Grandeur et misère de la politique
L’Europe occidentale, continent vieillissant et pas seulement par sa moyenne d’âge mais surtout dans sa tête, n’en finit pas de regarder son nombril en y cherchant les restes de sa splendeur passée.
Et dans cette Europe affaiblie et qui fait plus pitié qu’envie, la France semble cumuler en les amplifiant les tares qui minent son rayonnement.
Sa classe politique est pétrie, à de rares exceptions près, d’une argile de bien moindre qualité que celle qui façonna les grands visionnaires du passé sans compter les bâtisseurs d’empire ; la pâte est fragile, devenue inconsistante, le liant manque qui mobilise la nation autour d’un projet.
C’est peu dire que les hommes politiques d’aujourd’hui n’ont pas la grandeur de leurs aînés.
Les héritiers de Déroulède ont démodé les Jaurès et De Gaulle.
Zemmour se prend pour Maurras alors qu’il ne vient même pas à la cheville de Drumont.
Ils déroulent inlassablement les psaumes de leur immuable catéchisme auquel on n’est d’ailleurs pas sûrs qu’ils croient eux-mêmes, seule l'art de la vocalise permet de les distinguer et tous font au pouvoir ce que la ploutocratie attend d’eux.
Sans vouloir les rabaisser encore davantage qu’ils ne s’abaissent eux-mêmes, leur éloquence de braillards de café du Commerce est à la rhétorique ce que la caricature est au portrait, elle leur ressemble en accentuant leurs défauts.
Aussi bien, conscients ou inconscients de leurs insuffisances, sont-ils enclins au cabotinage de bas étage en étalant avec un ton docte de savant une expertise de toc.
Ils déboulent, pleins de fausses certitudes, en ces temps incertains et prêchent la soumission au système en invoquant un océan de données statistiques où se noient les profanes mais dont le flux est destiné à persuader ces derniers qu'une loi immanente ( la main invisible ) rend toute alternative impossible.
Dans quelques domaines ( hors champ économique ) que le système daigne abandonner à leurs vaines ratiocinations, ils ont toute liberté de développer leur soif d’outrances et de démesure pour se faire applaudir par les gogos abusés.
« Contentez-vous d’une pseudo-alternance, messeigneurs, et dormez en paix, c’est plus qu’il n’en faut pour votre confort …
Et le plus affligeant dans tout cela, c’est qu’ils paraissent plébiscités sur leur seule bonne mine avec leur discours creux qui revendique l’apparence du parler vrai comme on s’affuble d’un masque de carnaval !
C’est un peu comme si pour être audible dans l’opinion ( décérébrée par les médias ) il fallait paradoxalement se mettre hors de portée de l’entendement de l’individu en particulier par une avalanche de chiffres présentés comme factuels mais qui requerraient des bataillons d’experts pour être validés et ne le sont par conséquent jamais.
L’intelligence voudrait que les épreuves et les crises alimentassent le creuset des opportunités et fussent le moteur de l’action politique, réalisant la synthèse de l’audace appuyée sur une sûreté de jugement et non sur des réflexes pavloviens induits par le vacarme des braillards.
C’est nécessairement ce qui arrivera un jour, l’histoire est éloquente à cet égard, la France se relèvera plus forte mais de savoir quand et comment et en passant par quelle stade de la déréliction relève de l'art divinatoire.
Pas dans l’immédiat en tout cas surtout maintenant que la peur est devenue un argument politique grâce auquel peut s’épanouir cette absence de créativité qui est la marque du politicien véreux ( dans l’acception de « rongé par le ver des ambitions personnelles » ) qui préfère invectiver la réalité qui déplaît ou est censée déplaire à son électorat plutôt que d’écrire une nouvelle page d’histoire en partant de ce qui existe et que les rodomontades n’effaceront pas d’un trait de plume même si les tartarinades plaisent aux naïfs.
On ne construit pas l’avenir en insultant le présent.
Ce n’est certes pas d’experts auto-proclamés dont on a besoin, vous secouez l’arbre - qui n’est pas celui de la connaissance mais de la reconnaissance médiatique - et il en pleut à torrent, mais de personnes capables et surtout désireuses ( jusqu’au sacrifice de leur confort personnel s’il y a lieu ) de porter un projet politique et de déployer toute leur éloquence pour convaincre une population qui ne demanderait pourtant qu’à s’enflammer sur autre chose que des extravagances vestimentaires mais pour de grandes causes mais à qui certains préfèrent pour l'heure offrir les jeux du cirque avec dans l’arène une communauté donnée en pâture aux bêtes sauvages.