mardi 13 décembre 2016 - par Franck ABED

Jean-Yves DUFOUR par Franck ABED

Franck ABED : Bonjour. Quel fut l’événement le plus marquant de l’année 2016 pour la France ?

Jean-Yves DUFOUR : Bonjour Franck, merci de me donner à nouveau la parole.

Comme le roi anglais George III qui avait noté dans son journal que rien d’important ne s’était passé le 4 juillet 1776, car il ignorait encore que les colonies britanniques nord-américaines venaient de déclarer leur indépendance, je ne pense pas spontanément à un événement qui ait vraiment marqué l’année 2016. C’est grave parce que cela signifie que la France s’efface progressivement mais silencieusement, que nous nous habituons au marasme, comme au terrorisme, avec ces dizaines de personnes fauchées sur la promenade des Anglais à Nice alors qu’elles assistaient au traditionel feu d’artifices le soir de la fête nationale. Les Français, peuple tranquille qui aime la bonne vie, sont désespérés, au sens médical du terme, par les effets dévastateurs du mondialisme sur leur environnement.

Franck ABED : Le peuple américain s’est donné un nouveau président en la personne de Donald Trump. Que vous inspire cette élection ? Est-ce que cela peut influencer le cours des choses en vue de la présidentielle de 2017 ?

Jean-Yves DUFOUR : Je considère que l’élection de Donald Trump est une divine surprise. Premièrement, c’est la défaite de tout le système politico-médiatique, celui de l’alliance des gauchistes démocrates avec les néo-conservateurs républicains et des médias à leur service. Deuxièmement, c’est la fin d’un certain impérialisme états-unien, qui va abandonner ses prétentions hégémoniques extérieures pour se recentrer sur ses problèmes intérieurs, qui sont nombreux et graves : l’Amérique également connaît la misère, les délocalisations, la désindustrialisation, le chômage, l’endettement, l’invasion migratoire… Pour la France et pour le monde, c’est une chance : Trump souhaite favoriser la paix et renouer des alliances, notamment avec la Russie, dans l’objectif d’un monde multipolaire, arrêter le financement des islamistes, mettre fin au traité transatlantique et même dompter la FED.

Cette élection peut avoir de l’influence en vue de l’élection présidentielle de 2017. Le franc-parler de Trump doit faire des émules. Le fait qu’une grande puissance applique un programme de droite, pro-vie, doit décomplexer les hommes politiques français qui partagent ces convictions mais ont encore peur de les revendiquer haut et fort à cause du terorisme intellectuel de la gauche. Au niveau européen, la France aura moins de scrupules à remettre en cause l’Union européenne, grâce au soutien de Trump au Brexit et à son champion Nigel Farage.

Franck ABED : Différents acteurs et observateurs de la vie politique française estiment que le Front National a de grandes chances de se retrouver au deuxième tour de l’élection présidentielle en 2017. Pensez-vous que cette analyse soit juste ? En admettant que oui, est-il possible que Marine Le Pen devienne le futur président de la République ?

Jean-Yves DUFOUR : Tout est ouvert. S’il y a une chose que les électeurs ont prouvée ces derniers mois, c’est que rien n’est jamais joué d’avance : le Brexit, la candidature de Trump, puis son élection, la victoire de Fillon à la primaire de la droite et du centre alors que Juppé était largement favori... J’espère que Marine Le Pen sera élue en 2017, c’est possible même si c’est encore assez improbable pour le moment. C’est une chance historique à saisir, à condition de rassembler les Français.

Je pense que le slogan « ni gauche ni droite » doit être remplacé par « et gauche et droite », c’est-à-dire une synthèse à la fois anticollectiviste et anticapitaliste (au contraire des mondialistes qui cumulent les pires aspects de la gauche et de la droite), ce que l’on appelle depuis des décennies la ‘troisième voie’ : protectionnisme, égalité sociale et fiscale, réenracinement (rééquilibrage du territoire, instruction publique digne de ce nom, défense de l’agriculture locale comme de la culture, démocratie locale, refus du tout-marchand…), ce qui ne peut se faire qu’en limitant drastiquement l’immigration, en pratiquant la tolérance zéro pour les délinquants et en reprenant tous les pans de souveraineté confisqués par les organismes internationaux et supranationaux.

Franck ABED : Beaucoup parlent de tripolarisation de la vie politique avec le PS, LR et le FN. Ne faudrait-il pas plutôt parler de quadri-polarisation de la vie politique française avec tous les abstentionnistes qui ne se reconnaissent dans aucun parti officiel du système ?

Jean-Yves DUFOUR : Les abstentionnistes sont plus nombreux que les votants, c’est vrai, mais cela ne signifie pas qu’ils forment un parti. Il existe déjà beaucoup de raisons différentes de voter pour un parti, et plus encore de ne pas voter. Les abstentionnistes sont des sceptiques ou des déçus de la politique, mais il faut bien qu’ils comprennent que le système se moque d’être soutenu par une poignée seulement d’électeurs. Il faut sortir de ce romantisme anarchiste et voter pour choisir le candidat le moins pire et faire battre les plus corrompus et incompétents. On dit que les absents ont toujours tort, et ne pas choisir c’est laisser les autres imposer leurs choix. Chaque voix compte, et si les sceptiques avaient cru aux sondages qui donnaient l’échec du Brexit et Trump à 1% au début de la primaire républicaine s’étaient abstenus, ces événements n’auraient pas eu lieu. Ce que je dis ne signifie pas idolâtrer les élections. Mais tous les moyens doivent être utilisés pour faire entendre notre volonté.

Franck ABED : Ces dernières années les sujets politiques ont souvent été les mêmes : immigration, terrorisme, islam, Union Européenne, insécurité, chômage. Plus personne n’évoque la Francophonie. Comment l’expliquez-vous ?

Jean-Yves DUFOUR : Je ne trouve pas qu’on parle tant que ça de l’UE, et je le regrette. Pour le reste, en effet, ce sont les sujets de la vie quotidienne qui sont rabâchés, car comme je le disais au début de l’entretien, le mondialisme a détruit la vie des gens, et le chômeur ou le travailleur en sursis ne peut pas se promener cinq minutes sans croiser des délinquants, des vêtements exotiques, des signes ostentatoires de l’islamisme… D’ailleurs l’ensemble du décor est terne et enlaidi : pollution sonore, visuelle (publicité, allogènes aux trognes patibulaires, dégradations, éoliennes, autoroutes…), électro-magnétique, atmosphérique… Les hommes sont progressivement remplacés par des machines et des robots. De ce fait, la politique à long terme que représentent la culture et la diplomatie sont absentes des préoccupations immédiates, et c’est dramatique, comme le montre encore une étude comparative internationale récente qui acte l’effondrement du niveau scolaire en France, toutes disciplines confondues, malgré l’énorme budget consacré. La francophonie disparaît ainsi peu à peu, remplacée à la fois par un sous-anglais ‘globish’ et des patois étrangers, à la fois dans les écoles, dans les médias, dans les entreprises et dans la rue.

Franck ABED : Pourriez-vous nous présenter votre dernier livre ?

Jean-Yves DUFOUR : Après ‘La France face au mondialisme’ (2011) qui développait les concepts de souverainisme, d’européisme et de mondialisme, et ‘Résistance et Tradition’ (2013), qui revenait sur les paradigmes traditionaliste et moderniste, j’ai écrit un roman, ‘L’ombre au sommet’, qui vient d’être publié aux éditions helvétiques Bibracte (ville où Vercingétorix fut désigné chef des tribus gauloises).

Il s’agit d’un roman politique initiatique qui mêle réflexions, dialogues et action, dont le thème de fond, relativement bien développé, est l’ingénierie sociale. Sur la forme, j’avais l’ambition de croiser ‘Petit frère’ d’Eric Zemmour, pour les nombreuses discussions politiques, et ‘Christine’ de Stephen King, pour ce qui est de l’évolution psychologique du héros. Sur le fond, l’histoire peut rappeler ‘Oliganarchy’ de Lucien Cerise ou les romans d’anticipation d’Antoine Bello, mais reste totalement originale et personnelle. Aux lecteurs de juger !

 

Propos recueillis le 2 décembre 2016




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