Dans la tête d’une expat.
J’ai reçu récemment un email d’une personne qui me demandait pourquoi, sur mon blog, je ne parlais pas de mon expatriation en Grande Bretagne, et si la France me manquait puisque le retour est seulement hypothétique (voir mon blog si vous voulez savoir pourquoi). Jamais, en effet, depuis trois ans et demi que je me trouve en Angleterre, je n’ai écrit le moindre article pour raconter comment la vie se déroule ici, de l’autre côté de la Manche. Tout d’abord, j’écris peu en ce moment dans mon blog par manque de temps. Ensuite, je n’en ai jamais ressenti le besoin ni l’envie, peut-être parce que la vie quotidienne s’y déroule, finalement, à peu près de la même façon que sur le « continent », comme l’aiment à le nommer les Britanniques. On se lève le matin, on travaille, on va faire ses courses, on se détend quand on a le temps, on voit un dentiste quand on a mal aux dents, on voit un médecin quand on ne se sent pas bien.
Pour commencer, je répondrai que la France, et Paris en particulier, ne me manquent pas au sens où je ne suis pas loin. Je suis juste en face et non à des milliers de kilomètres. Si j’avais vécu dans un pays beaucoup plus éloigné de l’Hexagone, alors oui, la France m’aurait manqué. J’aurais du mal à m’imaginer, je ne sais pas, en Australie par exemple, ne pouvant revenir en France qu’une fois par an pour cause de prix du billet d’avion. Mais la Grande Bretagne, ce n’est pas le bout du monde ! Je retourne donc quand je le souhaite, du moins dès que cela est possible, en tout cas de façon régulière, faire un tour à Paris et parfois dans d’autres villes que je fais découvrir à mon compagnon. Donc non, je ne ressens pas de manque. Juste le plaisir de retrouver ce, et ceux, qui faisaient mon univers quotidien de parisienne, et d’aller refaire un petit tour dans mes lieux préférés parisiens. Ainsi, c’est un réel bonheur de revoir, lors de mes visites parisiennes, les musées et autres lieux d’expositions que j’avais l’habitude de fréquenter, voir s’ils ont changé, ce qu’il y a de nouveau à voir, c’est encore plus sympa de boire un thé ou un jus dans mes cafés préférés, de flâner de nouveau dans les quartiers qui m’inspirent, d’aller dans les petites salles de cinéma, de repartir sur les traces de François Truffaut, de nous rendre à Montmartre à la recherche d’Amélie Poulain, de remonter le canal pour essayer de trouver où se cachait le Clan des Siciliens… ou plus prosaïquement de retourner faire quelques courses dans les boutiques et magasins où j’avais l’habitude de me rendre, comme ceux du treizième arrondissement où la gourmande que je suis achète ses gâteaux au soja et son jus de coco. Tiens, à ce propos, impossible de trouver un rouleau de printemps en Angleterre. Jusqu’à présent, je n’ai pas réussi à en dénicher un seul. Des nems frits, oui, mais des rouleaux de printemps, non ! Alors quand je reviens en France, je me gave de rouleaux de printemps.
J’ai souvent entendu , en Angleterre, l’expression « creature of habits ». Je suis une vraie « creature of habits », ce qui n’empêche pas de découvrir, ou faire découvrir, de nouveaux lieux à chaque visite. Je n’ai jamais autant visité et découvert Paris que depuis que je n’y suis plus. Je vois la capitale française avec des yeux nouveaux. Plus ceux d’une parisienne, forcément, mais pas non plus ceux d’une touriste, puisque je n’en suis pas une. J’ai toujours profondément et passionément aimé Paris, bien qu’il me soit souvent arrivé de râler, en bonne Française que je suis, sur ses défauts, qui ne sont pas moindres, mais je me considère désormais comme une « passagère de la Ville de Paris », qui porte sur cette ville où elle est née et a si longtemps vécu un regard purement, et presque exclusivement, positif.
Ensuite, des blogs racontant des expatriations, il y en a déjà beaucoup. Beaucoup, beaucoup… J’en ai « feuilleté » quelques uns, pour la majorité écrits par des Français établis en Grande Bretagne, et les ai trouvés intéressants à lire dans leur ensemble, et fort utiles pour toute personne songeant à venir s’établir, temporairement ou définitivement, à Londres (puisque la majorité des Français du Royaume Uni sont à Londres), mais, si j’aime la volonté de l’auteur du blog de vouloir partager son expérience du quotidien, donner des bons tuyaux, aider les nouveaux arrivants, ce que je regrette, c’est que la personne raconte justement son quotidien d’expatrié(e), et non ce qu’il se passe dans sa tête. Ou alors c’est tellement ponctuel et dilué dans le reste qu’il faut partir à la pêche aux impressions, aux sensations. On a ainsi beaucoup d’articles racontant l’organisation du départ, les cartons, le voyage… puis la recherche du premier studio ou de la colocation, les prix des loyers, des transports, les démarches à suivre pour s’inscrire au Job Centre et obtenir son fameux NIN, ou pour se faire enregistrer dans la « surgery » de son quartier, où doit-on aller pour se faire ouvrir rapidement un compte en banque… Ce sont des blogs de conseils pratiques. Il y a aussi, surtout parmi les blogs écrits par des personnes très jeunes, ceux qui donnent des bonnes adresses, « mon pub préféré », « voici un resto super sympa que je recommande », et en effet c’est toujours bon à savoir, il y a ceux qui donnent également des recettes de cuisine ou font des comptes rendus d’expositions, ou qui racontent la vie au boulot.
C’est vraiment intéressant à lire, car chaque expérience de vie est intéressante, et c’est sans doute cela que mon correspondant espérait trouver sur mon blog, mais l’expatriation, c’est plus profond que cela. Pas au sens où je trouverais les blogs d’expatriés superficiels, mais au sens où l’expatriation, qu’elle soit temporaire ou définitive, et on parle alors d’immigration, est une expérience qui vous change à jamais. Tout d’abord, on est confronté, et le mot n’est pas trop fort, dans sa vie de tous les jours, avec une autre culture et une autre mentalité, ce qui fait que l’on prend soudainement conscience, avec une incroyable intensité, presque avec brutalité, de qui on est à l’intérieur de soi. Beaucoup plus que lorsque l’on compare son caractère, sa personnalité, à ceux de ses proches, familles ou amis, et que l’on se situe par rapport à eux. En principe, il nous revient, en tant qu’expatrié ou immigré, de nous adapter à cette nouvelle mentalité, de nous « ajuster », je crois que le mot convient bien, quasiment de nous modifier afin de nous adapter. Un peu darwinien évidemment comme conception, mais c’est vraiment cela. Dans la réalité c’est beaucoup plus difficile qu’il n’y parait. Même quand on est installé dans un pays européen. On ne peut pas gommer du jour au lendemain ce que l’on est, entrer comme ça dans un nouveau moule, d’où il ressortirait une personne nouvelle. Personnellement, venant d’une famille multiculturelle (et la liste des origines qui me composent est bien trop longue pour être ici détaillée), la chose ne m’a pas été trop, trop compliquée, même si ce n’est jamais facile de se retrouver dans un environnement nouveau. J’ai toujours été habituée à naviguer entre plusieurs eaux, me sentir parfaitement bien dans une atmosphère cosmopolite (quel mot magnifique !), ouverte sur le monde, et trouver mes repères au milieu de gens qui me considèrent comme pareille, mais tout de même différente. Je comprends désormais encore mieux qu’avant à quel point il est injuste de reprocher à un immigré de ne « pas vouloir s’intégrer ». En plus, c’est complètement faux, les immigrés veulent s’intégrer, mais on leur rappelle sans arrêt, on leur fait sans arrêt sentir qu’ils viennent d’ailleurs, parfois avec des petites remarques qui ne sont pas en soi méchantes, mais qui veulent bien dire que la personne ne vous considère pas comme faisant partie, ou entièrement partie, du groupe. Parfois même c’est dit tout à fait sympathiquement, mais la personne ne se rend pas compte de là où elle a mis le doigt. Par exemple, je parle bien anglais, j’ai très peu d’accent français sauf lorsque je suis fatiguée, et là ça a tendance à ressortir plus. Or, il m’arrive parfois, dans un magasin par exemple, qu’une personne me demande avec curiosité d’où je viens. Quand je dis Paris, il y a quelque fois des « oh » et des « ah » d’admiration, parfois, la question suivante est : depuis combien de temps je suis ici, puis, (et là ça ne rate jamais) est-ce que ça me plait de vivre ici. C’est demandé de façon sympa, parce que la personne est intéressée, curieuse de savoir qui je suis, mais après trois ans et demi, la question me surprend plus qu’au tout début. Comme si je ne m’attendais plus à ce qu'on me la pose. J’oublie que les gens ne savent pas que je suis ici depuis trois ans et demi. Cependant, je me dis que si on reste vivre ici pendant encore cinquante ans, dans cinquante ans on continuera, de temps en temps, surtout les jours où je suis fatiguée, à me demander d’où je viens… et si j’aime vivre ici.
Au-delà des différences visibles, de surface, comme rouler de l’autre côté de la route, ou la culture de la maison individuelle bien plus développée qu’en France, celle des pubs (qui pourtant ferment à tour de bras, mais d’autres ouvrant dans le même temps, cela compense plus ou moins), des Charity Shops (qui existent également en France, avec Emmaüs en tête de file, mais ce n’est pas aussi dévéloppé non plus qu’en Angleterre où il y a des Charity Shops à tous les coins de rue, et servant toutes les causes, les personnes âgées démunies, les enfants hospitalisés, les animaux…), et tout ce qui compose la parfaite carte postale anglaise et que recherchent les touristes, en tête de file les fameuses cabines téléphoniques rouges (de moins en moins nombreuses, téléphones mobiles oblige, et de moins en moins rouges) et les bus à deux étages, pourtant bien moins omniprésents que dans le passé, bref, au-delà des clichés évidents, c’est dans la mentalité britannique profonde qu’il faut aller rechercher les différences les plus marquantes, celles qui vont faire que votre vie d’expatrié(e) fera de vous, avec le temps, une personne à jamais différente. Ce qui va suivre relève de mon expérience personnelle, des observations faites des personnes que je côtoie régulièrement et de celles que j’ai eu l’occasion de rencontrer ponctuellement. Je ne prétends évidemment pas tout connaître de la mentalité britannique en général ni mettre tout le monde dans le même panier, même si, par commodité, j’écrirai « les Anglais » sans répéter à chaque fois « les Anglais que je connais… ». Mes observations sont juste quelques grandes lignes qui, je pense, se retrouvent cependant de façon assez générales.
Tout d’abord, les Anglais ne disent jamais, ou rarement, les choses ouvertement s’il y a un problème. De même, ils expriment peu leur opinion ouvertement. Si un problème survient, ils vous feront les gros yeux, ils vous lanceront peut-être un regard froid ou disons plutôt calmement distant, mais c’est tout. Et l’affaire s’arrêtera là. Complètement l’inverse de la mentalité française qui consiste plutôt, me semble-t-il, à mettre le problème sur la table et le résoudre, quelque soit le mode opératoire. En France, on appelle cela mettre les points sur les i. Ici, ça ne se fait pas. Il n’y aura pas de polémiques, de grandes discussions, encore moins de conflit. On se tait et on attend que ça passe. « Keep calm and carry on » étant quasiment la devise nationale, on passe l’éponge quelques soient les circonstances. Au début, j'avais vraiment du mal avec cela, mais une fois que l'on s'y est habitué, on voit tous les côtés positifs de la chose. Ainsi, pas de grosse brouille ou de dispute entre les gens, même lorsqu’ils ne sont pas faits du même bois. Ils parviennent toujours, si ce n’est à garder des rapports cordiaux, du moins à sauver les apparences en société. Les Français vont peut-être se montrer plus spontanés, voire très directs, mais si cela a au moins l’avantage de rendre les choses bien claires et nettes, on sait ce que l’autre pense, ils ne prendront souvent pas de gants pour dire ce qu’ils ont à dire et ça peut parfois engendrer une certaine brusquerie verbale un peu dure à encaisser, alors que les Britanniques, si vraiment ils doivent faire une remarque, font prendre des pincettes, enrober cela dans une grosse couche de coton et juste évoquer la chose en prenant le problème de biais, tourner autour du pot plutôt que d’aller droit au but, persuadés qu’ils n’auront pas besoin de le faire parce que vous allez tout de suite comprendre. Parfois c'est le cas, mais d'autres fois il faut décoder. Plus on s’habitue à cette façon de faire, mieux on y arrive. C’est également par ces regards calmes et posés, silencieux, que j’ai réalisé que certaines choses ne se font pas en Angleterre. Comme manger devant tout le monde un biscuit qui vient de votre sac alors qu’on en vend dans le café où vous vous trouvez. Mais je suppose qu’en France, ça ne se fait pas non plus.
Ensuite, il est mal vu, mais alors très mal vu, de critiquer en Angleterre. Du moins c’est vraiment l’impression que j’ai vu qu’on ne me l’a pas dit ouvertement. Même si vous allez voir un film avec des amis, et qu’il est évident que le film était en fait un navet, on entendra rarement, (d’ailleurs ça ne m’est jamais arrivé de l’entendre) une personne dire qu’elle n’a pas aimé le film, et encore moins que c’était nul ! La personne dira plutôt quelque chose du genre : « c’était intéressant… » en marquant bien les trois points de suspension dans le ton de la voix. Si vous critiquez le film, vous allez saper l’ambiance. Les Britanniques ont tendance à vouloir à tout prix se concentrer sur les aspects positifs des choses et des personnes, à ne pas vouloir heurter, ni, donc, saper l’ambiance, et peut-être ont-ils peur de passer en société pour des personnes négatives et ronchonneuses. Ca ne me gêne pas, sauf lorsqu’il s’agit de critiquer au sens d’analyser. J’aime trop le cinéma pour supporter qu’un film soit mauvais, et ça me frustre lorsque je m’entends répondre devant les gens, en prenant un air très mystérieux et très dégagé : « c’était intéressant trois-petits-points... » alors qu’à l’intérieur de moi je bouillonne de l’envie furieuse de laisser s’exprimer tout mon dépit concernant ce metteur en scène qui a pondu cette œuvre commerciale et sans le moindre intérêt, et d'expliquer pourquoi je n'ai pas aimé le film. Mais ce serait considéré comme de la malpolitesse, alors je m’adapte et je fais comme tout le monde.
La politesse, justement, c’est la base de tout ici. Bien sûr, cela s’applique aux gestes de la vie quotidienne comme tenir la porte en sortant du magasin, ce qui se fait aussi à Paris, ou faire la queue, ce qui se fait parfois moins à Paris, où il arrive qu’une personne cherche à vous dépasser à la boulangerie par exemple (je règle mes comptes personnels, là…). Mais cela s'applique aussi dans tous les aspects des relations humaines. Ainsi, malheur à la personne qui oubliera de dire "s'il vous plait" ! On voit en effet le mot "please" absolument partout, là où on ne prend plus la peine de le mettre ailleurs. Et c'est vraiment particulier à la Grande Bretagne, car je n'ai pas vu ni entendu autant de "please" lors de mes séjours aux Etats Unis.
Super, hyper, méga important au Royaume Uni, le sens de l’humour. Si vous n’ avez pas le sens de l’humour, ce n’est même pas la peine de traverser la Manche pour venir vous installer ici. Même s’il vous est arrivé un gros pépin, il faut le raconter avec humour et si possible faire marrer tout le monde. Un bon truc pour y arriver : évitez de le raconter peu de temps après que cela vous soit arrivé, alors que vous en avez encore gros sur la patate. Laissez passer du temps, prenez du recul, visualisez de nouveau la scène dans votre tête pour y dénicher le côté marrant de la situation, il doit bien y en avoir un, et ensuite si vous avez encore envie de raconter l’épisode à votre entourage, c’est bon, vous pouvez y aller. Vu que je suis une personne hypersensible et que j’ai du mal à passer rapidement à autre chose quand il m’est arrivé un pépin, ou si quelqu’un s’est montré grossier avec moi... ou a essayé de me dépasser à la boulangerie... j’ai du mal à le raconter avec humour alors je garde les choses pour moi quand je suis en société. Je pense que l’humour doit également être considéré comme une forme de politesse en Grande Bretagne.
Une illustration, concernant les non-dits, la politesse, et l’humour. Lorsqu’il y a eu les événements à Charlie Hebdo en janvier dernier, j’étais vraiment mal. Manque de bol, il y avait une soirée jeux de société avec les voisins du quartier ce soir là. J’ai dû faire comme si tout allait bien et afficher, par politesse, un grand sourire, garder mon sens de l’humour et passer une bonne soirée. Certes, les gens m’ont demandé avec un peu plus d’insistance que normalement comment j’allais (je devais malgré tout faire une drôle de tête), mais tout le monde a fait « comme si de rien n'était », et personne ne m’a posé la moindre question sur ce qui s’était passé à Paris, alors que tout le monde était évidemment au courant. Pas un mot, le non-dit général, et c’était bien mieux comme ça. De mon côté, pas question, je l'ai bien compris, de mentionner ne serait-ce qu'un mot de ce qui s'était passé. De toute façon je n'en avais aucune envie. C’est un peu comme ça partout, mais ce que je veux dire, c’est que cette tendance de vouloir sauver les apparences, faire comme si tout allait bien est, je le pense, nettement plus marquée en Grande Bretagne qu’elle ne l’est en France. Tout comme la politesse qui est bien sûr importante en France, comme partout ailleurs, mais ici, c’est une véritable institution. Les traditions, d'ailleurs, sont extrêmement importantes en Grande Bretagne. Certaines sont un peu surprenantes pour nous Français. Ainsi, je n'ai jamais compris pourquoi il fallait absolument manger des fraises pendant le tournoi de Wimbledon. Mais si un jour j'ai la chance d'assister à un match à Wimbledon, s'il faut manger des fraises, eh bien je mangerai des fraises. D'ailleurs, certaines personnes en achètent à ce moment là, même s'ils ne vont pas assister au tournoi de Wimbledon.
S’il est mal vu de critiquer, il est aussi mal vu de se plaindre. De quoi que ce soit. Je n’ai jamais entendu personne se plaindre de ses conditions de travail par exemple. Ronchonner, râler, je n’en parle même pas. Les Français ont la réputation d’être des râleurs, et ici cela agace car les gens ne comprennent pas pourquoi et de quoi les Français se plaignent. Et il faut reconnaître qu’ils ont raison parce que la France est l’un des pays au monde où il fait le mieux vivre, et les Français devraient en prendre davantage conscience. Cependant, il est vrai que le Français va, contrairement au Britannique, réagir plus vivement, protester plus énergiquement lorsque, par exemple, des personnalités politiques cherchent à imposer des réformes bidons. D’une certaine façon, c’est bien de ne pas vouloir se laisser faire, je ne rejette pas le côté un peu « révolutionnaire » des Français, mais de l’autre, cette attitude, lorsqu’elle est appliquée systématiquement et parfois, il faut bien l’admettre, sans discernement, a pour conséquence de bloquer des réformes qui, elles, seraient absolument nécessaires pour faire progresser le pays et lui garder sa compétitivité et son dynamisme (et ainsi garantir à l'avenir le niveau de vie et la qualité des structures sociales).
Humour, positivisme… et excentricité. Au Royaume Uni, mais là je n’apprends rien à personne, on ne se formalisera pas si vous êtes complètement excentrique. Ca ne veut pas dire que tout le monde est excentrique, bien sûr, mais ça n’étonnera ou ne choquera personne si, par exemple, vous roulez dans une benne à ordure (les « skips » comme on les appelle ici) transformée à coup de bricolage du week end en voiture sans toit, je l’ai moi-même vu sur une route, j’ai vu également le Père Noël en personne conduire l’autobus, un adulte déguisé en batman dans la rue, qui vaquait tranquillement à ses occupations, d’autres costumés en personnages de Star Wars, des personnes avec des cheveux de toutes les couleurs ou des coifffures incroyables… J'adore ce genre de trucs mais, je vous l’accorde, on ne fait pas de telles rencontres tous les jours. De même, personne ne se moquera de vous si vous collectionnez les pots de sel et poivre (encore eux), les savonnettes d’hôtel, les pots à lait en forme de vache, les housses de parapluie, les étiquettes de bouteille d’eau, les vis, les clous, les gommes ou les fourchettes à deux dents. Vous avez parfaitement le droit d’être un collectionneur compulsif. Le tout est d’avoir la place d’entreposer votre collection. Je crois d’ailleurs que les collectionneurs sont, en règle générale, plus nombreux au Royaume Uni qu’en France, où on les considèrerait parfois comme de doux dingues.
Voici donc quelques aspects, très rapidement brossés, de la vie en Grande Bretagne vue sous l’angle des rapports humains, du choc culturel des mentalités et de la vie en société. Car c’est bien d’un choc culturel qu’il faut s’attendre en venant ici. C’est tout de même étonnant que deux pays si proches géographiquement montrent de telles différences dans la mentalité de leurs peuples respectifs. Parfois, il me semble même que la Grande Bretagne est carrément l’inverse de la France.
Mais il y a d’autres choses qui sont l’inverse de la France. Tout le monde sait que les voitures roulent de l’autre côté, et que par conséquent on tourne dans l'autre sens dans les carrefours, mais sait-on, par exemple, que les manèges tournent eux aussi dans l’autre sens ? En France, les manèges pour les enfants tournent en effet dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, au Royaume Uni, c’est le contraire. Sait-on que le poivre et le sel sont inversés dans les pots ? En France, le sel est mis dans le pot qui a le plus de trous, et le poivre dans celui qui n’a qu’un seul trou. En Angleterre, « salt » est écrit sur le pot à un seul trou et « pepper » sur le multi-trous. Bon à savoir quand ce n’est pas marqué dessus. Evitez alors de sniffer, comme je l’ai fait, les orifices du pot multi-trous pour vérifier ce qu’il y a dedans. Autre exemple, j'ai vu quelqu'un écrire tout naturellement sur un bout de papier une division dans l’autre sens. Comme si on la regardait dans un miroir. Je ne dis pas que tout le monde fait ainsi, mais ça ne me surprendrait pas. Pour écrire les nombres, (mais là je crois que c’est le monde anglo saxon dans son ensemble qui est concerné) on met une virgule juste après l'unité de mille, alors qu’en France la virgule, ben c’est la virgule, quoi... Il y aurait bien d'autres exemples à donner.
Vivre en Grande Bretagne, il y a vraiment de quoi en perdre son latin…