La relève de Lagarde (Christine)
Au Bistro de la Toile :
- Qu’est-ce que tu lis Loulle dans ton canard, que je vois branler le chef de façon dubitative ?
- Je regarde la relève de Lagarde ! Ce matin, Mââme Lagarde, « l’une des femmes les plus puissantes du monde » qu’ils disent les plumitifs, va comparaître devant la Cour de justice de la République, la CJR comme ils disent, dans le cadre du scandale du fric piqué dans nos poches – plus de 420 millions – pour les glisser dans les fouilles de Tapie. Lagarde est accusée de « négligence » pour avoir autorisé puis validé l’arbitrage soldant le vieux litige entre Nanard et le Crédit lyonnais concernant la vente d’Adidas. Une « négligence » à 420 patates…
- Bof. « Selon que vous serez puissants ou misérables, Les jugements de cour vous feront noir ou blanc » qu’il disait tonton La Fontaine Jean de… D’abord pourquoi un homme politique au faîte des responsabilités, ministre ou président de la République n’est-il pas jugé comme tous les autres Français, devant une juridiction normale ? Pourquoi ce tribunal d’exception, fait de gens policés, où en compagnie de quelques magistrats rassis siègent des députés et des sénateurs ? Chargés de juger leurs pairs, ils ne sont pas tellement enclins à les allumer ! Cette CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et à pouvoir juger les ministres, en activité ou anciens, pour des délits et crimes commis dans l’exercice de leur fonction. Deux poids, deux mesures… On revient à la fable de l’ami Jean de…
- Pourtant l’acte d’accusation lui taille un sacré costard à maman Lagarde. On y parle de « légèreté peu admissible », d'« incurie », de dossier « survolé plutôt qu’étudié », il y est dit encore que le dossier Tapie « procède d’une conjonction de fautes qui, par leur nature, leur nombre et leur gravité, dépasse le niveau d’une simple négligence »…
- Elle est loin d’être blanche dans cette histoire, Lagarde. Le 10 octobre 2007, elle a donné instruction aux représentants de l’État de ne pas s’opposer à la demande d’arbitrage déposée par les avocats de Bernard Tapie. « Négligence » ? Difficile à croire, d’autant plis que ce dossier était très sensible et suivi au plus haut niveau. Il avait d’ailleurs donné lieu à une réunion spéciale, à l’Élysée, chez Claude Guéant alors secrétaire général de la Présidence, avec les ci-devant Ouart Patrick (conseiller Justice du président Sárközi de Nagy Bocsa), Pérol François (conseiller économique du président), Richard Stéphane (directeur de cabinet de Lagarde Christine) et Rocchi Jean-François (représentant le CDR, l’organisme chargé de liquider les litiges du Crédit Lyonnais). Lagarde a-t-elle commis des « négligences » ou bien a-t-elle obéi aux ordres ? Rappelons que le pauvre Nanard, dans le paquet des 400 et quelques millions, a touché 45 millions pour « préjudice moral » ! Il a vraiment dû souffrir moralement le mec. À comparer avec les 240 000 euros d’indemnités, toujours pour préjudice moral, de Patrick Dills, un pauvre type qui a fait 16 ans de taule pour un crime qu’il n’avait pas commis. 240 000 pour 16 ans, ça fait l’équivalent d’un SMIC par mois. Comparez avec l’ineffable Nanard. C’est le salaire de la courtisanerie dans cette Sarkozie pourrie.
Deuxième embrouille, en non des moindres : lorsque la décision arbitrale donnant à Tapie 400 et quelques millions de « dommages et intérêts » a été actée, la ministre des finances – dame Lagarde Christine – a donné des instructions aux représentants de l’État de s’opposer à tout recours éventuel !
- Il n’empêche que le Parquet a requis, et va probablement de nouveau requérir un non-lieu en faveur de dame Lagarde Christine !
- C’est vrai. Mais ça donne une autre dimension à l’affaire. Le Parquet dit que « Les décisions prises formellement par la ministre ont été en réalité prises collectivement au plus haut niveau de l’Etat, ce qui relativise la responsabilité personnelle de la seule Mme Lagarde. » Le même Parquet note les « rendez-vous fréquents de M. Tapie avec le président de la République » et cite le candidat de la droite et ex-premier ministre à l’époque, le ci-devant Fillon François apportant tout son soutien à Lagarde Christine : « C’est une décision du gouvernement dont je suis évidemment solidaire. »
- D’après les canards, douze témoins sont cités. Mais l’un des principaux, le sieur Richard Stéphane, directeur de cabinet de l’accusée à l’époque, a déclaré qu’il ne viendrait pas témoigner… Si moi je refuse de me présenter au tribunal si j’ai une embrouille, je suis sûr de voir arriver les lollis me chercher manu militari…
- Le ci-devant Sárközi de Nagy Bocsa Nicolas, lui aussi convoqué par le juge Tournaire pour une de ses nombreuses casseroles, ne s’est pas présenté non plus. Sans autre préjudice que je sache. Toujours Jean de, Loulle. « Selon que vous serez… ». À rapprocher du procès en appel à la demande du Parquet du Luxembourg contre les donneurs d’alerte qui avaient révélé les magouilles de cet Etat-Mafia avec les multinationales pour qu’elles ne paient pas ou si peu d’impôts. Encore Jean de La Fontaine…
- Allez, tè ! Buvons pour oublier !
Illustration : merci au regretté Chimulus