lundi 16 mai 2016 - par Jean Keim

La vie est un casse-tête

Toute ressemblance dans cette histoire complètement loufoque avec des faits similaires et existants ne saurait être le fruit du hasard.

Il était une fois une société où il était d'usage de se frapper sur la tête avec un marteau pour se saluer. 
Oh ! Bien sûr ! Nous jugerons étrange cette coutume, jamais nous nous comporterions de la sorte.
Le coup était porté avec retenue, il ne s'agissait pas de défoncer le crâne de l'autre mais simplement d'attirer son attention et de se faire reconnaître comme une personne amicale, que la bienséance alignait dans son rang.
Les règles de cet acte civil étaient relativement simples, le premier salut était porté par l'individu le plus riche, s'il y avait une apparente égalité ou un doute, le plus âgé commençait, sinon c'était le plus grand, l'homme l'emportait sur la femme seule et si elle était accompagnée d'un homme, elle était exclue du rituel.
Cette coutume serait un hommage rendu au grand héros Martellus qui en des temps anciens, repoussa des envahisseurs à la seule force de sa masse d'arme, toutefois des hiérophantes, sectaires de très anciens mystères, prétendaient que le monde avait été créé à partir des étincelles jailli d'un coup violent et magistral asséné au néant par le marteau primordial.

Inévitablement il y eu des débordements, accompagnés parfois de graves traumatismes qui donnaient lieu à une rectification vengeresse à la première occasion qui se présentait ; ainsi des vendettas séculaires se sont enracinées dont l'origine était oubliée depuis des lustres, les protagonistes n'avaient pas d'autre alternative que de s'ignorer et de choisir précautionneusement leurs allées et venues dans le monde pour ne pas se croiser.
Cahin-caha, tout ce petit monde menait son petit bonhomme de chemin et chacun du plus illustre jusqu'au quidam, du plus modeste jusqu'au plus riche, s'accommodait de cette vénérable tradition, garante de la solidité des institutions, bien que des groupements féministes revendiquaient le droit à l'égalité dans le salut.
Au fil du temps, des aménagements que la société entérina, furent mis en place, comme la grosseur du marteau, représentative du rang de son détenteur, tout en la limitant à un gabarit raisonnable, comme la dispense de renouveler l'acte du moment qu'il ait eu lieu une première fois dans la journée avec un membre quelconque de la maisonnée, y compris avec un représentant de la domesticité, ainsi que la possibilité avec une attestation médicale dûment enregistrée d'être dispensé de la salutation, à la condition qu'elle soit redirigée vers une tierce personne.
Toute une juridiction étayée par un code des bonnes manières et de l'étiquette et sa jurisprudence furent instaurées, appuyées par une administration nombreuse au service de juristes habiles et renommés.
Une littérature abondante expliquait et codifiait le sens et le déroulement du cérémonial qui avait évolué vers un caractère sacré, d'autant plus qu'il variait avec le moment de la journée, son contexte, la saison et de bien d'autres choses encore, faire un impair était le propre d'un rustre et était inexcusable pour une personne de qualité qui pour palier à toute bévue qui pouvait avoir de graves conséquences pour son avenir, s'octroyait l'aide d'un ou de plusieurs conseillers en saluade : les prodiktats.

Les ressources de l'homme sont sans limite et un jour un esprit inspiré peut être par Thor lui même suggéra que le port d'un couvre-chef renforcé, limiterait de beaucoup les risques liés à la pratique non orthodoxe de la salutation, après force et longues délibérations des tenants du pour et du contre, soutenues par des lobbys en tout genre, ce qui monopolisa les journaux sur de nombreuses colonnes, la proposition fut entérinée.
La société fut d'ailleurs très étonnée de la célérité avec laquelle les marchands furent capables de mettre à disposition des protections crâniennes adéquates, il y eu des suspicions quant aux raisons qui ont finalement poussées à imposer à terme l'innovation. 


Cette dernière l'emporta néanmoins, l'argument massue mais fallacieux fut que Martellus lui même était casqué, les mœurs l'adoptèrent et le casque devint la règle au même titre que le marteau, ce qui contraria fortement la corporation des coiffeurs mais fit la fortune des perruquiers qui lancèrent la mode des casques recouverts de cheveux artificiels voire naturels pour les plus luxueux.
Par la suite la populace apprit que durant tout ce tapage, abondamment relayé par la presse, la décision fut prise que la charge de prodiktat s'obtiendrait dorénavant par cooptation, que leur formation serait financée par un nouvel impôt, que leur emploi était réservé aux électeurs censitaires et que leurs émoluments étaient déductibles des déclarations sur le revenu de leur employeur.
Les industries du marteau et du casque étaient florissantes, leur puissance ne cessait de croître et devint l'égale de celle de l'état, ses représentants avaient leurs entrées dans tous les cabinets lors de délibérations importantes. 
L'acmé fut atteint quand les deux activités devinrent la propriété d'un trust dirigé par quelques personnes, habilement dissimulées derrière des enseignes dont les activités concurrentes n'étaient qu'une façade aux vitrines trompeuses.

Et un jour parut un homme singulier qui posa des questions étranges, il demandait pourquoi la tradition pesait si lourdement sur le quotidien, il se promenait sans les équipements ostentatoires et pour tout salut donnait une légère tape fraternelle sur l'épaule, il se dérobait devant les salamalecs conventionnels et ses cheveux flottait librement au gré du vent, ce qui fut jugé comme sacrilège et impudique. Il tentait d'expliquer combien la vie serait simple et agréable sans les carcans consensuels qui ne servaient que les intérêts d'une minorité. 
Le grand conseil des bonnes manières et de l'étiquette le fit appréhender, il le questionna sur les raisons de son comportement incivil, il répondit qu'il ne voyait dans les coutumes que contraintes, gaspillages et stupidités bêtifiantes, que quitte à se protéger contre un salut trop appuyé, il suffisait simplement de le supprimer ; il lui fut rétorqué que ses agissements mettaient en danger l'équilibre non seulement de l'économie mais de la société toute entière et il fut condamné à la salutation fatale donnée par le bourreau avec le marteau-pilon qui aurait été forgé dans le métal de l'arme légendaire de Martellus et qui assurait une exécution sobre et indolore.

Il semblerait, tout au moins c'est ce que l'histoire officielle nous apprend, que les gens bien pensants aux moyens puissants et aux avoirs pesants soient toujours les gagnants ... mais des idées troublantes commençaient peu à peu à envahir les esprits.



3 réactions


  • Montagnais .. FRIDA Montagnais 16 mai 2016 13:18

    .. A l’heure de Open Tennis Paris, Cannes paillettes, BFMTV, lexomile à tous les étages, Harmonies of the sea-sick, ouiquenne prolongé, Titanic-Nation, rap & cotillons .. vous êtes gonflé d’écrire de telles paraboles ! j’vous promets pas une discussion animée


  • julius 1ER 16 mai 2016 16:33

    et heureusement que dans cette histoire il n’y a pas une sombre affaire de concert de rapp pour conclure la commémoration de ce qui est devenue de la pornographie mémorielle !!!


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