jeudi 20 avril 2017 - par Gilles Mérivac

La désagrégation d’une société

L'argument développé est qu'une société est fondée sur des valeurs collectives, et elle se désagrège petit à petit si l'individualisme est érigé en valeur suprême.

L'horizon indépassable de la consommation

C'est le jour des promotions et il faut arriver tôt pour avoir une place de parking. Le rideau métallique de la grande surface est à peine relevé que les clients se ruent à l'intérieur. Des rayons entiers sont vidés rapidement de leurs produits, des sachets de langoustes s'empilent sur un seul caddie bien au delà du raisonnable. Les disputes ne sont pas rares pour s'accaparer le même article. L'impression donnée est celle d'un nuage de sauterelle s'abattant sur un champ.

Chacun peut identifier facilement le moteur de cette scénette, l'utilisation de la compétition individuelle pour acquérir des biens de consommation. Pour les techniques de vente, tout ce qui peut favoriser des comportements individuels leur est favorable. Le credo est donc « tout est à vendre » et internet est l'un des outils les plus importants pour réaliser ce but. C'est ainsi que l'on a pu voir récemment l'annonce d'une jeune femme qui mettait aux enchères sa virginité.

Les grandes enseignes sont donc devenues par intérêt de ferventes adeptes de ce grand mouvement soit-disant progressiste de l'individualisme roi s'opposant bien souvent au bien commun.
 

Des lois sociales faites pour l'individu

Pour que les gens acceptent de vivre les uns à côté des autres, il est nécessaire d'édicter des lois et même d'uniformiser la manière de vivre par des coutumes qui ont presque force de loi, ce qui entraîne des contraintes et des frustrations. Mais la vie quotidienne devenant de moins en moins dure physiquement et le confort de plus en plus répandu, les individus ne comprennent plus la nécessité de ces règles communes et réclament plus de liberté pour eux-mêmes.

En dehors de tout jugement moral, les liens du mariage ont pour but la stabilisation du foyer visant à donner un environnement favorable au développement des enfants. Ces liens s'opposent au désir personnel de changement de partenaire et d'aimer qui on veut au moment où on le désire. Bien des gens actuellement rejettent ces contraintes et vivent comme il leur plaît sans souci du déchirement qu'ils provoquent parmi leurs enfants. Ils troquent la souffrance qu'ils éprouvent en s'astreignant à demeurer dans leur foyer avec la souffrance occasionnée à leur progéniture.

Bien souvent par électoralisme, les gouvernements successifs ont toujours sacrifié l'intérêt collectif à celui de l'individu. C'est ainsi que le divorce a été facilité, que le mariage entre personne de même sexe a acquis droit de cité, que l'avortement est devenu courant, que la PMA voire la GPA sont entrées dans les mœurs. Encore une fois, il ne m'appartient pas de juger si cette évolution est souhaitable ou non, mais d'en souligner l' inévitable conséquence, l'affaiblissement du sens de la collectivité.


 

Une justice qui ne prend plus en compte l'intérêt commun

Dans le code pénal, les agresseurs et les victimes ont les mêmes droits. Quand un cambrioleur pénètre chez quelqu'un et qu'il se fait tirer dessus, la situation est jugée comme si le coup de feu avait eu lieu dans la rue lors d'un duel. La prise en compte de l'intérêt général voudrait que le jugement puisse dissuader à l'avenir celui qui est la cause de cette situation, ce qui n'est pas le cas avec l'interprétation actuelle.

Les forces de l'ordre exercent un métier à risque, elles sont souvent la cible de provocations et d'agressions de plus en plus violente. Il est dans notre intérêt à tous qu'elles gardent un rôle dissuasif, ce qui est de moins en moins le cas, la peur du gendarme diminuant petit à petit. Ceci n'est que le résultat d'un traitement égalitaire des réponses à la violence, le policier ou le gendarme ne bénéficiant d'aucune présomption d'innocence quand il utilise son arme. A chaque fois, c'est le soupçon suivi de longues enquêtes parfois médiatisées, ce qui n'arrange rien. C'est peut-être un bien du point de vue démocratique mais c'est une catastrophe sécuritaire parce que le représentant de l'ordre public va retenir son bras alors que le délinquant n'aura pas ce scrupule.

Les gens ont donc l'impression que la justice ne punit pas assez sévèrement les délinquants qui finissent par ne plus en avoir peur. Mais ils se trompent sur les causes, ce n'est pas que la justice soit trop laxiste qui pose problème, mais plutôt que les juges ne s'attaquent pas prioritairement aux causes des délits, c'est-à-dire aux agresseurs, plutôt qu'aux conséquences, comme par exemple un cambrioleur blessé.
 

La lente descente aux enfers de l'éducation

Aujourd'hui, des lois sont votées pour dissuader les parents de sanctionner leurs rejetons, et il n'est plus rare qu'une mère de famille se retrouve devant le tribunal pour une correction. C'est peut-être satisfaisant moralement, mais catastrophique du point de vue de la société, car l'enfant à besoin de savoir de façon certaine quelles sont les limites à ne pas franchir. Dans le cas contraire, il va continuer à défier les autorités jusqu'au moment où il sera passible du code pénal, et il sera trop tard pour qu'il intériorise une morale personnelle. Sur les bancs de l'école, il défiera l'autorité des professeurs, rendant inopérant tout enseignement pour une classe entière.

Le conseil de discipline se réunit pour discuter du cas d'un élève ayant donné un coup de poing à un enseignant qui lui avait donné une mauvaise note, le proviseur souligne les manquements répétés de l'élève à la discipline de l'établissement. Un autre professeur prend sa défense en assurant qu'il n'est pas le plus turbulent et qu'il obtient des résultats dans sa matière. Après un long conciliabule, il est décidé qu'une seconde chance lui sera donnée après une exclusion temporaire de quelques jours.

Quand cet élève reviendra en classe, le sentiment général qui prévaudra est celui d'une victoire pour cet élève et d'un dénigrement du professeur. L'autorité de celui-ci sera irrémédiablement anéantie et toute la classe en pâtira. L'intérêt d'une seule personne aura prévalu sur celui de l'école toute entière.

L'école devrait être avant tout au service de la nation et avoir pour but de former des adultes susceptibles de mener à bien les différentes entreprises nécessaires à sa survie et à son développement. Elle doit aussi élever le niveau de culture général de l'ensemble de la population, autant que faire se peut. Chacun sait que les êtres humains ont des capacités et des goûts différents, il paraît donc logique d'en tenir compte et de ne pas donner le même type d'enseignement à tout le monde.

Le souci louable de donner à tous les enfants un bagage du niveau du bac s'est heurté à la barrière de l'inégalité des individus par rapport aux apprentissages. Il se trouve que certaines personnes apprennent facilement alors que d'autres ont toutes les peines du monde pour y parvenir. Enseigner la même chose pour une même classe d'âge ressemble donc au lit de Procuste, les moins bons décrochent ou les meilleurs s'ennuient. Pour y remédier, on favorisait dans le temps l'homogénéité des classes, ce qui aboutissait à ce que beaucoup ne recevaient malheureusement qu'un enseignement très sommaire.

L'idéologie égalitaire, conséquence de celle de l'individualisme qui prévaut depuis soixante ans ne se satisfait pas de cette solution, qu'elle juge élitiste. La plupart des réformes de l'enseignement ont donc cherché à homogénéiser les classes, n'aboutissant qu' à un nivellement vers le bas, comme cela était prévisible. Pire encore, la possibilité pour un enfant issu d'une famille peu cultivée d'accéder à un enseignement intellectuel de haut niveau a été considérablement réduite, la sélection d'antan ne faisant plus son office. Les apôtres de cette tendance prétendent qu'il faut encore plus d'égalité, s'appuyant sans doute sur la théorie selon laquelle il faut augmenter la dose d'un médicament si celui-ci ne donne pas les résultats espérés.

La poussée de l'individualisme a conduit à la sacralisation de l'enfant qui est devenu une cible privilégiée du marketing, les parents n'osant plus s'opposer aux désirs de leur enfant de peur de passer pour rétrogrades. Cela aboutit à la formation d'adultes capricieux qui ne supportent plus les frustrations quotidiennes. Ils se réfugient ensuite dans des utopies politiques qui promettent le confort à tous sans efforts.
 

Un dernier mot, pour la route

Vous connaissez tous des rues commerciales où les boutiques anciennes ont été remplacées par celles appartenant à une communauté plus soudée. C'est la même chose avec les cultures qui dérivent vers l'individualisme intégral, elles finissent par se dissoudre et être remplacées à plus ou moins long terme par d'autres qui sont plus communautaires. Seul, un danger imminent, s'il n'est pas trop tardif, peut provoquer une prise de conscience et une résistance collective.

Notre propre nation est engagée profondément dans ce processus et ne pourrait que très difficilement faire machine arrière car c'est une tendance lourde. Il ne s'agit pas ici d'un enjeu moral, mais tout simplement de la survie d'une civilisation.



10 réactions


  • Crab2 20 avril 2017 11:24

    La loi de 1905 et les élections

    Fondatrice de notre culture, elle est l’expression humaniste de la citoyenneté : le droit de ne pas croire ou de croire

    http://laicite-moderne.blogspot.fr/2017/04/presidentielles-2017-laite-suites.html


  • pallas 20 avril 2017 15:04
    Gilles Mérivac

    Je trouve cela merveilleux que chacun se pensant une divinité, un être suprême.

    Auquel il n’y a que défiance et conflit, sans remise en cause.

    Digne de l’Enfer, car cela n’est que croyance et non réalité.

    Sa m’amuse, beau spectacle.

    Salut


  • Olivier Perriet Olivier Perriet 20 avril 2017 16:14

    Bon tout ça pour dire « votez Fillon » ? On pouvait faire beaucoup plus simple....
    Dans moins de 3 semaines on n’en parlera plus de toutes façons smiley

    PS : en matière de « désagrégation d’une société », il faudrait évoquer ces candidats à la présidentielle qui ne parlent qu’à leur « base », « leur clientèle » ou leur « secte » et oublient de s’adresser aux Français. Un oubli sans doute.


    • Gilles Mérivac Gilles Mérivac 20 avril 2017 16:24

      @Olivier Perriet
      Par le petit bout,
      par le petit bout
      de la lorgnette ...


    • Olivier Perriet Olivier Perriet 20 avril 2017 18:58

      @Gilles Mérivac

      Oh que non, on est au cœur du sujet :

      Nous vendre une marchandise qui est le syndrome clinique de cet égoïsme triomphant, il faut le faire.


    • Gilles Mérivac Gilles Mérivac 20 avril 2017 19:57

      @Olivier Perriet
      Mais que vient faire Fillon dans cette galère ? Je ne suis pas VRP, je ne vends pas de candidat, je partage ici des réflexions d’ordre général.


  • Crab2 21 avril 2017 13:14
    Féministes  ?

    Il n’y a rien d’inné ni de génétique dans ces sordides-affaires, l’homme ne naît pas ni violeur ni prédisposé à agresser les femmes qu’il rencontre, pas plus que les femmes qui, ainsi que des hommes, parfois se rendent coupables du crime d’inceste sur de jeunes garçons n’y sont naturellement préposée

    http://laicite-moderne.blogspot.fr/2017/04/feministes.html


  • xana 22 avril 2017 08:57

    Bonjour Gilles Mérivac.
    Un sujet de réflexion intéressant. Il y a quelques années je vous aurais sauté à la gorge pour cet article, mais avec l’âge je suis plus en mesure de le prendre avec les nuances nécessaires.
    Je pense que sur le fond nous nous entendrions clairement. L’individualisme forcené est proposé aux gens comme un idéal social, quand en réalité il n’est qu’un instrument de division et de domination. Tous, à un moment ou à un autre, nous avons donné dans le panneau, et bien peu ont réalisé à quel point « on » nous a manipulés (ou « nous » nous sommes automanipulés).
    Sur de nombreux points de votre article j’aimerais vraiment discuter avec vous, mais cela ne me semble pas possible au milieu des trolls qui viendraient polluer le débat.
    Bon week-end


  • moderatus moderatus 22 avril 2017 09:12

    Bonjour Gilles

    Comme Votre lucidité fait Plaisir à voir même si la recherche de la vérité dévoile des réalités effrayantes.

    Individualisme, clef de la compréhension, volonté de construction par des oligarchies qui nous gouvernent.

    pas de famille, pas de patrie, l’homme universel taillable et corvéable à merci.

    Vous montrez la lune Mérivac mais certains ne verront que le doigt .J’ai mis 5étoiles à votre article il les mérite.


    Homme universel

    Homme nouveau qui veut vivre en dehors de toute transcendance

    Transcendance de Dieu, transcendance de la civilisation, de la nation, auxquels il doit d’être ce qu’il est.

    La conscience d’une aide contractée à l’égard des anciens ne l’effleure même pas, de là, l’autorisation qu’il se donne de ne plus transmettre l’Héritage aux générations à venir. La France se meurt.



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