vendredi 20 janvier 2017 - par

L’Avenir de la culture

Je suis toujours très agacé quand j'entends le chœur des pleureuses déplorer le manque de culture des jeunes, leur peu d'appétence pour la littérature et les arts. Car ce sont ces mêmes pleureuses qui n'ont pas su transmettre quoi que ce soit en ce domaine à leurs enfants et petits enfants. La plupart n'ont d'ailleurs pas de bibliothèques chez eux ou sinon quelques « ouvrages de table basse » faisant « bien » quand il y a des invités, et ne vont pas plus au concert ou au théâtre que leur progéniture.

 

Lorsqu'on leur en fait la remarque, leur premier réflexe est d'incriminer bien vite l'école et l'Éducation Nationale, aux enseignants si mal formés, aux différentes réformes. Ce serait la faute à leurs professeurs qui ne les aimaient pas, qui ne les comprenaient pas, les pôvres...

 

Comme si la culture ne s'apprenait que dans une classe, comme si elle ne devait naître qu'un apprentissage fastidieux. On ne sait d'ailleurs plus très bien définir la culture, on pense souvent que chacun a sa propre « culture » selon ses propres critères alors que celle-ci n'a rien de relatif. On est cultivé ou pas, c'est une réalité -cruelle pour certains.

Mais qui les empêchait finalement de faire cette démarche vers la culture par eux-même s'ils ressentaient un tel manque, une telle carence intellectuelle ? Il y a des bibliothèques gratuites par dizaines en France, et il existe encore un grand nombre de librairies même si depuis quelques années leur nombre diminue de façon inquiétante. Il suffit de remonter la rue de Rennes à Paris, ou le boulevard saint Michel pour s'en convaincre. Il y a trente ans, on trouvait une librairie tous les vingt mètres sur tous les sujets, dorénavant dominent les grandes enseignes commerciales : la FNAC et Gibert...

 

Le fait est que dans l'absolu les pleureuses ont raison au moins sur un point. Les plus jeunes ne lisent plus, y compris des livres sur écran, mais également leurs aînés. La culture en général, assimilée à la culture exclusivement littéraire, est devenue en France en 2017 un sacré handicap. La signification du mot est battue en brèche, ce que certains appellent « l'école de la vie » vaudrait largement la culture qui ne serait qu'une lubie de riches vaniteux, une manie de privilégiés prétentieux. Les personnes cultivées seraient vaniteuses alors que les ignorants seraient tellement simples, modestes, humbles

 

(NB : un enfant de quatre ans sait qu'affirmer « je suis modeste » c'est ne pas l'être du tout, eux non. Cela me surprend toujours).

 

Ce sont quelques uns des alibis communs que les ignares se sont trouvés afin de justifier leur inculture. Car curieusement, si être cultivé, un « intello », est devenu apparemment une telle tare abominable, ne pas l'être engendre bien des complexes grands comme la Tour Eiffel chez ceux n'en bénéficiant pas. Il faut avouer que l'importance de la culture leur est impossible à saisir dans une société quantifiant tout, mettant tout en statistiques, y compris l'être humain maintenant réifié. L'autre souci est que leur utilisation forcenée de « Google » et, ou « Wikipédia » leur donne l'illusion de maîtriser le savoir en y ayant accès d'un « clic ». Pourquoi se fatiguer à retenir quoi que ce soit de soi-même ?

 

Nous vivons déjà dans le monde de « Fahrenheit 451 » imaginé par Ray Bradbury. Les gens s'abrutissent volontairement dés le réveil grâce à des appareils électroniques matraquant de la musique pré-digérée, pré-mâchée, pré-déféquée, au kilomètre, avec des kilomètres de publicité. Il n'y a même pas besoin de brûler les livres les individus se chargeant tous seuls de les jeter à la poubelle, de les mettre au pilon. Ils déconsidèrent tous seuls sans que l'autorité ait besoin d'exercer une coercition toute personne lisant ou écrivant. Car ce sont des activités qui freinent la synergie économique, qui gênent la dynamique collective et surtout grégaire de consumérisme dans la joie béate et sans nuages que « l'homo economicus » se doit de ressentir.

 

Bien entendu, le tout crée une aliénation à laquelle les personnes ne sont plus capables de répondre toutes seules. Elles croient combler ce manque, guérir de cette carence en sombrant dans des spiritualités de bazar, des syncrétismes sans cervelle voire même en tombant dans l'abîme de la violence religieuse ou politique, ou alors du ressentiment exprimé très souvent sur internet où beaucoup pensent compenser leurs frustrations et complexes divers et variés.

 

Sic Transit Gloria Mundi, amen

 

Amaury




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