Les projets d’EPR en Angleterre
La relance de l’électronucléaire en Angleterre vient montrer que l’option du nucléaire pour produire de l’électricité n’est pas du tout enterrée, contrairement à ce que prétendent les mouvements anti nucléaire en France.
La sûreté nucléaire étant naturellement au cœur de tout nouveau projet de construction de réacteur nucléaire, le choix des anglais s’est porté sur l’EPR. La sûreté britannique n’a cependant pas pris pour argent comptant les avantages que présente l’EPR dans ce domaine sensible. La référence étant le dessin de 2008 et ses réalisations en Chine à Taishan, l’organisme de sûreté nucléaire britannique, le HSE, a réalisé un examen critique de la sûreté de l’EPR, avec des questions à l’adresse d’Areva et du consortium EDF/CGN.
Ce projet de grande ampleur de réalisation de réacteurs nucléaires en Angleterre sur 3 sites, Hinkley Point, Sizewell et Bradwell, est vivement contesté en France par des organisations et personnalités diverses, parfois un peu inattendues dans ce parti pris qui, sur le fond, est anti nucléaire et très dommageable pour notre industrie nucléaire.
Le contexte général
Des négociations qui étaient censées aboutir en mai prochain, entre le gouvernement anglais et le consortium EDF/CGN ont conduit à un projet d’accord pour la construction de 2 EPR à Hinkley Point UK, et deux autres sur le site nucléaire anglais de Sizewell.
Compte tenu du réel moratoire sur l’électronucléaire que nous subissons en France depuis les années 90, à peine relâché au début des années 2000 pour l’engagement de l’EPR de Flamanville, réacteur nucléaire objet de manœuvres dilatoires destinées à renchérir le prix de son MWh afin de rendre l’éolien terrestre formellement compétitif, ces projets constituent la seule perspective industrielle, dans les dix années à venir, pour notre industrie nucléaire.
Le dossier connu de ces projets comporte les grandes lignes de l’accord, mais aussi le dossier relatif à l’examen de sûreté effectué par la Sûreté nucléaire britannique, HSE, qui comporte des questions et des avis dans le cadre du Generic Design approval, GDA, qui comporte quatre phases. Le compte rendu de la phase précédent l’approbation finale, le GDA phase III, laisse à penser qu’il n’y a pas d’obstacle majeur à l’accord de licence en Angleterre, pour cet EPR au dessin figé en 2008. Dans un débat à l’Assemblée nationale, la représentante du gouvernement a souligné que notre filière industrielle du nucléaire concernait 220.000 emplois directs (chiffres auxquels on applique généralement un facte, ur de l’ordre de 3 à 4 pour avoir l’impact global en terme d’emplois) et plus de 2500 entreprises. C’est un des derniers domaine industriel où la France est compétitive au niveau mondial, où un marché est en train de renaître.
Dans le contexte général d’une attaque anti nucléaire orchestrée par l’Allemagne qui fait pression à la fois sur la Belgique et la France afin que ces pays ferment des centrales nucléaires, une coalition hétéroclite et improbable (parce qu’à priori non qualifiée pour juger de la viabilité industrielle de ces projets) de syndicalistes (les syndicats d’EDF) et d’hommes politiques tel Jean-Luc Mélenchon, se dresse contre ces projets d’EPR anglais.
Les grandes lignes du projet d’accord entre le gouvernement anglais et le consortium (joint venture) EDF/CGN
Le projet global comprend les EPR anglais, qui ne concernent pas seulement Hinkley Point, mais aussi Sizewell, ainsi qu’un réacteur chinois de troisième génération de 1000 MWe, sur le modèle Hualong, qui est également potentiellement prévu à Bradwell.
Il s’agit donc d’un vaste programme industriel pour les quinze ans à venir, et qui constitue pour l’instant la seule perspective pour EDF et les acteurs industriels de notre domaine du nucléaire : Areva, Bouygues, Alstom... Puisqu’en France nous avons encore droit à un moratoire dans ce domaine. Il s’agit au bout du compte de 20% environ de la consommation d’électricité de la Grande Bretagne.
Les données publiées du projet d’accord pour le projet anglais
Le montant total de l’investissement des EPR de Hinkley Point est de l’ordre de 24 milliards d’euros (c’est un montant estimé en Livres anglaises 2012)
Cela inclut vraisemblablement les deux premières charges de combustible conformément à la pratique.
Le contrat garantit un prix du courant sortant de l’ordre de 120 euros par MWh.
L’accord porte sur une durée de 35 ans, alors que ces réacteurs fonctionneront pendant au moins 60 ans. La durée d’amortissement du capital n’est pas publique (est ce 35 ou 60 ans ? ce qui a un impact notable sur le coût du MWh calculé). On ne connaît pas non plus le taux d’intérêt considéré (en France le taux d’actualisation du capital est de 5%)
L’examen de sûreté au niveau du GDA III par HSE
Les questions du HSE qui émergent à ce stade décisif concernent principalement
* Génie civil et code de construction
Le HSE veut une clarification des standards et données du code de construction de référence et demande que ce code soit adapté à la conception de réacteur nucléaire dans un contexte modernisé.
Il y a une question sur la justification du béton précontraint pour les enceintes réacteur.
* Aspects accidentels
Il y avait un problème concernant la tenue de l’enceinte en cas de chute d’avion. Areva et EDF ont proposé une modification du dessin. La validité du concept doit être vérifiée au niveau du GDA IV
Vis à vis de la tenue des portes sur la troisième barrière d’étanchéité EDF et Areva doivent proposer des modifications de dessin et en justifier la validité.
Du point de vue de la tenue mécanique des composants EDF et Areva doivent justifier de leur approche et montrer que celle-ci garantit la tenue de ces composants.
* modifications du dessin (par rapport au dessin de base de 2008)
EDF et Areva peuvent introduire des modifications résultant de la construction de l’EPR de Flamanville ou bien qui sont destinées à répondre à des insuffisances vis à vis de règles (par exemple sur le génie civil)
Rien dans ce point réalisé par la sûreté nucléaire britannique ne révèle de problèmes susceptibles de bloquer l’accord de licence à l’issue du GDA IV.
Cela met en évidence l’argument fallacieux d’opposants qui prétendent que des retards de chantier sur les EPR anglais pourraient, à l’image de ce qui se passe sur l’EPR de Flamanville, être occasionnés par la sûreté.
Ces détracteurs oublient d’analyser les actions de blocage du chantier de Flamanville de la part de l’ASN. Ces délais imposés ont un but politique. Il consiste à faire passer la barre des 100 euros par MWh à l’EPR de Flamanville afin de rendre artificiellement compétitif le MWh éolien.
Le gouvernement français a choisi d’aider le système à constituer une bulle financière liée aux EnR éolien et photovoltaïque. En Angleterre le contexte est tout à fiait différent. David Cameron pourtant un soutien solide de la finance internationale, a qualifié ces EnR de « green craps ».
Les opposants
On retrouve donc chez les opposants à ces projets d’EPR anglais, ,outre les anti nucléaire habituels, un assemblage hétéroclite de syndicats (avec en fer de lance la FNME-CGT) ainsi que des hommes politiques tel que Jean-Luc Mélenchon.
Mélenchon qui a choisi l’anti nucléaire comme vecteur politique, s’appuie sur les syndicats et donne un chiffre d’investissement dans son Blog de 16 milliards d’euros qui témoigne du peu de sérieux avec lequel il traite de cette affaire, vitale pour notre pays.
La FNME-CGT sur cette question qui dépasse largement ses compétence se réfère à la démission du directeur financier de l’EDF, tout à fait suspecte sur la forme (où va-t-il être recasé ?) et sur le fond. Sur ce plan ce directeur financier ne peut ignorer que le prix spot EPEX du MWh sur le marché européen, où EDF est obligée de vendre une partie de son courant, sera de l’ordre de 15 euros le 24/ avril 2016, que la Loi Nome inclut un MWh à 42 euros (25% de la, production de l’EDF) alors que le prix garanti en Angleterre est de 120 euros par MWh. Où est le problème financier ?
Un exemple de la propagande anti projets anglais, caricatural dans sa nullité au niveau de des aspects technologiques et techniques et sa méconnaissance des problèmes précis de l’EPR de Flamanville, est constitué par l’interview d’un économiste du système Jean-Marie Quatrepoint, dans le journal Le Figaro le 22 avril 2016.
Cet économiste ne connaît pas la puissance électrique de l’EPR, confond les « problèmes » sur les couvercle et fond de cuve primaire, avec des problèmes (mineurs) de fissurations rencontrés sur les cuves primaires d’autres réacteurs nucléaires et ne comprend pas que le grand avantage de l’EPR est sa sûreté tout à fait prémonitoire. Cet économiste « expert » nous explique-t-il les catastrophes économiques qui ont été infligées à l’EDF et Areva par les pouvoirs politiques ? Non. La nullité de son analyse trouve son point d’orgue lorsqu’il confond un aspect technique : la possibilité d’intégrer dans les projets anglais des avancées techniques réalisées sur l’EPR de Flamanville (on rappelle que le dessin de référence est celui de 2008) avec une liaison contractuelle entre le chantier de l’EPR/Flamanville et les EPR anglais. On peut penser que ce journal Le Figaro relaie ainsi des pressions politiques qui viennent d’Allemagne.
La question est avant tout industrielle. Il s’agit de dupliquer les EPR de Taishan dans une structure identique. Et de tenir à peu près les mêmes délais de construction non pas à des milliers de kms, mais de l’autre côté du channel.
Conclusion
Ce projet d’EPR anglais est attaqué essentiellement pour deux raisons :
* notre mouvance anti nucléaire, à laquelle aucun parti politique ou organisation syndicale ne s’opposent, ne peut supporter qu’un pays lié à l’Europe des traités relance le nucléaire et le rende acceptable par sa population.
* l’Allemagne ne veut pas que la France ait un secteur industriel de cette ampleur et de ce poids dans le monde.
Ces attaques s’intègrent parfaitement dans la campagne anti nucléaire que nous vivons actuellement, exacerbée par la difficulté de fermer Fessenheim et la perspective de la prolongation de la vie des réacteurs REP de dix années d’abord, puis jusu’à 20 années vraisemblablement.
Ces projets sont d’une importance vitale pour notre industrie nucléaire. Le fait de se retirer pour EDF et Areva reviendrait à se couper du marché mondial des réacteurs nucléaires. Ce désastre conduirait inexorablement à des licenciements chez Areva et d’autres entreprises.
La position de la FNME-CGT est d’autant plus incroyable que le statut et les avantages du personnel de l’EDF sont attaqués de toute part. La démolition de cette ouverture industrielle ne peut que servir de prétexte au gouvernement pour remettre en cause le contrat de travail EDF.