La tête de turc
Passent les jours, passe le temps, mais rassurons nous, si je puis dire, l'évolution de l'humanité quant à son essence profonde ne varie pas d'un iota.
L'émotion, les cœurs et les croyances perdurent, les neurones s'alimentent en permanence aux sources des peurs viscérales et la terre continue de tourner invariablement, par habitude, sans trop s'interroger, la terre, vers son devenir de poubelle d'azur.
L’Ami du Peuple contre les « financiers qui mènent le monde ».
La première campagne antisémite des années 1930.
On considère habituellement que l’antisémitisme – en sommeil après l’affaire Dreyfus – aurait fait son retour en France à partir de 1933, avec le développement de la crise économique, l’arrivée des réfugiés juifs puis l’avènement, en 1936, du Front populaire.
J'en profite pour élargir le débat aux frères sémites, les musulmans, qui bien sur sont inclus dans l'aventure...même si les barbus hystériques et les burqas mortuaires et gesticulantes ne favorisent pas l'apaisement et l'éveil des consciences. Ce n'est pas indispensable de titiller la misère humaine en affichant son originalité, ce peut être le départ d'un incendie que l'on ne maîtrise plus. La manipulation politique fait son œuvre et tisse sa toile dans les têtes flottantes crédules et incrédules.
La première campagne antisémite depuis bien longtemps voit le jour dans les colonnes de « L’Ami du Peuple », journal tirant alors à un million d’exemplaires.
Il s’agit là d’un antisémitisme à usage extérieur, dirigé contre les « financiers qui mènent le monde », (ce n'est pas nouveau ) une réaction irrationnelle à la crise économique mondiale qui frappe la France depuis quelques mois. L’antisémitisme diffusé ne s’appuie pas en effet sur une situation réelle – même fantasmée – ou un fait d’actualité ; c’est l’occasion d’observer le développement de mythes antisémites à l’état pur.
C'est en revisionnant la tragi-comédie de Monsieur Batignole, que je tente, à mon niveau, de m'interroger sur les ressorts projectifs qui animent les hommes, principalement en période ou l'émotion prend le pouvoir, en phase de crise. La faute chez l'autre prend des proportions considérables, en même temps que chez nous elle s'évanouit...c'est alors que s'insinue la maladie individuelle de l'âme et par interaction contamine la collectivité, le pays, le continent, puis la terre entière.
En attendant je me souviens, dans mon enfance, des réflexions stupides de ma mère qui prenait un air dédaigneux et méprisant, pour prononcer une connerie « c'est un juif ! ». Nous oublions souvent l'histoire et son contexte. Nous « la ramenons » après la bagarre avec notre savoir livresque à deux sous ( le coût du journal de F. Coty, « l'ami du peuple » au début des années 30 ) pour lâcher notre fiel, en se planquant, en plus.
Plus tard, par réaction, j'avais une véritable empathie pour les sémites par réaction à la bêtise de mes proches et aussi par sympathie naturelle à la culture du livre et aux particularités créatives de ce petit peuple qui remplit la terre après la destruction du temple de Jérusalem en l'an 70 par Titus et son armée romaine.
Penser en terme de famille, de convictions politiques et religieuses, comporte quelques effets structurants remarquables dans l'histoire qui s'étire et s'étire dans le temps. Ce n'est pas sans inconvénient. C'est la culture de la foi, des certitudes et croyances qui entretient le brasier populaire. Ce feu purifie mais souvent détruit. De l'inquisition à la révolution selon notre nature...et le monde bégaye.
Des personnages « charismatiques » focalisent l'air du temps sans que l'on sache vraiment si c'est l’œuf qui fait la poule ou le contraire. En fait, nous sommes tous dans le même vaisseaux dantesque et les personnalités qui se distinguent sont au fond victimes d'une manipulation qui les submerge. L'aspect majuscule de la projection.
Richissime parfumeur d’origine corse, François Coty décide de se lancer en politique au début des années 1920. Il est intuitif, le nez, mais l'intuition s'alimente d'émotion et succombe à la boulimie de pouvoir. Elle concerne les velléitaires et les faibles en quête de puissance.Vague précurseur de Silvio , il connaît une ascension rapide dans le monde de la presse sans parvenir jamais à donner substance et crédibilité à ses ambitions politiques. (Le fascisme transalpin l'envoûte, il caresse le projet de l'introduire en France.)
En 1922, Coty prend la tête du Figaro. Il rachète aussi Le Gaulois, Le Charivari (en 1927), finance un temps L’Action Française et Le Journal des débats, puis lance L’Ami du peuple.
L'ami du peuple, qui eut pour ancêtre premier Marat, est une chimère à la mesure de la projection qu'il véhicule. C'est le journal le plus xénophobe de son temps. un antisémitisme abstrait se laisse deviner dans les caricatures de première page. L’assimilation du Juif et de l’argent constitue l’un des mythes populaires les plus enracinés à cette époque.
En raccourci on peut analyser le réflexe populaire comme un rêve inconscient de puissance, « l'argent. » En amont l'humanité vit son impuissance pressentant le chambardement qui va entraîner le monde de l'avant guerre à sa perte (l'humanité projette, elle projette énormément.)
Toute ressemblance avec les personnes ou les faits existant ou ayant existé ne serait le fruit que de la pure coïncidence.
J'ai un voisin complexé qui a le mérite d'avoir atteint un jour le poste de directeur de banque, il s'est fait lourder par des plus jeunes bardés de diplômes (qu'il ne possède pas, la jeunesse et les diplômes), il ramasse tout ce qui traîne, ne croit pas à l'amitié et cultive une haine viscérale à l'endroit des juifs...ça pourrait amuser mon ami Céline qui jouait dangereusement avec les émotions et la judéité et qui déchaîne toujours les passions des intellos qui n'auront jamais sa créativité...et pourtant il était noir, à l'intérieur.
Voici un dossier brûlant et un authentique artiste qui nous parle et nous enseigne les tempêtes de la projection. C'était juste pour faire avancer mon propos, évidemment.
A propos de banque, le thème de la banque « judéo-germano-américaine » est dans l’air du temps dans les années 30, « tonton pourquoi tu tousses ? » Un conférencier de l’Action française expose à Toulouse « les rapports étroits du socialisme et de la finance internationale ». Humons nos fraîches racines, inutile de remonter à Périclès ou Néron.
Et pourtant nous pourrions lorgner du côté de la Genèse et dans son prolongement évangélique révolutionnaire, pour analyser les fondements de la projection bien humaine du croyant qui parle en son âme en oubliant sa conscience.
Le rôle de la presse est déterminant. L’exemple de La Croix de la fin du 19ème siècle, autoproclamée « journal le plus anti-juif de France, celui qui porte le Christ, signe d’horreur aux Juifs » Un exemple projectif de taille que les philosophes des lumières nous aident à analyser, comprendre et dépasser à travers un métissage culturel qui favorise l'éclairage de la conscience. Enseigner, communiquer, expliquer, partager, humaniser, aimer.
L'esprit de chapelle, politique ou religieux, de temple, de synagogue, de mosquée et tous les filtres et protections qui nous protègent et nous emprisonnent nous exposent à la projection et conduisent depuis toujours à notre perte. Protégeons notre unicité.
Une inspiration, « L’Ami du Peuple contre les financiers qui mènent le monde ».