De la psychopathie, des pirates du Batavia à ceux de Daesh
Ce qui rendit l’histoire du naufrage du Batavia célèbre, ce n’est pas sa perte, ni celle de la moitié de ses passagers, mais les conditions dans lesquels ils périrent, et qui s’apparentent à un thriller tenant à la fois des « dix petits nègres » et d'un film d'épouvante. Comme face aux exactions des djihadistes de "Daesh", c'est l'incrédulité et l'horreur qui nous submergent. La preuve que quels que soient leurs déguisements et leur culture, ce sont les mêmes hommes, et les mécanismes de fonctionnement, liés à la psychopathie, qui sont en marche. Mais l'important n'est-il pas déjà de les reconnaitre et de les nommer ? "
Car mal nommer les choses, comme disait Albert Camus, c'est ajouter au malheur du monde !"
« Tout ce que je fais, disait Jeronimus Cornelisz à quelques amis de confiance, c’est dieu qui le met dans mon cœur ». Il se considérait donc ainsi en perpétuel état de grâce, inspiré et justifié par la transcendance, et s’absolvait ainsi lui même des lois morales et publiques, quelque soient ces agissements. Cette théorie de la toute puissance pouvant aller jusqu’au crime assumé porte un nom : L’antinomisme. http://bit.ly/2dbrT3J
Cornelisz serait sans doute resté un inconnu, se contentant de vivre de son métier d’apothicaire, une situation intéressante qui le plaçait avec de bonnes espérances de fortune à venir, dans la bourgeoisie Hollandaise, en ce début de dix-septième siècle. C’est son amitié avec un peintre reconnu, mais sulfureux, Johaness Torrentiuis http://bit.ly/2cPIM7 qui le familiarisera avec cette hérésie, mais l’incitera ensuite à prendre prudemment le large d’Amsterdam, quand celui-ci sera inquiété par l’inquisition.
Bref historique de la marine marchande en Hollande en 1628 :
A cette époque, la compétition que se livraient Angleterre et les Pays Bas avaient donné un aspect de plus en plus agressif à leur politique commerciale. Leurs compagnies contrôlaient la plupart des marchés d’orient, et la ville d’Amsterdam, devenue le premier entrepôt d’Europe, était aussi grouillante de commerce et de trafic que le port de Venise, deux ou trois siècles plus tôt. La compagnie Hollandaise des indes orientales avait taillé des croupières au Portugal et à l’Espagne, et ses navires , les fameux « retourship » ou « indianman » étaient réputés comme étant les plus sûrs, le plus beaux, les plus gros, les plus rapides de tout le continent européen.
Pour les 17 présidents qui dirigeaient la VOC, cela voulait simplement dire plus de rentabilité, de bénéfices à envisager. Des gens cependant jamais contents des résultats, addictifs déjà au « toujours plus » : Les capitaines étaient conviés à griller les escales qu’ils respectaient encore hier, pour faire souffler leur équipage, afin d'aller toujours plus vite, dans ce monde capitaliste terriblement cynique. On n’hésitera pas à brader la vie de trois hommes pour sauver un tonneau de vinaigre tombé à l'eau !.
Les retours sur investissements étaient aussi prodigieux que pour ceux plus tard qu’on évoquera sous le nom « des sept veuves », ce fameux cartel longtemps maintenu secret des sept plus grandes compagnies pétrolières, aussi opaques que l’or noir. http://bit.ly/2dDvEkg Anciennes pratiques faisant écho aux nouvelles, repeintes à neuf, sur ce vieux rafiot du libéralisme décomplexé... L’avenir est souvent un long passé.
Les routes maritimes étaient des secrets à peine connus de quelques pays, à peine précisés sur des cartes approximatives, secrets qu'on gardait jalousement. On parvenait à déterminer la longitude, mais par contre le calcul de la latitude posait problème. Elle se faisait souvent au jugé, selon l’expérience des capitaines. Ce qui provoquait des catastrophes, surtout passés les « quarantièmes rugissants », au sud de l’Afrique. Il fallait déterminer, après des jours de course sous fort vent favorable, quel était le moment opportun pour remonter vers les indes orientales, et les comptoirs aux épices.
Le naufrage du Batavia, et ce qui s’ensuivit :
Le voyage inaugural du « Batavia » vaisseau amiral de la compagnie, qui partit des Pays Bas le 26 octobre 1628 sera ainsi le dernier. La faute aux difficultés de navigation au large de l’Australie, continent encore inexploré, et à la rencontre du navire sur une barrière de corail. C’était un risque assumé, dans cette course aux profits où il était admis qu’ un bateau sur dix n’acceptait pas son but.
Depuis quatre siècles, de nombreux chercheurs, historiens, archéologues, sociologues et romanciers ont délivré leur part de vérité et d’interrogations sur cette odyssée, qui a passionné surtout les hollandais et les australiens, l'histoire du nauvrage se conjuguant avec les premières traces de colonisation dans ce pays.
Ce n’est qu’en 1960 que fut identifié le véritable lieu du naufrage, dans le groupe d’îles des Wallabi. Il y eut même une réplique du Batavia reconstruite à l’identique, et qui fit mise à l’eau en 1995 au Pays- Bas.
Comment cette affaire fut-elle ressentie par les contemporains ?
Les histoires de mer sont toujours fascinantes. Un bateau voguant sur les gouffres amers ne sera toujours qu’un maelstrom d’hommes divers, soumis à des conditions difficiles. Alors il arrive que les artifices de civilité de la vie courante, surtout en cas de péril, disparaissent corps et biens. Bien des épopées aventureuses choquèrent leurs contemporains quand ils en prirent connaissance, des mois plus tard, tant l’information était longue à parvenir.
Ainsi, en 1840, les anglais refusèrent d’admettre que leurs compatriotes aient pu se résoudre à manger de la chair humaine, lors de l’expédition Franklin. http://bit.ly/2dAW0XJ
Même pour survivre, et même s’il s’agissait de cadavres, il était intolérable et choquant de penser qu’un sujet britannique ait pu s’abandonner à l'anthropophagie comme un « sauvage ».
Quelles que soient les conditions extérieures, il paraissait impensable qu’on puisse abandonner les conventions élémentaires, la raison, la foi, les lois humaines attachées à la religion et aux principes moraux.
Car faire naufrage est une chose, mais massacrer la moitié de l’équipage, et de ses passagers, comprenant femmes et enfants, en est une autre. Et cela de la façon la plus perverse, la plus gratuite, dans un endroit où tous auraient pu être sauvés, ou peu s’en faut. Inutile de dire que l’onde de choc fut terrible, et qu’elle aurait alimenté sans aucun doute les analyses de Montaigne, s’il avait encore vécu. Lui qui modulait les différence qu’on faisait entre « homme civilisé » et « bon sauvage » aurait trouvé matière à ironiser.
Au cœur de l’histoire se trouve donc ce Jeronimus Cornelisz, un homme éduqué, qui s’abrogea les pleins pouvoirs, manipulant les uns et les autres pour assouvir ses besoins de domination. Trois mois d’enfer dans un endroit paradisiaque, qui ne se remit jamais d’ailleurs tout à fait de cette abomination. La colonie d’otaries considérable a par exemple disparu ; mais ce point de vue écologique apparaîtra bien moderne, et secondaire.
La vie sauvage et ses représentants n’étaient que des éléments de décor à exploiter, dans un monde dont on n’avait pas encore défini la cartographie complète. Les grandes prédations d’inspiration coloniales étaient à venir, exploitant des moyens techniques de plus en plus considérables.
Quelques biographes de l’histoire.
On trouvera sans doute le meilleur récit de cette histoire sous la plume de Mike Dash : « L’archipel des hérétiques ». Simon Leys lui rend hommage, dans un court opuscule « Les naufragés du Batavia » .http://bit.ly/2dZMx83 Remettant depuis vingt ans l’écriture du projet à plus tard, il l’abandonnera après avoir pris connaissance du livre de Dash.
Mais à quoi bon répéter la description détaillée des événements, quand d’autres l’ont fait avec bonheur. Le naufrage du Batavia : http://bit.ly/2dBeWDg
(ce lien remarquable est à lire absolument si l’on veut comprendre toutes les méandres de cette histoire)
Le livre de Mike Dash est quasiment exhaustif. Il est vrai que l’histoire se suffit à elle même, et à tous les ingrédients d’un bon thriller historique. Il ne manque même pas, comme dans une production Hollywoodienne, une femme qui fera tourner les cœurs des uns et des autres, et agitera les passions, à son corps défendant. On n’aura pas besoin de l’imagination d’un Alexandre Dumas pour vous faire passer de l’étonnement à l’épouvante.
En ces temps là, et pour quelques siècles, les colonies offraient une seconde chance aux réprouvés, et aux mauvais garçons. Les marins faisaient déjà un équipage cosmopolite, souvent « des gibiers de potence », mais aussi des cadets de famille, souvent très jeunes, et qui escomptaient faire fortune au bout du monde.
Tous savaient combien ce voyage était long et dangereux, et que le risque était grand de ne jamais revoir la mère patrie. L’histoire du Batavia est celle d’une mutinerie qui a échoué, le navire faisant naufrage avant qu’elle ne se fasse, et qu’une partie de l’équipage ne balance tout bonnement les autres à la mer. L’énorme trésor qui était dans les cales avait potentialisé les passions. Les mutins voyaient là la promesse de vivre comme des nababs pour le reste de leurs jours.
En ce sens, le subrécargue, Pesaert, représentant de la compagnie et ayant même le capitaine Jacobsz sous son autorité, aura eu la vie sauve grâce au naufrage. Ils partiront sur une chaloupe chercher des secours, en compagnie de quelques hommes. C’est au au retour, en abordant l’île, qu’il prendra conscience rapidement de l’horreur qui s’était déroulée depuis son départ.
L'île a toujours été un terrain propre à éveiller l'immaginaire, l''esprit de toute puissance et la liberté ; notre époque continue à véhiculer son lot de fantasmes, mais ce que Pesaert trouva ce matin-là n'avait rien à voir avec un épisode de Koh-lanta.
Étrange personnalité que ce Cornelisz : Couard, vantard, mythomane, mais surtout beau parleur et grand manipulateur. Assurément un grand psychopathe, comme on dit de nos jours. Mais mis à part le meurtre raté d’un nourrisson qui lui tapait sur les nerfs, par empoisonnement, et qu’il a fait achever par un autre comparse, il n’a tué directement aucune des 115 victimes recensées, mais a bien planifié ces morts. La surenchère de crimes gratuits finira par devenir si banale qu’elle ne cherchera plus de prétextes, soumise à une sorte de jouissance, et les femmes seront transformées en objets sexuels, pour triompher de l’ennui.
Tous ces événements seront utilisés pour corrompre le groupe et les rendre solidaires les uns des autres, dans la même entreprise criminelle. Un serment d’allégeance écrit sera signé entre les mutins. Les adolescents eux mêmes seront mis à contribution, et participeront à cette débauche sanguinaire, pour ne pas être les prochains sur la liste. Ils envisageaient de devenir pirate, une fois mis la main sur un navire. Ils visaient ainsi celui de leurs sauveurs à venir, qui ne se douteraient pas à qui ils avaient affaire….
Qui pouvait faire de vous un bon, un héros, vous préserver de rester dans le camp du bien ? Comment imaginer d’ailleurs faire de la résistance ? Il fallait du courage, mais aussi de la chance : Celle de ne pas avoir été obligé à participer aux prédations, surtout celle d’avoir été amené lors des premiers jours du naufrage, en compagnie d’une vingtaine d’hommes, sur une autre île voisine. C'est ainsi que naquit l'opposition, autour d'un certain Wiebbe Hayes. Simple matelot de son état, il allait montrer tout son potentiel d’intelligence tactique, et de grandes qualités de charisme et d’anticipation.
Ce sont donc ces deux groupes distants, fortement diminués, s’étant livrés bataille, que les secours trouvèrent à leur retour.
Les mutins furent arrêtés, jugés pour la plus grande partie, et des potences furent dressées sur l’île. Jusqu’au bout Cornelisz, esprit retors et rusé, tenta de s’en sortir, gagnant du temps, reportant la responsabilité sur les autres comparses. Enfin une fois qu’on lui eut coupé les mains, il fut pendu à une gibet, et ses complices voulurent qu’ils soit exécuté avant eux pour être sûrs qu’il ne s’en sortirait pas avant qu’ils ne meurent eux mêmes.
L’antinomisme et les mouvements sectaires à cette époque :
Cornelitz était donc un adepte de cette hérésie religieuse appelé antinomisme. Aucun système religieux n’inspirait une telle terreur aux autorités de l’église. Il est vrai que ces membres se mettaient hors d’atteinte, car illuminés de leur esprit libre.
A ce titre il se mettaient au dessus des lois, et menaçaient l’ordre établi. Mais tous les membres de cette secte ne se livraient pas à la débauche. Certains ne manipulaient ce concept que de façon métaphysique, ou de façon plus ou moins graduée. Il n’en demeure pas loin, que selon l’individu et son cercle de croyants et de prosélytes, cette théorie pouvait se transformer en baril de poudre.
La « Fraternité de l’esprit libre » divisait l’humanité en deux catégories : Les esprits grossiers et les subtils. Ceux qui échouaient à développer en eux le processus divin resteraient des esprits grossiers, au contraire des élus, devenant des dieux vivants. Comme le dit un historien du mouvement : « Chacune de leur impulsion avait pour eux ordre divin. A présent ils pouvaient s’entourer de biens terrestres et vivre dans le luxe, de même qu’ils pouvaient forniquer mentir, voler en toute bonne conscience. Leur conduite extérieure n’avait plus d’importance, puisqu’ils avaient dieu en eux... »
L’antinomisme est issue elle même de l’anabaptisme. Ses idées s’étaient répandues dans les années 1520, sans aucune organisation centralisée. Tous attendaient la venue d’un christ vengeur, et pensaient être les soldats de cette nouvelle croisade. Cette seconde venue divine commencerait par la construction d’une nouvelle Jérusalem, dont il restait à déterminer l’endroit.
Ce fut Münster qui fut choisi, et en 1534, des milliers d’adeptes affluèrent dans cette ville, et parvinrent à en prendre le contrôle. En quelques semaines, tous les opposants furent expulsés ; s’ensuivit un long siège où tous, hommes femmes et enfants, furent exécutés par les mercenaires de l’évêché. Vers la fin du siège, les femmes étant plus nombreuses que les hommes un système de polygamie fut mis en place. Ces groupes abritaient des éléments extrémistes, des déshérités, violents à l’occasion, pour atteindre leurs objectifs une fois ceux-ci fixés. Après la prise de Munster, et celle ratée d’Amsterdam, les autorités avaient donc mis ce courant sectaire au banc, après avoir toléré quelques temps ces gens tout de noir vêtus.
Comparaisons prudentes entre deux mouvements sectaires, d’une époque à l’autre :
A quelques siècles de distance, le parallèle avec le groupe islamique « Daesh » est tentant. Même capacité à interpeller les matelots perdus, dans un monde politique en crise, où les frontières d’hier deviennent floues, sur fond de guerres civiles et de schismes religieux…En 1628, nous sommes au début de la terrible guerre de 30 ans, point d’orgue dans les pays du nord de l’europe des conflits religieux et sectaires, qui plongèrent plusieurs pays européens dans une succession de guerres civiles interminables. De quoi alimenter désespoir, etgueules cassées en tous genres.
Les sergents recruteurs qui enivraient leur équipage en écumant les bistrots des ports, vantant les îles enchanteresses aux ballots, ne faisaient pas autre chose que les mollahs intégristes.
Autre temps, même mœurs : Il suffit de prendre en considération ces largués de la société, de les valoriser d’une façon démagogique, en leur faisant miroiter un autre paradis que ces fortunes d’antan : Promesse de s’éclater dans tous les sens du terme, que ce soit en violant et en s’assassinant, mais aussi de finir comme martyr....Car la mort à cet âge est toujours nimbée d’un romanesque et d’un crédit mythique, et met un terme aux considérations futures anxieuses sur l’avenir... Ainsi quand ils crient « Allah akbar ! », ce n’est souvent pour eux qu’une variation du « No future » punk, nihiliste et provocateur...Car le recrutement est aisé chez les laissés pour compte du capitalisme exacerbé.
A ceci s’ajouteront tous ceux ayant des problèmes dits d’identité, et de reconnaissance, et qui penseront par ce biais rejoué la grande revanche de la colonisation.
C’est ainsi que d’anciennes petites frappes, passent à la dimension supérieure du crime. Comme ce Abdelhamid Abaoud, voleur de portefeuille devenu fossoyeur hilare, et cerveau des attentats de Paris. http://bit.ly/2dA5u2Q
L’avenir est un long passé :
Ils sont là à chaque opportunité de l’histoire, quand reviennent les temps troublés. Ils se faisaient routiers sur les routes du moyen âge, « chauffeurs » http://bit.ly/2dVd2PR s’attaquant comme des meutes de chiens errants à ceux qui avaient le tort de ne pas être assez nombreux pour se défendre.
Le psychopathe agite ses antennes et se rallie aux nouvelles opportunités. Ils veut bien se faire musulman d’opérette sans avoir même lu « l’islam pour les nuls ». Ils se serait fait marxiste en d’autres temps, ou conquistador. Mais il ont laissé la bible au placard, Et puis le capital de Marx, et le petit livre rouge de Mao, pour s’emparer maintenant du coran. Autant de livres qu’ils brandiront mais qu’ils ne liront jamais. L’important n’est pas le flacon, mais l’ivresse.
« Vous partagerez la vie de groupe, ses repas, et accessoirement les femmes qui passent par là, soumises, ou esclaves ! De toute façon c’est vous qui donnez le sens ! Vous êtes le maître, l’élu des dieux, celui qui a la permission de consommer les échantillons avant demain de monter au ciel, pour jouir des 72 vierges alanguies qui vous attendent »….
Le tout sur fond de décor Syrien et d’armée islamique. Forcément, les conversions sont nombreuses, provoquant bien plus de vocations que celles des frères franciscains faisant acte d’humilité et de pauvreté.
Daesh, et ce fond de désert Syrien, c’est donc l’île de la tortue de jadis, ce port de la Jamaïque où les pirates de tous pays se retrouvaient et avaient imposé leur lois, en dehors de tout gouvernement. La couleur noire des drapeaux résonne de la même façon, et appelle les ténèbres. C’est la couleur des fascistes italiens, des SS, de tout ceux qui veulent mettre le vie dans leur linceul. http://bit.ly/2dmCCID
Au niveau chromatique, le noir adsorbe toutes les autres couleurs et les éteint. Ceux qui portent cette couleur en étendard cherchent à créer sidération . De fait, les prêtres de plusieurs religions s’habillent de cette couleur contemplative, cherchant à suggérer le respect et la vie intérieure.
Depuis une vingtaine d’années, la débâcle de certains pays, conséquences des règlements de compte internationaux foireux, a crée des boulevards d’opportunité aux prédateurs. Exactement comme à l’époque de la guerre de trente ans, où la ville allemande de Brandebourg fut prise plusieurs fois, avant d’être et mise totalement à sac par des mercenaires qui massacrèrent la plupart des habitants. L’histoire se répète sur le même mode, prenant appui sur des querelles religieuses et ethniques : Hier la Somalie, aujourd’hui l’Irak, la Syrie, la Libye. L’ombre sinistre de « Jack the ripper », » son crâne et ses deux fémurs croisés, nous offre une image saisissante de l’avenir, alors qu’on la pensait liée à un passé folklorique de vieux galions et d’évêchés se combattant.
Conséquences des mauvaises rencontres :
Le bouche à oreille des copains fonctionnera au moins aussi bien que le prosélytisme insidieux des rabatteurs en capuche infestant les banlieues. « Un copain, c’est bien mieux qu’une blonde », comme disait la chanson…
Combien de tous temps ont répondu à un copain d’enfance avant de rejoindre un groupe, une foule en marche vers je ne sais quelle croisade, ou pogrom. Les foules se grossissent d’éléments étranges, comme les fleuves qui se chargent de boue, et dont le courant parfois vous emporte à votre corps défendant. Le requin est dangereux, mais c’est le minuscule poisson pilote qui lui impose sa direction.
Le mauvais copain de Jeronimus Cornelisz ce fut Johaness Torrentiuis. De cet homme on ne peut guère pourtant le condamner en dehors de ces prises de position hérétiques. Un esprit libre, un fêtard qui payait des coups dans les tavernes d’Amsterdam, et qui proclamait à qui voulait l’entendre qu’il se foutait de dieu et du diable, et que ces fadaises d’enfer et de diable cornu n’existaient pas !
Propos éminemment dangereux en ces temps où le pouvoir de l’église imposait une orthodoxie respectueuse. A trop chercher les limites, il ne tarda pas à se brûler les ailes ainsi que les pinceaux ! Car ce peintre très doué qui peignait à la manière de Rubens, il ne nous est pratiquement rien resté, sa production ayant été gâchée par les emprisonnements, voire les tortures qu’il dut supporter et qui le menèrent ensuite à l’exil en Angleterre..
Son tableau le plus célèbre (et a priori le seul à lui avoir survécu par miracle après la destruction de toute sa production hollandaise sur ordre de la justice après sa condamnation pour hérésie et immoralité). Intitulé ironiquement "Nature morte avec bride et mors", il est conservé au Rijksmusum d'Amsterdam . On peut simplement regretter que Torrentius ne soit pas « bridé » lui-même.
A delà du bien et du mal :
Mais peut on lui imputer la responsabilité des horreurs faites par Cornelisz ? Quelle est la genèse du mal ? C’est vrai qu’il y a une folie raisonnante qui passe parfois d’un criminel à l’autre, comme un courant électrique, et que l’incitation à la transgression n’est pas anodine.
" De sang froid "le livre majeur de Truman Capote, se développe sur un fait divers, et interroge sur le parcours de deux psychopathes, Il semble qu’aucun des deux criminels qui ont exécuté gratuitement, une famille entière en 1959 dans un coin paumé du Kansas ne l’aurait fait, sans l’entraînement de l’autre. http://bit.ly/2dGivGN
Il y a bien cet effet de groupe qui met la violence en scénario, l’installe sur des rails dans un projet qu’il est très difficile de contrecarrer, sous peine d’être taxé de lâche. Bien avant Truman Capote, Levin Meyer, dans « Crime » à peint en direct et en tant que journaliste la genèse et la dynamique d’un enlèvement, suivi d’un meurtre, à ceci près que les deux protagonistes étaient cette fois ci des fils de bourgeois, et non deux paumés http://bit.ly/2dTiumu
« Outside Valentine » écrit par la petite fille d’une des victimes d’une autre affaire criminelle, road movie sanglant fait par deux adolescents destructurés, est un petit bijou de tentative de compréhension du phénomène, où la grande capacité de résilience de l’auteur, Liza Ward en fait un témoignage bouleversant d'humanité. Un pur chef d’œuvre ! http://bit.ly/2e0icq3
Les criminels en bande sont en représentation les uns par rapport aux autres, jouent leur passage à l’acte en avant première, dans leur tête, avant qu’il ne les enchaîne ensemble dans le réel.
C’est un composant essentiel des crimes de masse, une théâtralisation où la mort finit par sembler banale, jouissive. On l’a vu aussi se développer à la puissance industrielle dans les einsatzgruppen, ces commandos nazis chargés d’exécution de masse sur le front de l’est….Soucieux au début, si l’on peut dire ainsi, d’un semblant de jugement et de protocole, tout basculera rapidement dans la boucherie la plus barbare. Une fois le cadre moral tombé, il semble bien que rapidement les conventions humaines n’aient aucun sens pour les bourreaux, qui se sont affranchis ainsi de l’humanité.
Les sinistres guignols de l’armée islamique ne font pas autre chose que de tenter d’investir les recoins les plus sombres de l’être, pour tétaniser les uns, et fasciner les autres par leur petit commerce de la mort et du viol. On se doute qu’ils attirent plus certains types de grosses mouches que les papillons.
Arrêtons là, On parle de choses et d’autres dans une taverne un soir, de façon sulfureuse, un peu à la façon d’Oscar Wide ; mais le type en face de vous a une faille en lui qui ne demande que de s'aggrandir. Il s’appelle Cornelisz, ou Kouachi, ou Mohamed Lahouaiej Bouhlel, vous savez, ce type qui a tué 86 personnes à Nice. Il vous regarde d’une façon étrange, et déjà un scénario commence à s’élaborer dans son esprit…. Il n’est pas fou mais c’est un monstre en puissance !
Pour le moment, c'est encore un employé modèle, et le voisin vous dira plus tard : « Oh, un monsieur très gentil ! Jamais un mot plus haut que l'autre ! Qui aurait pu se douter de ces choses ! »
Genèse de la psychopathie :
La psychopathie existe-t-elle d’emblée, résulte t'elle d'une vulnérabilité, d'un manque d'affects dans l'éducation ?
Peut-on considérer que certains psychopathes sont plus ou moins « dormants », comme le sont les agents secrets des romans, et que leur passage à l’acte se fera au moment de la rencontre avec d’autres éléments, d’autres facteurs agissant comme des révélateurs ? Y a-t-il une fabrique particulière des psychopathes, un certain type de société et d'échanges y travaillant ?...La querelle entre innée et acquis est là aussi de mise. Reste que la psychopathie, appellée parfois dans ces formes mineures "état limite" n'est pas une maladie psychiatrique, mais un type particulier de personnalité, qui ne gomme absolument pas la responsabilité pleine et entière des individus.
Francis Ford Coppola réalisa Apocalypse now, en transposant au Vietnam en guerre, un récit maritime de Joseph Conrad. « Au cœur des ténèbres »http://bit.ly/2dThfUh ;
Joan Riel écrira lui aussi « la faille » http://bit.ly/2dTjc une histoire assez similaire : Un blanc, homme cultivé et avenant, perd pied dans un territoire exotique, une jungle fermée à la civilisation occidentale. Sombrant dans la paranoïa et la mégalomanie, il se livrera à maintes exactions sur la population locale..
Peut-être au fond une des plus vieilles histoires du monde. Comment ne pas penser aussi à ce chef d’œuvre écrit par Kipling : « L’homme qui voulut être roi » et que John Houston a admirablement traduit au cinéma…http://bit.ly/2dyKRnW
Mais si elle nourrit l’imaginaire des romanciers, c’est que cette dynamique est bien vivace, et que les Cortez cherchant l’eldorado recrutent maintenant en banlieue parisienne leurs équipe de soudards.
A contrario de Kurtz, personnage ténébreux du « Cœur des ténèbres », Conrad dépeindra une personnalité tourmentée mais lumineuse dans son beau roman « Lord Jim ». Ce capitaine, traînant une culpabilité écrasante depuis qu’il a abandonné un navire en perdition, cherchera par tous les moyens à s’absoudre de ce crime, et cela jusqu’à y laisser sa vie.
Lord Jim, personnage empathique, émotif, sincère, sensible à la souffrance des autres, a toutes ces qualités qui manquent justement aux psychopathes.. Ils n’aiment qu’eux mêmes, et jouissent de leur pouvoir dans la souffrance qu’ils infligent. Privés de possibilté d'empathie, ils sont infirmes à l'émotion des autres. C'est un boulevard ouvert à la perversion, au sadisme. La culpabilité leur est totalement étrangère.
Fiéffés manipulateurs, ils tenteront de se transformer en "monsieur tout le monde" s'ils sont pris la main dans le sac, préférant se décrire comme de simples rouages d'une machine qui les dépasse. Annah Arendt ne se fera-t-elle pas avoir, au procés de Tel-Aviv, en 61, quand Eichmann lui rendra en copié-collé l'image d'un simple éxécutant, propre à illustrer sa théorie de "la banalité du mal" http://bit.ly/2d4iF8w ?
Reste que le concept d'Arendt est intéressant, mais il aurait été sans doute plus pertinent de l'ajuster à la dynamqiue de gens vraiment ordinaires, et non à un responsable nazi, un type qui avait rallié le parti dés 1932, et qui fut promulgateur de la "solution finale". Rien donc d'un type banal....
Philpp Kerr, écrivain de romans policiers, auteur de la "trilogie Berlinoise" flirte avec ces zones grises, où vous pouvez vous trouver à votre corps défendant plongé dans un système que vous réprouvez.
Ainsi, son héros Bernie Gunther, inspecteur de police de son état, se voit incorporé de force dans l'appareil nazi, obligé de porter le sinistre uniforme d'officier SS, et de transiger pour survivre. http://bit.ly/2dGATzW .
Sa promiscuité avec les grands criminels du troisième reich, et celle des laches ordinaires, le familiarise avec ce monde en décomposition culturelle, où l'horreur finit par être si banalisée, qu'elle finit par dégrader l'image qu'il a de lui-même.
Autant de traits psychologiques que les psychopathes ignorent... Leur structure mentale les prive d'état d'âme de ce type. S'ils sont intelligents et calculateurs, tissant leurs toiles d'araignées pour parvenir à leurs fins, leur haute opinion d’eux mêmes les rend aveugles aux compétences des autres, qu’ils méprisent.
Ainsi leur paranoïa est leur force, mais aussi leur talon d'achille. C’est ainsi que Cornelisz ne verra pas les qualités évidentes de Wiebbe Hayes, ce simple matelot, qui le mettra en échec, et passera à la postérité en héros, et se verra promu officier..
Nous voilà bien loin de l’épave du Batavia, mais si près du mal, et du bien. L’épave gît à quelques mètres de fond, près d’un récif de coraux, et ce n’est pas qu’une image. La mer, l’éloignement, les risques liés à cette aventure humaine étrange, catalysent les passions. C’est pour ça que les récits maritimes sont étonnants, et nous renvoient, à la limite du fantastique, aux portes de l’inconscient collectif, aux mythes, aux questions fondamenales, et à la liberté de choix et d'action, comme Ulysse en mer Egée.
Dans la découverte des moments graves, l’histoire vous demande de choisir votre camp. En tant que passager du Batavia, quelle île aurait été la nôtre ?. Aurions-nous accepté de nous soumette à Cornelisz, ou tenté de fuir pour rejoindre l’ile du caporal Hayes ?…
L'un donnera la primière giflle, l'autre un coup de poing. Et puis un autre approchera avec un couteau, ou avec un briquet, alors que vous serez à terre... Voilà la dynamique du lynchage, ou comment une foule devient psychopathique. Fritz Lang réalisera un excellent film sur ce sujet en 1936 ( Furie), mais les derniers évenements de Viry-Chatillon, avec ces policiers incendiés dans leur voiture, semblent appartenir au même processus criminel. Toutes les îles ne sont pas maritimes...
Jean Telé dans "Mangez-le si vous voulez" reviendra dans un petit roman historique sur la dynamique meurtrière qui s'est emparé de tout un village du sud de la france, il y a 150 ans, et qui s'est fini dans un festin anthropophagique hallucinant. http://bit.ly/2dR0CXM
Ce sont parfois des terrains d’affinité et de complicité qui déterminent des choix cruciaux. Une prise de parole ridicule, l'envie de provoquer, de faire le malin, peut vous enferrer dans un camp, si vous n’avez pas le courage de faire machine arrière. C’est ce qui est arrivé à ce pauvre peintre. Vous savez, le mauvais génie de Cornelisz : Johaness Torrentiuis, ce braillard qui disait tout et n’importe quoi dans les tavernes d’Amsterdam. Une bière, ça va....
De même Eric Zemmour, maître à penser infatué de lui-même, qui vient de faire tristement parler de lui en déclarant que les djihadistes du groupe islamique méritent le respect. Sans doute avait-il oublié qu'il n'était pas au café du commerce…. http://bit.ly/2ecUn13
Il risque bien d'avoir des comptes à rendre. Une chance pour lui : Les tribunaux d’inquisition et leur méthode d’investigation particulière n’existent plus. Du moins dans notre pays. Peut-être considèrerait-il que la torture est respectable, même en y mettant soumis... http://huff.to/2dBUdyX
Quelques références :
Des récits de mer drôles, jubilatoires, historiques, romanesques, un pot pourri loin du "pot au noir" pour mettre le cap vers les îles enchanteresses. inutile de parler de Moby Dick, le chef d'oeuvre de Melville, quoique….. Juste quelques titres qui me viennent en tête, de quoi ne pas voir passer une nuit de quart, au risque de vous précipiter sur les rochers, tant vous serez absorbé.
- Magellan, de Stefan Zweig http://bit.ly/2cXVdyg
- Mémoires d’un gentilhomme corsaire, de sir John Trelawney http://bit.ly/2d9w2ri
- Les passagers anglais, de Mathew Kneale http://bit.ly/2cXVdyg
- L’ile des perroquets, de Robert Margerie http://bit.ly/2dLy2XV