un défi au bon sens et à l’efficience".

Le bunker est une fortification pour se protéger des attaques. Le terme bunkérisation plus que celui de bunker présuppose une dynamique conflictuelle. Comme tous les termes terminant en "on" il indique un processus et non un état ou une photographie. Ces processus ne s’exercent pas en apesanteur sans cible ni acteur en face. Comme les privatisationS, la marchandisation, la financiarisation, ces dynamiques ont une histoire, elles sont sociales et politiques. Elles sont portées par la couche sociale possédante qui en bénéficie au détriment du peuple-classe, travailleurs indépendants exceptés. Elles se déploient avec force depuis les années Reagan Thatcher et plus intensément encore depuis la création de l’OMC le 1er janvier 1995.

En 2009, les termes du conflit contre les récentes réformes Pécresse et Bachelot mais aussi contre toutes les autres réformes libérales sont connus : les libéraux défendent l’extension de la logique marchande ou tout se vend et tout s’achète et c’est mécaniquement la logique de service public qui est en résistance, sous bunker comme ils disent. Les libéraux défendent aussi les privatisations et ce sont les usagers des biens publics qui résistent à cette appropriation privée, à cette dépossession. Les privatisateurs s’approprient un bien public qui fonctionne bien et qui est rentable . Seul ce qui est susceptible de se vendre et de dégager du profit intéresse les bénéficiaires des privatisations . Le non rentable est laissé à la collectivité qui elle même l’abandonne. La logique libéral ne s’intéresse qu’à la satisfaction des besoins solvables et rentables.

II - De nouveau la perspective socialiste est pertinente. Défendons hardiment l’éco-socialisme.

En contre tendance à ces logiques, le socialisme et la logique de planification et de service public pour proposer une alternative.. Le socialisme propose un alter-développement qui se veut politique et non pas économique. "Bunkériser un champ politique" c’est permettre de protéger un champ d’intervention démocratique et même de l’étendre face à l’impérialisme de l’économie marchande qui, elle, ignore le citoyen pour promouvoir le seul consommateur solvable achetant des produits standardisés qu’il n’a pas choisi de produire... Le socialisme démocratique propose un alter-développement qui se veut une réponse aux besoins sociaux de tous et toutes et non la satisfactions des intérêts immédiats d’une minorité celle notamment qui dirige les entreprises capitalistes. En conséquence, le socialisme démocratique est seul en capacité de déconcentrer les villes et de valoriser les campagnes et les quartiers délaissés ce que le capitalisme est incapable de faire... Seul le socialisme démocratique peut enclencher des nationalisations offensives qui dépossèdent la minorité qui s’était accaparée les biens publics : eaux, gaz, électricité, logements, santé, école, transports... pour satisfaire gratuitement ou selon la péréquation tarifaire le peuple-classe dans le respect de l’environnement... L’écologie n’est pas avec l’éco-socialisme sous la seule responsabilité des consommateurs, les producteurs restant libres de produire des biens nuisibles et à obsolescence rapide. Seul le socialisme démocratique s’adresse à des usagers qui sont aussi des citoyens mais pas des clients. La péréquation tarifaire fonctionne à l’opposé du système des prix du marché et de la nécessaire solvabilité.

Seule la démocratie socialiste, parce qu’elle se déploie dans tous les champs sociaux de la vie humaine, est en capacité de renverser la domination de la valeur d’échange pour renforcer la valeur d’usage. Ce faisant c’est la survie des générations futures et la sauvegarde de l’écosystème qui devient possible. Seul le socialisme peut être "vert". Le "capitalisme vert" présuppose le renforcement des inégalités puisqu’il doit passer par la logique de solvabilité marchande, de rentabilité organisationnelle et de profitabilité capitalistique . Sous le socialisme le chômage est en voie de résorption et le travailleur est respecté sans considération exagérée de performance. Le capitalisme porte en lui la division "dure" entre les "sans emploi" d’un côté et des travailleurs sous tension de l’autre côté. Le socialisme démocratique assure la réduction drastique du temps de travail pour que tous et toutes puissent participer à la production sociale de l’existence. C’est un devoir de chacun d’y amener sa contribution. Rien à voir avec la logique capitaliste ou certains en font trop et d’autres rien. Le socialisme démocratique qui a changé radicalement le système fiscal évite de faciliter la cupidité des grands possédants mais s’emploie à assurer un vie confortable aux autres (cf bouclier social à 3000 euros).

Le socialisme est fait pour l’écologie et le peuple-classe. Il faut le dire et le répéter de mille manières pour clarifier le message suivant les couches sociales cibles. Il faudrait donc aussi dire que le socialisme ne s’accommode pas du racisme, du sexisme et qu’il fait la promotion de la laïcité. Il ne le fait pas par morale mais parce que c’est contraire à sa logique de libération, d’émancipation et du vivre ensemble en paix et dans l’égalité. Quand on lutte contre une domination dite économico-sociale on lutte aussi contre les autres formes. L’expérience montre que le passage d’une lutte de libération à une autre n’est pas aussi évident qu’il y paraît. Ces points ne seront pas ici développés.

Christian Delarue, Membre du CA d’ATTAC France
 


7 réactions


  • tvargentine.com lerma 20 août 2009 13:18

    Article démago et populisme d’une autre époque

    Durant des dizaines d’années vous avez soutenu comme G Marchais le communisme et ici encore vous venez nous vendre vos articles dont curieusement la rédaction semble avoir de la sympathie

    Je serais toujours étonné de voir que mes articles et ceux d’auteurs sont censurés alors qu’ un communiste vient nous dire que le bilan des soviets est « globalement positif »

    http://www.tvargentine.com/


  • bernard29 bernard29 20 août 2009 14:11

    « pour qu’une branche de l’altermondialisme déploie le drapeau du socialisme »

    Eh bien, vous n’êtes pas sûr de vous !!! parce que sinon votre titre aurait été ;


    ...« pour que l’altermondialisme déploie le drapeau du socialisme »


  • manusan 20 août 2009 15:36

    "Peux-t-on parler du socialisme dans ATTAC ?« 

    disons plutôt une miette de Trotskisme, domage c’est un mouvement qui partait bien plutot tendance anarch, mais l’extreme gauche l’a torpillé pour nous ressortir les même formules qu’il y a 80 ans à la sauce 21 eme siècle.

    franchement, y a qu’a lire :

     »Mais le propos se veut continental, voire mondial. "

    et on chante tous l’internationale en levant le point, SVP.


  • Jordi Grau J. GRAU 20 août 2009 16:17



    Bonjour Christian Delarue.

    J’ai de la sympathie pour votre article. J’ai moi-même adhéré et milité à ATTAC de 2000 à 2008. J’ai quitté votre association pour diverses raisons :
    - Il n’y a plus de comité local près de chez moi.
     - ATTAC a perdu en crédibilité avec la lamentable guerre civile qui l’a déchirée
    - Il est un peu désespérant de prêcher dans le désert, et de ne pas voir les effets concrets du mouvement altermondialiste.

    Cela dit, je ne pense pas que votre travail soit inutile, même s’il est ingrat. Remuer des idées subversives finit toujours par porter ses fruits - la question est de savoir quand et comment.

    Après ces préambules, j’aimerais que vous clarifiiez un peu votre pensée. Je pense que personne sur AgoraVox ne prendra au sérieux l’amusant Lerma, lorsqu’il fait de vous un disciple de Georges Marchais et un défenseur du « bilan globalement positif » du socialisme soviétique. En revanche, beaucoup se demanderont sans doute ce que vous entendez par « démocratie socialiste » ou « socialisme démocratique ». J’imagine qu’il ne s’agit certainement pas de ce qu’on appelait naguère « démocratie populaire ». Qu’en est-il du rôle de l’Etat dans votre projet ? Comment arriver à concilier une certaine centralisation du pouvoir économique et la liberté des citoyens ? Enfin, mais c’est moins important, j’aimerais savoir en quoi votre position personnelle est représentative des idées d’ATTAC en ce moment.


  • Christian Delarue Christian Delarue 20 août 2009 20:07

    Bonjour J GRAU
    Rapidement.

    Une branche de l’altermondialisme signifie qu’il y en a d’autres qui se positionnent autrement. Il y a par exemple des régulateurs marxo-keynésiens qui voient différemment l’avenir de la crise globale. Il ne s’agit donc pas d’un texte d’ATTAC voté en CA.

    « Défenseur du « bilan globalement positif » du socialisme soviétique ». Le néo-socialisme se doit d’offrir une perspective qui combat non seulement le capitalisme productiviste dominant mais aussi les grandes lignes de feu le système stalinien . Pour cela il convient de défendre la démocratisation la plus profonde dans la société et la défense des droits individuels et sociaux. Il s’agit de construire une société qui enclenche de multiples émancipations humaines. Il faut aussi changer le rapport au travail. Fin du stakhanovisme.

    La démocratisaton en s’étendant franchie des crans qualitatifs. Trois à mon avis. J’en parle dans les "Les trois configurations démocratiques : libérale, sociale, socialiste"

    http://www.legrandsoir.info/article8635.html

    Le socialisme est une phase de l’avancée du combat altermondialiste. Concrètement il y a sûrement diverses façons d’enclencher un alter-développement. A mon sens il y a la bonne vielle question de la propriété à reposer, celle de réguler mais aussi réduire les marchés, (pas que le marché financier). D’où la place des services publics et de l’économie non marchande.

    La démocratie sociale fait intervenir les citoyens dans un cadre élargie par rapport à la démocratie libérale (qui en est la forme la plus rabougrie) : sécurité sociale redonné aux salariés, privés d’emploi, étudiants futurs salariés. La démocratie socialiste (que j’ai appelé alter-démocratie par euphémisme) va encore plus loin, dans les entreprises, dans l’appareil d’Etat, dans la planification du « développement durable »

    Les marchés n’ont pas disparus, les propriétaires du capital non plus, l’Etat est toujours là mais transformé avec plus de place à la démocratie sociale (tripartite avec plus de pouvoir aux représentants des salariés et des usagers) et mais aussi démocratie directe citoyenne notamment pour les choix de production planifiée dans le cadre du respect de la nature d’ou l’écosocialisme. La démocratie de l’économie planifiée là ou cette dernière est jugée pertinente pour contrer

    Christian


  • Jordi Grau J. GRAU 20 août 2009 21:22

    Merci pour cette réponse et pour le lien.

    J.G.


    • Christian Delarue Christian Delarue 21 août 2009 09:48

      Hier se tenait le conseil d’administration. Aujourd’hui commence l’Université d’été. Plénière le matin. Ateliers en après-midi dont « Que faire du capitalisme ? » Tous les intervenants sont critiques du capitalisme productiviste - formule de consensus qui donne lieu à interprétations différentes - mais aucun ne voit pareillement les modalités « d’en sortir » .D’ailleurs l’expression « en sortir » totalement du moins fait problème . De plus il y a la question de la durée. En sortir prendra du temps ! Pourtant il y a des urgences : urgence climatique et urgence sociale sont les deux points qui fonf accord dans ATTAC .


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