jeudi 7 août 2014 - par Jules Elysard

Le général Irastorza veut bien pardonner

Qui est-le Général Irastorza ? C’est un général 5 étoiles.

Général d’armée, donc, mais général à la retraite. Il a bénéficié du départ anticipé de son prédécesseur pour devenir, le 6 juillet 2008, CEMAT, c'est-à-dire Chef d'état-major de l'armée de terre. Ce départ anticipé était dû au déplorable accident de Carcassonne.

On se souvient de cette malheureuse fusillade le 29 juin 2008 au cours d’une démonstration publique du 3eRPIM. Nicolas Sarkozy, alors Président de la république, avait critiqué violemment le général d’armée ainsi que toute la chaîne de commandement, traitant même d’« amateurs » tous ces valeureux officiers.

Le Général Irastorza a-t-il pardonné à Nicolas Sarkozy ? François Hollande l’a nommé président de la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale. C’est à ce titre qu’il intervient fréquemment depuis le début de l’année, à télévision et dans les journaux, des étoiles dans les yeux.

Il a des propos édifiants : "Pour nous qui vivons en paix dans un monde bien instable, cette commémoration doit être un appel à la vigilance."

« Depuis la disparition du dernier poilu, la mémoire du conflit couve toujours sous la cendre. »

« La Grande Guerre a été une rupture majeure dans l'histoire de l'humanité. Ce fut une épreuve terrible : 1,4 million de morts, dont 75.000 ressortissants de l'empire, 3 millions de blessés, 800.000 veuves, 1 million d'orphelins. Les quatre premiers mois de la guerre ont été un coup de massue. D'août à décembre 1914, on compte 400.000 morts, un tiers des pertes d'une guerre qui va durer 52 mois. Ces chiffres dépassent l'entendement. La France ne retrouvera qu'en 1950 son niveau démographique d'alors. »

Evidemment, la presse, quand elle n’est pas excessivement militariste, ne peut faire l’économie d’un mot sur les « fusillés pour l’exemple ». Le général ne se démonte pas pour si peu :

« Comme le souligne le rapport remis récemment sur le sujet par l'historien Antoine Prost, il a toujours été présent dans l'esprit des Français et n'a jamais été tabou. D'ailleurs, les tribunaux ont réhabilité un certain nombre de ces soldats entre les deux guerres. (…) Ensuite, ceux qui le voudront chemineront en toute connaissance de cause sur la voie du pardon, même si c'est au cas par cas. »

Il est content de sa formule et la reprend chaque presque mot pour mot :

« Il appartiendra ensuite à chacun de cheminer sur la voie du pardon, en son âme et conscience, fût-ce au cas par cas. »

Le pardon, quand il n’est pas une marque de politesse, est une notion religieuse, centrale dans la théologie chrétienne.

Va-t-on voir, dans les propos du général une résurgence de l’alliance du sabre et du goupillon ?

Et les fusillés, quand ils ne sont pas victimes d’un malheureux accident, mais des décisions fort peu charitables d’un conseil de guerre, vont-ils pardonner aux généraux bourreaux ?

Le général ne veut pas prendre sur lui ni sur l’autorité militaire toute la misère du monde :

« Il y a des responsabilités partagées : ce ne sont pas les militaires qui ont renoncé au droit de grâce présidentielle, qui ont institué les tribunaux à trois membres et abandonné le droit de recours. Ce furent des décisions politiques. Qu'après il y ait eu des abus divers, des actes illégaux et que l'on ait pris des latitudes avec ce qui aurait dû se faire, c'est évident. Mais la réintégration des fusillés dans la mémoire nationale se fera par la compréhension des événements de l'époque.

Il pourrait postuler aussi pour général des Jésuites.

Mais quand il assène que le sujet « n'a jamais été tabou », il fait preuve d’une audace remarquable. A-t-il visionné Les chemins de la gloire ?

Il aurait pu aussi faire un petit rappel historique : l’année 1914 fut aussi celle où furent forgés ces deux néologismes à l’usage des officiers incompétents (généraux ou simplement supérieurs), mais toujours plutôt pervers, en route pour les chemins de la honte : « limoger » et « limogeage ».



1 réactions


Réagir