Les folies de la Guerre Froide révélées (10) : faux chalutiers, mini satellite et fausse capsule
Dans les années soixante, les deux puissances en présence ne se surveillent pas que par des photographies. Les ondes radio qu'émettent leurs fusées, leurs satellites ou leurs capsules de rentrée sont écoutées par d'immenses antennes, et des coupoles de captage. On entendra ainsi des deux côtés les cosmonautes dicuter avec la Terre, les américains entendront notamment les premiers mots de Valentina Terechkova, ou les derniers propos de Komarov, en train de descendre vertigineusement vers la terre, ses parachutes emmêlées, pestant contre ses responsables. Des stations terrrestres captent ces émisssions, pleines d'enseignements sur l'équipement adverse (c'est ainsi que le Voskhod, ce Vostok à deux et trois places sera connu) mais aussi des navires spécialement équipés qui servent aussi à guider les vaisseaux spatiaux ou à relayer les ordres de la station de départ de la fusée. Et comme on se surveille étroitement, les russes inventent un bateau fort particulier, équipé fort prosaïquement de simples jumelles et d'un émetteur radio, le pont bardé d'antennes : c'est le fameux chalutier soviétique, qui va devenir un des emblèmes lui aussi de la Guerre Froide. L'un d'entre eux fera par hasard une étrange rencontre en plein Golfe de Gascogne : un modèle de capsule Apollo américaine égarée...
Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, entre les deux blocs, chacun veut surveiller l'adversaire. Les américains, sur mer, décident de créer des navires spécialisés, qui se révèlent fort coûteux. Les russes auront une approche plus prosaïque, un peu comme en astronautique, en détournant une flotte existante comme le rappelle ici parfaitement Jay Holmes : "après la Seconde Guerre mondiale, l'Union soviétique a rapidement construit et monté une flotte de plusieurs dizaines de navires espions pour des opérations contre les pays occidentaux ainsi que le Japon, Taiwan, la Malaisie, l'Indonésie et l'Afrique du Sud. Pendant la Guerre Froide, on peut même supposer que presque tous les navires soviétiques qui ont quitté les eaux soviétiques étaient des navires espions. Pour les services de renseignement soviétiques, même les navires de pêche se devaient en effet de rester attentif et de signaler toute activité des navires occidentaux. Dans certains cas, ils ont fourni à des cargos civils des récepteurs radio supplémentaires, des équipements sonar, des équipements de détection radar, des appareils d'enregistrement, et quelques spécialistes pour les faire fonctionner pendant qu'ils faisaient leurs voyages autour du monde. Alors que les États-Unis convertissaient leurs cargos excédentaires de la Seconde Guerre mondiale en navire espions et construisaient des navires spécialement équipés "dès la quille posée," les Soviétiques ont adopté une approche moins coûteuse. La plupart de d'espionnage en mer de l'URSS a été fait avec des coques de chalutiers de pêche prévues avec des générateurs adéquats pour fournir l'énergie aux engins de renseignement électronique". Chez les américains, le plus connu, hélas, des Liberty Ship ainsi transformé est bien l'USS Liberty, figurant en haut de ce chapitre, qui a connu les déboires que l'on sait (*)
Les fameux chalutiers (tral’shchiki en russe) vont avoir de drôles de comportement, comme le montrent des documents déclassifiés... mis en vente récemment sur E-Bay. Ainsi le chalutier immatriculé RT-250 (PT-250 pour les russes), "Puschkin" selon les gardes-côtes US, ancré au large de la Nova Scottia... à peine à 100 miles, c'est à dire dans les eaux internationales, avec cinq autres congénères, cela faisait deux mois qu'il était au même endroit, avec une particularité : dès qu'un des 6 navires partait, il était automatiquement remplacé ! Mieux encore : tout autour de leur emplacement, ils avaient dispersé des dizaines de bouées émettrices ! "la suspicion est qu'on suppose qu'elles contiennent un mécanisme de surveillance" indique le commentaire accompagnant la photo en date du 16 juin 1958. Cherchaient-ils après l'un de leurs sous-marin en perdition ? Ou avaient-ils repéré un submersible US inconnu ? On ne sait. D'autres s'activeront à d'autres "travaux" (ici le chalutier "Vertikal", photographié de l'USNS Duttton en 1965 et là le "Barograph" photographié au large de New-York) : "Dans les années 1950 les chalutiers soviétiques opérant près de la côte des États-Unis endommagaient plusieurs câbles sous-marins. Des protestations diplomatiques ont été déposées et ont été accueillies par des dénégations (...). Ici, à droite en photo prise le 17 février 1959 d'un autre chalutier, le Novorossirsk surveillé par le Roy O.Hale, derrière sur la photo, près de St-John, New Foundland, endroit où l'on venait de couper des câbles sous-marins. L'inspection du chalutier ne donnera rien (ou sera étouffée, car selon un article de presse de l'époque, le navire avait trouvé "5 preuves" de coupures de câbles). Selon d'autres sources, le navire US avait découvert dans le châlut du navire russe des morceaux de câbles sous-marins Le Roy O.Hale était lui-même un destroyer d'escorte bardé d'électronique. Dès les années 60, les américains semblent "vaccinés" contre les arrachages de câbles sous-marins, au point de songer plus tard à la parade...
Notre magazine de référence, Mécanique Populaire, présentera un de ses chalutiers déguisés, appelé chez lui le Vega, dans le N°174, de novembre 1960, dans un long article intitulé "A propos de ces affaires d'espionnage" , qui voisinait, étrange coïncidence un long dossier sur "Le programme des USA pour le premier voyage sur la Lune".... avec une très étonnnante figuration des premières esqisses du vaisseau US devant se poser sur la Lune. A cette époque, on est loin encore de penser au LEM, car c'est toute la cabine de trois cosmonautes qui est censée alunir : le dispositif, bien trop lourd, sera progressivement abandonné au profit d'u véhicule lunaire léger séparé. On admirera la légende avec l'allusion aux "rouges", alors fréquente dans le magazine US, pour désigner bien sûr les soviétiques. L'article se concluait par l"idée comme quoi l'espionnage favorisait la paix : l'argument avec lequel on va soutirer des subsides au Congrès US pendant des années pour des engins dont la fiabilité ne ne sera pas la vertu première, loin s'en faut ! Coïncidence encore, dans le même exemplaire, page 44, était dévoilé une "nouvelle méthode " pour le "repêchage des parachutes à la dérive" montrant acrcoché à un hélicoptère le système de crochets qui sera utilisé quelques semaines plus tard pour récupérer les Discoverer. Une "technique jugée prometteuse par les officiers des services secrets américains intéressés" affirme le commentaire. On connaît la suite !
On joue au chat et à la souris, au point de risquer à tout moment la collision, car les deux s'y mettent, les USA disposant aussi de navires espions : "en Juin 1966, l'USS Banner (en fait un navire-espion US cette fois !) est entré dans les eaux contestées quand il a traversé l'entrée de la baie de Cap Povorotny. Les Soviétiques ont répondu par l'envoi d'un escadron de destroyers et de patrouilleurs et plusieurs ont harcelé le Banner. L'incident s'est terminé par une collision entre le Banner et le chalutier soviétique Anemometr. Aucun blessé grave n'a été signalé, et les deux parties ont choisi de ne pas exagérer l'incident. Les renseignements recueillis par l'USS Banner lors des opérations et d'autres semblables ont été considérés comme étant de très grande valeur à la fois par l'US Navy et la communauté du renseignement américaine en général". Le Banner, petit transport de l'US Navy (De l'US Army Transportation Corps en 1944, versé ensuite au Military Sea Transportation Service (MSTS), devenu FS-243 et appelé ensuite AKL-25 pour Light Cargo Ship) avait juste auparavant été "rétrofité" en navire espion (à gauche ci-dessous avant les transformations), avec tout un équipement d'écoute radio installé sur son pont (à droite). Le Banner faisait partie de la classe Camano.
Le Banner était la résultante de la réflexion de la Navy, qui avait fini par... copier les russes, en fabriquant ses propres navires d'écoute à bas prix : le Vega avait tenté d'observer le sous-marin USS George Washington en phase de test de missiles Polaris. La NSA, à la suite de ça décidant de créer sa propre version du chalutier d'écoutes avec l' USNS Private Jose.F Valdez en 1960 envoyé sur les côtes d'Afrique, et l'USS Muller envoyé à Cuba. La deuxième génération de navires espions démarrera avec l'USS Oxford, puis la gamme des Banner (le Liberty était en fait un type "Oxford"). Le type USNS affilié par exemple au Valdez indiquait qu'il était barré par des civils. Ce dernier subira une transformation étonnante en 1967 : "après réparation et de révision, le Valdez partit pour sa longue tournée deuxième dans la région africaine du 18 Septembre 1967. Il est retournéaux Etats-Unis de manière inattendue au début de Septembre 1968 pour l'installation duTRSSCOMM (navire de recherche équipé de techniques spéciales de communications), un système qui pourrait relayer des messages directement à Washington par un signal hyperfréquence qui rebondissait sur la Lune. Ce n'était pas un système nouveau, il avait déjà été utilisé sur Le Liberty et l'Oxford. Ce système est composé d'un antenne parabolique de 16 pieds (5 mètres environ), montée sur une plate-forme mobile et capable d'émettre un signal hyperfréquence de 10 000 watts vers endroit particulier comme la lune répercuté vers la station réceptrice à Cheltenham, dans le Maryland, ou vers l'un ou l'autre des navires SIGINT. Le TRSSCOMM eu l'avantage d'être en mesure de transmettre de grandes quantités de renseignement très rapidement sans donner la position du navire à l'adversaire, et sans interférer avec les signaux entrants. Mais son inconvénient majeur était qu'il ne peut fonctionner que si la lune était visible et si le système de stabilisation fonctionnait correctement." (Wikipedia). La lune comme miroir à ondes, déjà !
Pendant la Guerre du Viet-Nam, pas une sortie en mer pour les américains sans en croiser sur leur chemin, comme ici au large de Da-Nang avec le chalutier à l'arrière d'un petit remorqueur l'USS Abnaki. "Outre la collecte de renseignement, les chalutiers soviétiques parfois engagés dans des opérations de harcèlement. Un coup d'œil sur les chalutiers apparemment décrépits pourrait conduire à supposer que le « fond du tonneau" membres de la Marine soviétique était à bord comme équipage. En fait, leurs équipages étaient très qualifiés et étaient bien formés par le personnel de la marine soviétiques et le KGB les avait soigneusement sélectionnés pour llimiter le risque de défection (...) En 1960, les équipages des chalutiers soviétiques ont été de plus en plus audacieux dans leurs approches de navires de guerre américains (...) En particulier, lorsque les navires américains étaient en ravitaillement en pleine mer, les chalutiers ont provoqué une consternation considérable en manoeuvrant entre les navires attachés à eux. Souvent, les chalutiers soviétiques ont œuvré pour retarder les opérations d'avitaillement jusqu'à ce que les destroyers américains les ont forcés à l'écart des navires de ravitaillement en carburant (...) Une troisième tâche importante des chalutiers était d'espionner les essais de missiles occidentaux menées en mer par les navires civils, des tests sous-marins, ou d'autres navires de guerre. Ces opérations de tests d'espionnage ont donné des résultats extraordinaires pour les Soviétiques et valaient bien l'effort et le peu dépenses peu qu'ils avaient investi."
En pleine mer, les avions de reconnaissance US dont les rustiques Grumman HU-16 Albatros arrivaient relativement facilement à défaire l'organisation des chalutiers en traquant leurs gros ravitailleurs ; comme ici à gauche en photo. Mais cela ne suffisait pas. "Après la crise des missiles cubains de 1962, la Maison-Blanche a autorisé le Pentagone à prendre une posture plus agressive envers les chalutiers (...) Les navires américains ont été autorisés à approcher de près les chalutiers et même de les aborder si nécessaire. Ils ont été autorisés, lorsque cela était possible, à coincer les hélices de propulsion des chalutiers avec des câbles pour les rendre inopérants, mais ils n'étaient pas autorisés pour autant à couler ces chalutiers." Et le jeu du chat et de la souris continua. Ici, un chalutier soviétique en train de suivre un exercice de l'Otan en 1970...
Mais des antennes, bien visibles en contre-jour, il y en avait partout semble-t-il ! Les russes en avaient déployé sur toutes les mers du globe ! Ici, l'un d'entre eux survolé par un Nimrod anglais. Etonnant donc qu'il n'y aît pas eu plus d'incidents entre navires ! "C'est aussi un témoignage de l'habileté des marins soviétiques et alliés pendant la guerre froide car, en dépit des milliers de contacts étroits entre les navires américains et des chalutiers soviétiques, il n'y a pas eu de collisions" , fait remarquer Jay Holmes. Les russes avaient aussi leurs navires spécialisés, tel celui-ci, ou celui-là voire celui-là (allez, on en rajoute un !) Plus visible ici. Les américains, dans les années 70, fabriqueront donc des navires espions plus petits et plus simples, les AGER : l'USS Banner (AGER 1) ; l'USS Pueblo (AGER 2) et l'USS Palm Beach (AGER 3). L'USS Pueblo sera capturé par les nord-coréens le 23 février 1968... après avoir croisé sur sa route deux...chalutiers nord-coréens, le Rice Paddy 1 and et le Rice Paddy 2. Il sera conduit au port de Wonsan intact, son équipage n'ayant pas eu le temps de détruire tous ses équipements à bord. Le navire est toujours entre les mains des coréens, même si l'équipage a été libéré après 11 mois de détention (l'accord de libération étant resté secret).
Des chalutiers venus prêter main forte en 1981 à la marine soviétique prise en plein flagrant délit d'espionnage ; comme je vous l'avais indiqué en 2008 déjà : "c’est une belle histoire, d’un très beau coup des services secrets américains, alors on ne va pas beaucoup se faire prier pour vous la raconter. C’est l’histoire de l’opération "Ivy Bells". A cette époque, dans les années 70, les Américains apprennent que les Russes ont installé un câble sous-marin longeant les îles Kouriles, permettant de relier les bases secrètes desous-marin de Vladivostok et de Petropavslok. Les Russes, méfiants, ont installé au fond des bouées détectrices de son, capables de détecter toute intrusion étrangère... ce qui n’effraie pas plus que ça les sous-mariniers américains qui y envoient leur plus fins limiers de la NSA (Navy-National Security Agency) et le Halibut SSN-587, un sous-marin d’attaque très spécial équipé de fusées Regulus, lancé en 1959. Les hommes grenouilles sortis du Halibut (équipés de respirateurs GE MK10) réussissent à coller sur le câble un boîtier ("pod") enregistreur, qui capte les communications sans avoir à couper le câble. Régulièrement, il suffira d’aller relever les bandes d’enregistrement du pod, équipé d’un mini-magnétophone, car il ne peut émettre sans se faire repérer. En cas de détection, le pod se décolle et est emporté au fond. La première moisson est plus qu’un succès : les Russes se sont tellement persuadés que leur câble était bon qu’ils n’ont même pas codé leurs messages ! Mais ça ne dure pas longtemps ; un Samos, satellite espion américain détecte en 1981 qu’il y a beaucoup de "chalutiers" russes (comme celui-ci à droite) au-dessus de la zone du câble et de son boîtier espion. En express, le USS Parche (SSN-683) est envoyé récupérer la dernière bande. Quand il arrive, le pod n’est plus là. Un informateur américain payé 35 000 dollars par le KGB a en fait révélé l’endroit : c’est Robert Pelton, de la NSA, qui est condamné à la prison a vie où il croupit toujours pour ça. Le cylindre est exposé aujourd’hui dans un musée soviétique. Dans l’opération, les Américains ont perdu leurs plongeurs que le Parche n’a jamais réussi à récupérer dans sa précipitation à quitter la zone". En réalité Pelton, qui avait été aussi traducteur à Peshawar au Pakistan, pourrait sortir de prison dans trois ans maintenant, en 2015. Détail oublié en 2008 : "l'Ivy Bell", en photo au début du chapitre, descendue au fond de la mer pesait 6 tonnes, faisait 6 mètres de long... et était alimentée par un générateur nucléaire empruntée à un satellite !
Les chalutiers russes étaient donc disséminés un peu partout, à suivre notamment les manœuvres de leurs propres troupes ou celles de leurs adversaires, ce qui va les conduire à réussir une incroyable opération à la barbe... des anglais, dans le Golfe de Gascogne. Nous sommes alors en 1969, l'homme a déjà mis le pied sur la Lune l'année précédente, et quelques derniers réglages de sécurité sont en cours pour les vols suivants (Appolo XIII décolle le 11 avril 1970), notamment avec la marine anglaise pour qu'elle se familiarise avec la réception du module Apollo si ce dernier venait à manquer son rendez-vous dans l'Atlantique et amerrir dans... le golfe de Gascogne, endroit choisi par les américains pour un exercice de récupération. Comme cabine à retrouver, il n'y a qu'une simple maquette, faite surtout de bois et de fibre de verre, sans bouclier ablatif ni contenant qui pourrait être l'objet d'un intérêt chez les soviétiques. Et pourtant : larguée en mer, la cabine se perd dans le brouillard, et les anglais courent après pendant des heures, sous le regard des inévitables chalutiers soviétiques. C'est sans doute l'un d'entre eux qui va récupérer la maquette... appellée "BP-1227" par la NASA.
Des chalutiers soviétiques pas venus pour cela au départ, à vrai dire, mais pour une toute autre urgence : lors de l'exercice russe "Ocean-70" ("OKEAN") l'un de leurs sous-marins, le K-8 nucléaire (N°261 sur sa coque), de la classe November (Project 627 A), a pris feu dans deux compartiments : nous sommes alors le 8 avril 1970. Avec un remorqueur arrivé à la rescousse, le commandant Vsevolod Borisovich Bessonov est remonté à bord du sous-marin dont il avait ordonné l'abandon le 10 avril, avec 52 de ses hommes. Le sous-marin russe sentait la poisse : il avait déjà subi des dégâts le 13 octobre 1960 en mer de Barents, avec le percement d'une canalisation de vapeur contaminée qui avait irradié au moins trois membres de l'équipage. Cette fois, le K-8 ne repartira pas une fois réparé : le 11 avril, en quelques minutes, il coule et s'enfonce à 4 680 m de profondeur à 490 km au nord-est de l'Espagne. Entraînant avec lui les 52 malheureux remontés à bord, tous morts asphyxiés au gaz carbonique, semble-t-il, avant même de disparaître sous les eaux. Le chalutier était-il venu lui prêter main forte, ou aider les équipes de secours avant de voir passer devant lui la maquette de cabine spatiale ?
Toujours est-il que cette fameuse maquette, surnommée par la NASA la "boilerplate" (littéralement "bout de chaudière", devenu depuis personnage de fantaisie et indiquant surtout que c'est un vaisseai-factice) réapparaîtra... à Mourmansk. C'est un drôle de navire qui va la recevoir en cadeau des russes. C'est le brise-glace Southwind lancé le 15 juillet 1944 aux USA et envoyé comme prêt aux russes le 25 mars 1945 pour devenir le Kapitan Belousov, puis rentrer aux Etats-Unis l'année suivante et se faire baptiser l'Atka. Il avait retrouvé son ancien nom de Southwind le 31 octobre 1966. En juin 1970, le voila reparti pour une mission en articque... où les glaces, cette année-là seront d'épaisseurs plus importantes, au point d'entourer complètement le Southwind, resté bloqué au milieu d'elles : il ne devra son salut qu'à l'aide apportée par un brise-glace soviétique, le "Vladimir"... qui l'entraînera jusque Mourmansk, la première fois qu'un bâtiment US pénétrait dans le port. Les américains ne seront pas au bout de leurs surprises, car les russes leur proposeront le 8 septembre 1970 d'embarquer la fameuse maquette pour la retourner aux USA. Selon eux, c'était bien un chalutier "hongrois" (disons soviétique !) qui avait trouvé l'engin dérivant en pleine mer. Personne ne saura ce qui s'est passé avant qu'un historien hongrois redécouvre l'affaire en 2002 au fin fond d'archives : pendant 32 ans personne ne s'était intéressé à ce "bout de chaudière" ! Une capsule Apollo en bois ! Récupérée depuis, elle sert de "capsule du temps", à n'ouvrir qu'en 2076, trônant devant un musée, celui de Grand Rapids dans le Michigan. En fait, on ne sait pas encore exactement à quelle date la "boilerplate" a été retrouvée ni comment elle a pu se retrouver à Mourmansk : logiquement, selon l'accord écrit passé entre les russes et les américains, on devrait le savoir.. en 2021. Pourquoi un si long mystère ? Personne n'est capable de le dire !
En plus des écoutes par navires bardés d'antennes, les USA vont aussi créer et lancer des satellites d'écoutes de communication russes et de détections de radars ennemis. C'est un des petits génies de la Navy qui va s'y coller : "le 14 Août 1959, le président Eisenhower a autorisé le Naval Research Laboratory (NRL) à développer le Grab (Galactic RAdiation and Background experiment), un satellite pour recueillir les émissions radar de défense aérienne soviétiques . Reid D. Mayo, un ingénieur LNR, a conçu la théorie en mars 1958, alors qu'il était bloqué par une tempête de neige dans un restaurant en Pennsylvanie. En attendant que la neige soit dégagée il a réfléchi à l'application des technologies, en se demandant si on ne pouvait pas utiliser celle développée pour les sous-marins pendant la Seconde Guerre mondiale au problème de l'interception des signaux radars soviétiques. Il se demande si une version du système qu'il a développé pour les radars montés sur les périscopes de sous-marins ( visibles aussi ici et là également) pouvaient intercepter les radars soviétiques s'il était monté sur un satellite Vanguard. Il a crayonné des calculs de distance sur un napperon de papier et déterminé qu'un tel système pourrait intercepter les signaux radar soviétiques jusqu'à une altitude de 600-miles (965 km). Lorsque Mayo est retourné à Washington DC, il a présenté l'idée à Howard Lorenzen, chef de la branche LNR des contre-mesures et une figure de proue dans le programme américain de guerre électronique, qui a aussitôt soutenu l'idée". Le détecteur avait aussi été monté sur la gamme d'avions espions volant aux bords des frontières soviétiques : des P4M-1Q Mercators, des PB4Y-2 Privateers, et les P2V Neptunes, tous déguisés, on l'a vu en "avions météos". Le projet, reprise d'un idée inventée pendant la la guerre, sous le nom de "Tattletale", devenu un peu trop visible pour les membres du Congrès fut alors rebaptisé par l'ARPA "Project Canes" et catégorisé "Top Secret". Lorenzen y gagnera le titre de "père de l'intelligence électronique américaine".
"Le Président a approuvé "Canes" le 24 Août projet 1959. Le 5 mai 1960, quatre jours seulement après qu'un avion U-2 de reconnaissance de la CIA ait été abattu au-dessus de l'Union soviétique (par un missile SA-2 Guideline, selon les revendications soviétiques), Connu sur le plan opérationnel que de Grab, le satellite a été lancé avec succès à Cap Canaveral, en Floride, le 22 Juin 1960 et testé par la LNR à Hawaii 5-8 Juillet. Howard Lorenzen, Reid Mayo, Ed Withrow, Edgar L. Dix, et Vincent S. Rose (visibles ici devant la station d'écoute déplaçable) ont été les premiers à entendre le mélange de signaux radar détectables par un récepteur grand ouvert dans l'espace. Sur la recommandation de l'État, de la Défense et la CIA, le président Eisenhower a autorisé la LNR à« déclencher le projet Canes pour 12-15 passages au-dessus de l'Union soviétique au cours d'une période de deux à quatre semaines de temps », autorisation soumise à un coup de téléphone final vérifié auprès de l'Etat, de la CIA, et du chef de la Maison Blanche avant chaque mise en fonction". La réception au sol se faisait dans un simple cabine dotée d'une antenne orientable et de deux récepteurs, dont un muni d'une bande magnétique d'enregistrement. On ne pouvait faire plus simple... d'où l'immense succès du projet !
"Les Canes / Grab ont bientôt saturé les américains de capacités d'analyse. Le 18 Octobre 1960, le président Eisenhower a approuvé la demande de l'État, la défense, et de la CIA pour plus de satellites d'écoues de la Navy". Les renseignements obtenus par des satellites Grab, traitées par la NSA et le SAC, ont marqué un tournant dans la doctrine stratégique américaine. Le système de défense aérienne soviétique était trop fort pour une pénétration par les bombardiers du SAC à haute altitude, remplacés par des bombardiers à basse altitude et des missiles balistiques, en versions marines et terrestres (Une version à lanceur aérien, Skybolt, a été abandonné dans le au milieu des années soixante.) Grab a également réussi l'interception d'un signal associé au système de missiles anti-balistiques soviétiques alors en développement le Galosh" (ABM-1). Un renseignement alors inestimable : les Galsoh étaient des missiles anti-missiles, chargés de détruire les fusées Minuteman ou Titan lancées sur Moscou !
Petit, de la taille d'un Pamplemousse Vanguard, le satellite est discrètement envoyé posé au dessus d'un sattelite de communications, "Le 22 Juin 1960, un peu plus de deux ans et quelques semaines après que l'Amérique n'aît mis en orbite Corona, les États-Unis ont lancé GRAB-1, le premier satellite US de renseignement d'origine électromagnétique, à partir de Cap Canaveral, en Floride. La LNR a tenté cinq lancements de GRAB entre juin 1960 et avril 1962, seulement deux ont réussi. Les technicens ont capté les impulsions de signal radar dans une largeur de bande spécifiée et ont transmet le signal correspondant à la NRL dans un des sites de réception radio du champ de passage du satellite. Les stations au sol ont enregistré les données et envoyé les bandes à la LNR, à la National Security Agency (NSA), et au Strategic Air Command, pour l'analyse". Le petit satellite ramènera des éléments d'informations vitaux, sur les communciations soviétiques entre les cosmonautes et le sol, l'air de rien.
On croit en avoir terminé avec ces fameux chalutiers quand soudain, coup de tonnerre le 9 mars dernier avec une révélation incroyable du site "Defense Tech". L'article présente ce qui semble être un chalutier russe en cale sèche. La photo a été faite en fait à St.Petersburg le 27 octobre 2006. L'allure du bateau n'est pas ce qui est à remarquer. Ce qui est saisissant, c'est plutôt ce que l'on distingue sous la ligne de flottaison. A la proue, sous l'étrave, c'est bien un bossage en fibre de verre... susceptible de dissimuler un sonar (ici repeint). Et de chaque côté de ce sonar, chose beaucoup plus étonnante, deux orifices symétrique évoquant... des logements de torpilles. Et les internautes de s'enflammer comme quoi certains chalutiers étaient ainsi équipés et auraient pu torpiller des navires de guerre. En réalité, après une enquête un peu plus serrée, on découvre que ce n'est pas un chalutier mais plutôt un petit navire ravitailleur (un "transporteur côtier de munitions" ou Voyennyy Transport (VTR) = Military Transport ) de la classe Muna, équivalent à la classe des Camano US (vu auparavant) dont 37 exemplaires on été construits. Or le fameux "chalutier" est bien un de ces bateaux, immatriculé OC-57 soit OS-57, pour OS = "Opitnoye Sudno" = "Navire Experimental". Cet exemplaire particulier effectuait bien des recherches notamment sur les tirs de torpille en eaux peu profondes, aidé de son indispensable... sonar. Le "chalutier" ressemblait certes à un traîneur de filet, mais c'était bien un bateau militaire de transport dès le départ... et aucun chalutier espion soviétique n'a donc été muni de lance-torpilles invisibles...
Aux dernières nouvelles, disparus à la chute de l'URSS, les chalutiers espions seraient de retour... depuis 2008 au moins.
(*) Lire ici les articles à ce propos :
1) http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/yiftah-spector-cet-encombrant-69533
2) http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/yiftah-spector-cet-encombrant-69535
3) http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/yiftah-spector-cet-encombrant-69603
Pour la Baie de Biscaye :
http://forum.nasaspaceflight.com/index.php?topic=26511.0
PS : A noter que dans les années soixante le terme de "chalutier espion russe" était tellement devenu commun que deux fabricants de maquettes ont proposé chacun un modèle de ce type, Pyro et Revell, avec son "Volga".