Le vrai prix des avocats
Dans l'état du Michoacan, à l’ouest du Mexique, capitale mondiale de la production d'avocats, la monoculture remplace peu à peu la forêt luxuriante.
Aujourd’hui, les experts pensent que les produits chimiques utilisés dans les vergers sont à l'origine de maladies qui affectent la population locale : éternuements des enfants quand les producteurs pulvérisent leurs arbres, problèmes de respiration et maux d'estomac.
Environ 40 pour cent des avocats vendus dans le monde sont cultivés au Mexique, et la plupart proviennent de la région de Jujucato et du lac Zirahuen. Les exploitations occupent environ 137 000 hectares au Michoacan, selon les chiffres du gouvernement de l'État. La déforestation se poursuit à un rythme de 2,5% par an. Le climat de la région permet la culture de l'avocat toute l’année. Ce fruit est d’ailleurs originaire au Mexique et il est bourré de vitamines, de protéines et de graisses saines, ce qui explique une forte demande et une croissance rapide de la production mais ce sont les forêts, la population et l’environnement qui sont en train de payer le vrai prix de ce marché.
Il faut savoir que les produits chimiques utilisés dans les vergers de montagne se répandent dans les nappes phréatiques, les cours d'eau et les lacs, et sont à l’origine de maladies dans la population locale. De nombreux villages qui dépendent de l'eau du lac peuvent déjà souffrir des effets du ruissellement chimique. Les habitants d’un de ces village au bord du lac ont demandé aux autorités sanitaires de les aider lorsqu’ils ont commencé à souffrir de problèmes hépatiques et rénaux qui n'existaient pas dans cette région avant que "les vergers soient agrandis et de nouveaux pesticides soient utilisés".
L’administration et certains producteurs s'efforcent de freiner l’expansion des vergers. Depuis le mois d’août, les autorités ont récupéré 100 hectares de terres exploitées illégalement ou acquises d’une manière douteuse, et interpelé des dizaines de personnes qui procédaient à une déforestation.
Un label a été créé pour les avocats vendus sur le marché afin que les consommateurs puissent identifier ceux des vergers qui ne nuisent pas à l'environnement.
Les avocats ont eu leur premier « boom » dans les années 1970, mais la production a vraiment décollé d'une manière incontrôlée dans les forêts en 2000. La demande étrangère d'avocats a augmenté de façon constante au cours de la dernière décennie, en particulier de la par des États-Unis - le plus important partenaire commercial du Mexique - et de pays comme le Japon, selon les chiffres du gouvernement fédéral mexicain.
En 2003, les exportations d'avocats représentaient près de 60 millions de dollars pour atteindre 1,5 milliard de dollars en 2015. Les ventes d'avocats au Japon sont passées de 40 millions de dollars à 106 millions durant la même période.
Le Michoacan a fait parler de lui ces dernières années à cause des affrontements sanglants entre de bandes rivales de trafiquants de drogue qui interviennent également dans la filière de distribution de l'avocat. Certains des producteurs d'avocats qui ont envahi la forêt sont des membres du « crime organisé », a déclaré à l'AFP un responsable du gouvernement de l'Etat, en soulignant que les autorités avaient récupéré une partie de ces terres.
Un hectare d'avocats génère en moyenne environ 5 400 dollars par an.
Les ouvriers mexicains qui assurent le conditionnement des avocats ont récemment entamé une grève de quelques jours pour protester contre le faible salaire qui varie entre 1,8 dollar et 2,8 dollars par kilo. Cette grève a aussitôt entraîné une hausse des prix de l'avocat sur les marchés internationaux.
Si vous achetez des avocats, quelle que soit leur provenance, sachez que leur véritable prix n’est pas payé par vous, mais par l’environnement et les populations des lieux de production. Quand leur prix correspondra à la réalité, vous ne serez peut-être pas contents car il aura sérieusement augmenté. Mais au passage, beaucoup d’éléments auront dû changer, et en particulier l’appropriation des terres et les circuits commerciaux.
Sources : the Guardian, First we feast