dimanche 17 avril 2016 - par Armelle Barguillet Hauteloire

Les larmes de la mer

 

Qu’advient-il quand la mer
est plus sombre que la nuit
plus nocturne aussi
qu’elle ne fait plus chanter la gamme des couleurs
que les gemmes du ciel y viennent faire naufrage ?
O larmes de la mer !

 

N’est-elle pas alors
eau de nuit et nuit d’eau
l’élément obscur où se nouent les angoisses
une mer des ténèbres
sans reflet, ni mirage
oui, une mer morte
qui sombre sur elle-même
comme une lourde vague ?
O larmes de la mer !

 

Comment décrirons-nous
cet océan défunt
qu’auncun souffle n’anime
que ne modèle pas le vent des hautes combes
qui n’est plus que limons ou qui n’est plus que cendre ?
Quel tremblement funèbre
de ce miroir pâli


reflètera l’absence,
mer des sépultures et des infirmités,
toi qui fut, jadis, une puissante eau vive,
comment redonner vie à ta matière infirme,
rendant à l’onde intime son évaporation,
afin que s’y reforment nos fécondes rêveries ?
O larmes de la mer !

 

            * * *

 

Si le ciel vire ses voiles,
vous saurez que les navires, partis à l'aube,
ont ouvert des voies d’eau sur l’infini,
que les hommes voguent vers la haute mer,
qu’ils reposent au fond des cales, sous des bâches,
la tête pleine de chimères.
Vous connaîtrez l’angoisse, l’obsession,
quand tout se tord et se tend,
que tout s’exaspère,
que les cordages lâchés se lovent sur les ponts.
L’air saturé d’étoiles est un miroitement sans fin.

 

Dans cette pénombre,
des signaux brefs nous disent
qu’ailleurs est un espace familier et meilleur,
au loin, alors qu’un cap se profile,
notre faim s’accroît d’un dernier désir.


Les marins, l’oreille en alerte,
surprennent le bruit sourd des vents qui remontent à leur base.
Désormais, n’y a-t-il plus d’attente à espérer ?
Ce continent nous restera-t-il inconnu ?
Où mener notre course sans céder, sans faiblir trop vite ?

 

Ecoutons respirer les éléments,
voyons le ciel se mouvoir.
Qui s’avance, qui va dans la nuit ?
Il y a mieux à faire que de dormir. Veillons !
Tenons-nous à la proue, droit, le visage impérieux.
Force nous est de scruter, d’imaginer des contrées
où s’honoreraient des bêtes mythiques.
L’oiseau passe qui annonce un continent proche, une terre sauvage.

 

En Atlantique, rien ne meurt vraiment.
Il y a une vérité à comprendre,
un chemin de halage à emprunter.
J’ai soif ! Le désert est immense.
Quel océan pour m’abreuver,
quelle terre pour, à son terme, accueillir mon voyage ?
Je ne connais que l’illusion de l’apparence,
que son destin tragique. O larmes de la mer !

 

Armelle BARGUILLET HAUTELOIRE ( Extraits de « Profil de la Nuit  » )



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