lundi 8 avril 2013 - par Samuel Moleaud

Lorsque François Hollande fait le marché...

François Hollande n'est pas un homme comme les autres. Lorsqu'il fait le marché, il serre des pognes à tout va et rappelle au populo ses velléités de Président rassembleur, ouvert aux réformes des mœurs mais pusillanime sur les changements qui fâcheraient la finance.

C'est que son panier n'est pas celui de la ménagère. Quelques armes chez Dassault, du nucléaire au stand énergétique, une poignée de traités scélérats made in Troïka-Merkel, et puis des kilos d'Austérité au rayon produits frais. Le maraîcher des fruits de la croissance a déserté le marché il y a quelques années. Le Pouvoir aime partager sa cuisine, même en frétillant avec quelques pontes du Front National. Mais ils mangent dans les paradis fiscaux. Les casseroles sont une affaire de puissants. Jérôme dit à François : "Et les restaurants aux Bermudes et en Suisse, tu as goûté ? Qu'est-ce qu'on savoure !"
  Moi, je suis un français modeste comme les autres. Lorsque je fais le marché, j'ai la mine blafarde et la faim au ventre. Je me serre la ceinture et j'erre dans les allées en comparant les prix avec l'intention de m'offrir un repas sain à pas cher. Comme la paye que mon employeur se croit "obligé" de m'octroyer n'est pas assez conséquente pour pouvoir m'offrir le luxe d'un fromage "bio" ou d'un festin équilibré, je tourne les talons au Carrefour du coin. C'est celui qui tire les prix du producteur à la baisse pour s'en mettre plein les fouilles, juste pour que mes emplettes de la semaine n'excèdent pas dix euros.

1. Bienvenue dans la grande désolation de nos temps modernes.

  La grande désolation de nos temps modernes est que l'Humain se croit être un animal social doué de raison alors qu'il use de son intelligence et de sa technique pour détruire la Planète et ses écosystèmes. Avancer est devenu synonyme de retour en arrière, on prend pour modèle la destruction des liens sociaux et l'isolement, construire pour le Progrès revient à détruire pour les profits bancaires. La bêtise prend le pas sur la démission des intelligences. L'Humain qui subit tout cela, se cherche des consolations pour oublier ses frustrations d'évoluer dans une société qui l'a rendu servile. Individualisation des Êtres, banalisation des comportements névrotiques, explosion de l'égoïsme collectif, addiction aux consommations futiles, lobotomisation générale, hypnose des gadgets technologiques, crise boulimique du fast-food, l'obsession de la possession et la privatisation des biens et services colonisent tous les espaces de la vie. La dictature du paraître réprime l'Être, la tyrannie des marques et l'Avoir nourrissent convoitise, jalousie et les besoins dont nous sommes esclaves. Les maîtres du monde ont conscience que leur force ne tient qu'à l'ignorance des dominés et leur mise en compétition. Alors l'immense masse des damnés, des perdants de la "Mondialisation heureuse", développe ses lots de cancers, stress, angoisse, dépression, solitude, léthargie des consciences, psychopathologies et malaises sociaux récurrents. Champions européens d'ingérence d'antidépresseurs, nombre de salariés français oublient l'oppression de leur entreprise mais se ravagent l'estomac au bonheur de Sanofi-Aventis et des industries pharmaceutiques. Dans la cinquième puissance mondiale, 3 millions d'individus sont encore analphabètes, plus de 10% de la population active est au chômage (calculs officiels minorés...), et 8,5 millions d'individus vivent sous le seuil de pauvreté (personnes seules disposant de moins de 803€/mois). Aristote, philosophe de la Grèce Antique, disait en son temps vivant que l'Homme est un animal social. Il s'est trompé. L'Homme est une charogne, un cannibale qui se nourrit du malheur des autres pour accroître son Pouvoir personnel.

  A l'heure où les moyens techniques et cognitifs existent pour vivre en harmonie et décemment sur cette Terre, l'Humanité entame un virage inverse. Elle se dirige vers une gigantesque insurrection, une guerre civile mondiale toutes classes confondues contre une oligarchie qui serait prête à anéantir toute la planète juste par cupidité. 68 ans après la Seconde Guerre, l'Europe est redevenue un champ de bataille. Chaque salve menée contre les peuples par l'intermédiaire des traités et des lois organisant le pillage à grande échelle des épargnes du peuple, chaque assaut de la finance, avec le soutien des gouvernements, est un bras de fer remporté sur la Démocratie et les gens. Je voudrais parler du dernier en date. Une attaque rondement menée sous le soleil méditerranéen.

2. Sous les palmiers, le pillage.

  Afin de panser les pertes du casino bancaire chypriote, une nouvelle parade a été trouvée par les capitalistes. Ponctionner directement les comptes bancaires des citoyens. Auparavant, il suffisait que l'Etat rachète les créances pourries d'une banque en faillite. Ainsi, l'Etat s'endettait pour sauver un système bancaire privé ulcéré par l'appétit de la rente et la boulimie spéculative. Une fois les marchés financiers "rassurés", comme s'il s'agissait d'une personne, les banques restructurées pouvaient à loisir refaire joujou sur les marchés avec l'argent fictif (80% de la masse monétaire étant une masse spéculative issue de la dette) qui ne leur appartenait pas et n'étaient contraintes à aucune contrepartie ni obligation de remboursement. Alors que l'Etat s'endettait, il se trouvait obligé de souscrire à des emprunts sur les mêmes marchés financiers puisque sa banque (BCE) et ses voisins de l'Union Européenne avaient interdiction formelle de lui venir directement en aide. C'est là que la baguette magique intervenait : les banques privées ayant auparavant été rachetées par l'Etat, prêtaient à l'Etat à des taux faramineux allant jusqu'à 30% d'intérêts selon leur solvabilité, lorsqu'un Etat, lui, avait prêté à 2% par le passé. Une dette privée se transformait en dette publique. Et hop, le mythe de la crise de la Dette Publique était né. Facile ! Les gouvernements fantoches néolibéraux de l'Union Européenne faisaient alors reposer le poids d'une crise qu'ils avaient soutenue sur le dos du peuple en lui faisant subir de drastiques plans de rigueur économique. L'Austérité était inscrite dans le marbre des constitutions (autrement dit, toute politique de dépense publique devenait illégale). Dans la première puissance économique mondiale (l'UE), même les pays comme la France ou l'Allemagne voyaient le taux de chômage monter en flèche. Les salaires étant indexés sur le taux de croissance récession et augmentant moins vite que l'inflation, ça en fait des miséreux dans les bureaux, les usines et le caniveau. Dans le même temps, les médias aux ordres de l'Empire, pour faire avaler la pilule, répandaient l'idée que chaque plan d'austérité servirait à résoudre la crise de la dette.
  Ramenons à un individu lambda comme moi : Admettons que je n'ai pas d'argent. On me propose un prêt sans intérêts remboursable dans quelques mois. J'emprunte 5000€ à un proche. Si je perds toute la somme en jourant au casino, il paraît absolument absurde de refaire un prêt pour payer la première dette. En plus de cela, la logique voudrait que je travaille, que je dépense de l'énergie pour avoir l'argent à rembourser. L'Etat, lui, emprunte et ré-emprunte de l'argent (qui est la dette d'un autre, de par la spéculation) pour payer ses dettes et démissionne de ses fonctions, faisant reposer le coût d'une dette qu'il n'a en partie pas à payer sur ses citoyens. Logique...

  Mais à chaque entreprise privatisée, au fur et à mesure que la croissance économique ralentissait pour entrer en récession structurelle, l'Etat se trouvait inévitablement en besoin de financement. Ou en danger de défaut de paiement de ses échéances. Toute la richesse créée dans cette situation, ne sert plus au pays, mais à la rente pour le service d'une dette odieuse, illégitime. Les médias matraquent à l'heure actuelle qu'il n'est plus possible pour la France de dépenser de l'argent public pour le redonner aux gens qui en ont besoin pour vivre, car la Dette atteindrait plus de 85% du PIB. Le Japon, qui multiplie les emprunts d'Etat, possède un taux d'endettement de 205% de son Produit Intérieur Brut en 2011. Singapour, est à 118% d'endettement, les Etats-Unis à 90%. Est-ce qu'on y applique des plans d'ajustement structurels ? Des programmes d'austérité ? La Grèce qui est le 2nd pays le plus endetté du monde (152% du PIB) selon le FMI, a subi une dizaine de plans d'austérité : baisse des salaires, gel de création d'emplois, liquidation ou privatisation des entreprises publiques, licenciements en masse, fermetures d'entreprises, etc. La situation de la Grèce est à présent pire qu'avant le premier plan de rigueur ! La Grèce a servi de cobaye pour imposer en Europe la loi de l'Austérité et rapatrier des milliards de capitaux publics vers les comptes bancaires des rentiers, spéculateurs et banquiers d'affaires. Ce n'est ni plus ni moins que du vol et une violation de la souveraineté nationale des pays touchés.
  L'Espagne, le Portugal, l'Italie, la Hongrie et la France (l'Allemagne nous rejoindra très bientôt) sont maintenant concernés, une poignée de banquiers leur infligent le même traitement qu'à la Grèce et aucun gouvernement ne tape du poing sur la table. Et il faudrait ensuite que des citoyens comme moi aillent voter aux élections pour élire des savants-fous qui prennent l'Europe pour un laboratoire ! Après la Grèce, d'autres cabinets d'expérimentations de la finance sont en train d'ouvrir en Europe. Le dernier en date est on ne peut plus sauvage.

3. Chypre, nouveau laboratoire des capitalistes.

  Afin de sauver la banque nationale chypriote, en faillite à cause de délits d'initiés dans ses filiales britanniques, la proposition a été faite de ponctionner directement sur le compte des particuliers, des épargnants. En contrepartie d'un "plan de sauvetage" (nouvelle novlangue pour évoquer un plan d'ajustement structurel du FMI), la Troïka (FMI, Commission Européenne et Banque Centrale Européenne) aurait voulu ponctionner les épargnants de plus de 100 000€ à hauteur de 60% ! Bien que cette mesure n'ait pas été appliquée, il fallait quand-même oser le publier comme faisant partie des solutions. On croit rêver. Sont-ils si avares qu'ils oublient la colère qui est en train de s'accumuler doucement dans les esprits ? Sont-ils si cupides qu'ils en deviennent fous et stupides ? Je ne me vois pas demander à un pauvre si je peux lui boire les trois-quarts de sa soupe des "Restos du Cœur" pour soigner une petite fringale, ou bien voler la liquette d'un SDF parce que j'ai oublié de payer mes factures et que GDF-Suez m'a coupé mon chauffage en décembre.
  Imaginons un cinquantenaire qui a travaillé toute sa vie pour se payer une retraite, car son gouvernement grignote depuis quinze ans tous les morceaux d'une retraite publique par répartition. Ou bien quelqu'un qui dispose d'un capital de cent mille euros pour investir dans une maison, un terrain pour monter une nouvelle affaire (hôtel, camping, etc.). Après taxe de 60%, j'ai comme un doute qu'il soit réjoui de savoir qu'il ne lui resterait "que" 40 000€ de ses 30 ans d'épargne. A quoi le travail sert-il d'autre que d'enrichir les banques dans ce cas ?

  Nous voyons bien que le remède envisagé pour pallier les faillites bancaires n'est pas de faire participer les plus riches à l'effort d'une crise économique et bancaire de grande ampleur. Car lorsque les Fronts de Gauche des pays européens se proposent d'instaurer des barêmes d'impôts sur le revenu des plus hautes fortunes, ou de répudier une partie de la Dette, pour retrouver une manne financière et un système fiscal progressif, équitable, démocratique, on les écarte, on les taxe de populistes, de stalinistes, de démagogues. Une fois passées les élections, il devient normal de ponctionner les comptes bancaires des petits épargnants.  
  Osons espérer que cela suffirait à la France ou à l'Espagne pour déclencher une insurrection, que nous ne nous laisserions pas faire. Car leur prochaines ponctions se feront dans les "vieux" pays de l'Union Européenne dont nous sommes censés être des citoyens souverains. Italie, Espagne, Portugal, puis France, Allemagne, etc. Il est probable que Chypre ne soit juste qu'un laboratoire et que nous soyons les cibles de demain si leur expérience a réussi. Lorsque nous n'aurons plus rien, plus le droit de trouver un travail, plus d'accès aux infrastructures, en voie de Tiers-mondisation (processus déjà entamé) et que l'Etat ne sera plus qu'une paille sucée par les banques pour nous absorber, il sera trop tard pour la Résistance. Cette fois-ci, contrairement à 1939-1945, on ne pourra pas reprocher aux endormis de n'avoir pas été prévenus.
  
  La France est un beau pays qui possède tout ce qu'il faut pour être un grand pays du monde : agriculture, industrie, tourisme. Les ressources sont abondantes, la démographie y est l'une des plus jeune et dynamique de la zone euro, le peuple est éduqué. J'ai grandi dans un pays qui savait affirmer sa position dans le monde et qui tapait du poing sur la table pour conserver sa souveraineté. Nous avons hérité d'une histoire forte, d'une culture de la contestation dont il faut savoir se servir, d'un goût pour le débat public et/ou politique. Il fut un temps où nombre de pays prenaient exemple sur la France, sa vision des Droits de l'Homme, ses idées et luttes révolutionnaires, sa culture sociale. Il fut un temps où les gouvernements servaient à consolider un Etat-Nation et faisaient de leur mieux pour régir démocratiquement une population veillant sur ses gardes contre l'autoritarisme et l'arbitraire. Depuis quarante ans de néolibéralisme effréné, la gouvernance signifie détruire systématiquement les héritages sociaux du passé, les savoir-faire et les liens sociaux. Les cerveaux sont atrophiés, la culture de la dénonciation a été remplacée par une docilité affligeante et l'ignorance a pris l'ascendant sur l'optimisme, la lutte et la réflexion. Abrutis par la télévision et la dictature du superficiel, les jeunes ne s'abreuvent plus que d'inculture, de soupes musicales commerciales érigées comme culture dominante, une décennie 2000 plate, terne, sans aucune créativité artistique. Ce "goût du bonheur qui rend ma lèvre sèche" dont parlait Jean Ferrat possède un arrière goût de moisi aujourd'hui et la "Belle, la Rebelle" qui "répond toujours du nom de Robespierre" est amnésique. Alors que la France plonge avec le reste du monde dans une Grande Régression sociale à tous niveaux, elle applaudit devant les bourreaux qui la féodalisent. Il fut un temps, enfin, où mon pays cultivait les Idées politiques avec vigueur et pouvait parler ou gloser sur Socrate, Platon, Aristote, Machiavel, les Lumières, les penseurs révolutionnaires ou libéraux, de Marx à Tocqueville, de Comte et Proudhon à Zola, de Camus à Sartre. Elle cite aujourd'hui d'insupportables cuistres tels que BHL, Attali ou Fourest, elle s'abreuve de Loana, Jenifer, Johnny Halliday, D. Guetta ou de Gangnam Style. L'art n'a plus d'importance esthétique, seul son taux de rentabilité compte. La science, le savoir, la recherche n'ont plus à être réfutés, vérifiés, partagés, mais répondent à des obligations de rentabilité financière. En politique, la France mange en coulisse dans la main des dictateurs africains, des pontes de Goldman sachs comme les Monti, les Draghi et Papandréou, elle se prostitue aux chiens austéritaires qui voudraient faire de l'Europe un paillasson de la finance. Je ne suis pas trop patriote, mais il serait temps que les pays de l'Union Européenne qui sont attaqués aujourd'hui, s'unissent et retrouvent leur dignité, leur souveraineté, leur culture, leur conscience collective.

  Lorsque F. Hollande fait son marché, il choisit de nourrir la finance plutôt que les petits producteurs, ses citoyens, les classes populaires et moyennes. J'entends dire qu'il ne fait pas changer la France. Il n'est pas seul non plus et ne fait pas ce qu'il veut. Mais il est davantage du côté des intérêts de la finance que de ceux de la population. Ouvrons les yeux, nous sommes en guerre. En guerre contre nos propres gouvernements, contre les "17 Salopards de l'Europe", les institutions financières internationales, la Troïka et les dignitaires du régime néolibéral. Banquiers, hommes de pouvoir, lobbyistes, rentiers, députés corrompus ou sinistres "socialistes" pratiquants l'évasion fiscale, il ne faudra pas venir pleurer à la barre du tribunal révolutionnaire que le peuple en colère choisisse la corde et la dynamite à tous les chefs et les traîtres plutôt que l'indulgence le jour où la rage explosera.

Samuel Moleaud, 7 avril 2013.
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5 réactions


  • Plumdanslcu* 8 avril 2013 15:50

    Excellent article , cynique mais tellement réaliste.
    Mais qu’il est dure de faire passer le message.
    Avant on me disais parfois tu m’entend mais tu ne m’écoute pas, aujourd’hui beaucoup ne veulent même plus entendre


  • Louna 8 avril 2013 16:05

    Superbe article, bravo et merci !


  • Franckledrapeaurouge Franckledrapeaurouge 8 avril 2013 16:14

    Bonjour,


    Voici un très beau texte, lucide et pertinent qui a un moment donné ma fait entrevoir, imaginé le mot démocratie, un beau rêve, un jour peut être...

    Merci Mŕ Samuel

    Cordialement

    Franck

  • Franckledrapeaurouge Franckledrapeaurouge 8 avril 2013 16:20

    Bonjour,


    Nous allons bien nous réveiller un jours quand même ?

    Cette démocratie, c’est à nous de la faire mais j’ai l’impression que les gens sont endormie,

    Hypnotisé, ils attendent tranquillement que tous s’effondre, ou alors ils n’ont toujours pas. 

    compris....

    En tous cas superbe texte

    Franck

  • Loup Rebel Loup Rebel 8 avril 2013 19:23

    Oui, excellente littérature.

    Est-ce une invitation à la révolution ?

    De toute façon, il faudra bien en arriver là tôt ou tard. Et il ne faut pas compter sur un homme providentiel qu’on ira chercher comme on l’a fait avec De Gaule.

    Remplacer des gangsters par d’autres gangsters, ça suffit, voilà 30 ans qu’on fait ça, et les parrains qui se succèdent font monter les mises toujours plus hautes.

    Alors on fait quoi ?

    On immole Cahuzac et quelques autres sur un bucher place de la Bastille ?

    On fait la prise de l’Élysée ?


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