Encore une louche ?
Pourquoi veut-on tuer nos paysans ? Je ne vous donnerai pas la réponse car cette question est une douleur, incompréhension et sidération mêlées.
Je vous ai parlé, il y a peu, d’un éleveur, bio, politisé et qui a dû titiller la conscience de quelques-uns au point qu’ils n’aient pas l’intention de le laisser vivre libre et tranquille...ayant entraîné la mort sans intention de la donner !
Aujourd’hui, c’est un éleveur de vaches aussi, qui a été condamné pour bruits et odeurs, suite à une plainte de son voisin, à 14000 euros d’amendes et cessation d’activité immédiate sous peine d’un bonus de 500 euros par jour ! Je vous donne l’article en fin de page.
Vous savez, le gus qui a sa maison de lotissement à côté d’une usine chimique, ou près de la gare de triage, ou simplement sous les câbles d’une ligne à haute tension, il pourra toujours courir pour obtenir quel dédommagement que ce soit ; les journalistes sont très polis, ils respectent la pudeur des gens mis en cause dans une affaire, de l’un on sait qu’il est paysan et l’était bien avant l’arrivée de l’autre, mais de l’autre, nous ne savons rien. Moi, ça m’intéresse de savoir qui il est et je crois ne pas me tromper si j’imagine qu’il a des accointances avec la Justice, ou la politique ; il ne doit pas être assez plein aux as pour impressionner la Justice, quand on est plein aux as on ne vient pas construire sa villa à côté d’une exploitation agricole, surtout si on n’aime pas les mouches, car les mouches font partie de la plainte.
Ça me rappelle des parisiens qui avaient acheté une maison sur la place de l’horloge, au village, mais qui ne supportaient pas de l’entendre sonner toutes les heures ! Ils ont réussi à lui faire rabattre son caquet, c’est vrai qu’il n’y avait plus grand monde en plaine pour avoir besoin d’entendre sonner midi !
J’habitais un hameau, jadis, en Cévennes où, à part nous et des voisins en aval, il y avait deux éleveurs de chèvres dont la bergerie donnait sur la place du village. L’un balançait ce qu’il fallait de grésil sur les murs pour estourbir tout volatile, mais l’autre, Jeanne qui n’avait plus que six chèvres, ne le faisait pas. C’est vrai que j’en ai fait des safaris mouches dans ma cuisine, j’en nourrissais les araignées dont la rapidité à attraper la bête morte que je lançais dans sa toile, me laissais pantoise, mais enfin, j’habitais en Cévennes, et personne ne m’y avait contrainte. Cela m’a assez marquée pour que j’en fasse un article, ici, il y a longtemps !
Mais enfin je doute que cet éleveur, - on ne dit pas de quel bord il est, mais quand vous aurez vu la photo vous penserez comme moi sûrement, que son exploitation est plus FNSEA que Conf’ ! - ne devait pas lésiner sur les produits toxiques.
Les tracteurs font du bruit, c’est vrai, les paysans n’ont pas de dimanche, c’est vrai, ils ne commencent pas le turbin à neuf heures, c’est vrai, mais s’ils travaillaient avec des chevaux, il y aurait encore plus de mouches. Les coqs chantent tôt, à la ferme ; je pense qu’on devrait tous les châtrer pour qu’ils ne dérangent point le citadin fourbu dont le travail est si essentiel à la vie, et puis, le chapon, c’est bon ; pour la reproduction il suffirait de quelques laboratoires où l’on extrairait le sperme du braillard. L’insémination artificielle, ça se fait beaucoup aujourd’hui, pour toutes les bêtes, même pour l’humain dorénavant ; c’est propre, c’est sûr et ça évite les gesticulations.
Le citadin, ce bâtard sorti d’on ne sait où puisqu’il n’a plus de mémoire, aime boire le lait des vaches d’usine et manger la viande de leurs rejetons, à condition qu’ils ne sortent pas au pré dès potron-minet, mais restent sagement encagés. Les pesticides de leur nourriture, les hormones et autres antibiotiques pour leur santé, ne le dérangent pas, c’est sans odeur et sans bruit.
C’est le premier point, les citadins veulent la campagne, sans la campagne.
Le deuxième, qui n’est pas moins sidérant, est qu’un magistrat condamne un paysan à cesser ses activités, c’est-à-dire, non seulement être privé de son gagne pain mais ne plus produire notre nourriture, pour le confort qu’un voisin veut avoir chez lui, chez lui ne s’arrêtant pas aux limites de son terrain. Un chez lui qu’il a choisi en connaissance de cause, le paysan étant là depuis plusieurs générations.
Alors, quand je lis ça, quand j’apprends ça,- j’ignorais qu’un paysan rétif aux ordres méritât la mort ou qu’un paysan méritât la ruine pour des raisons propres à son activité, à sa liberté de la mener comme bon lui semble ou à la contrainte d’horaires ou de désagréments qui lui sont inhérents -, je ne m’offusque plus des prérogatives que s’arrogent les puissants ni de leurs abus de pouvoir, les uns procédant des autres. Vous me direz, ces gens-là ne sont pas majoritaires, mais on leur donne raison et leurs nuisances deviennent sans limites.
Alors que le beau peuple de France laisse faire ça ou qu’il laisse macaron payer sa meuf qui le vaut bien, qu’il le laisse continuer ou peut-être entreprendre des guerres sans en donner les moyens à l’armée, qu’il ait laissé un autre assassiner Kadhafi et mettre à sac son pays, pour moi c’est du pareil au même : il laisse faire, parce qu’il est comme ça, dans sa majorité, dont on sait tous qu’elle a le pouvoir de nuisance maximale. Il faut que sa télé marche et que son téléphone mobile capte dans tous les recoins du territoire, sinon, ce sera la révolte.
Ce matin, au supermarché du bourg, il y avait un monde fou, la voiture devant moi était à l’arrêt, de travers, et attendait qu’un piéton atteigne son véhicule, y range ses courses, attache sa ceinture, se retourne pour voir si rien ne se renverserait, mette en route son moteur, et au bout d’une vraie grosse minute d’immobilité, amorce une marche arrière. J’étais derrière, hésitant à prendre l’allée en sens inverse mais des voitures arrivaient derrière moi et bloquaient la circulation sur la route ! Je m’engageai donc à rebrousse poil, me serrant pour laisser passer le sortant prioritaire ! Il n’y avait plus de place nulle part ; à la caisse, après dix bonnes minutes d’attente sans agacement puisque tout roulait au mieux, c’est la première fois que j’ai vu en ce lieu qu’on ne laisse pas passer un mec avec juste un pack de bières dans les bras.
Faites gaffe les citadins, vous ne savez plus vivre, vous n’avez plus de regard et même en vacance il vous manque cette petite attention à l’autre, devant, derrière, alors qu’il ne faut pas grand-chose de « sacrifice » pour donner de la fluidité aux mouvements, ce rien d’harmonie qui change tout.
Je ne sais pas comment ce paysan vit son histoire, cela n’intéresse pas assez pour qu’on l’évoque, mais je sais comme je la vivrais, et finalement, on ne nous raconte jamais pourquoi les paysans se suicident.
Et puis vous apprendrez, en toute fin d’article, qu’une mare a dû être comblée à cause du bruit qu’y faisaient les grenouilles.
Les cigales ont fait un bruit d’enfer cet été si chaud, au fond, mettre le feu aux forêts est un moyen de les arrêter net.