mercredi 16 avril 2014 - par Benoit Alphand

Moulay Hicham : Le triste lamento d’un prince à l’ambition illégitime brisée

Les mémoires apocryphes et douteuses de Moulay Hicham publiées cette semaine chez Grasset n’apportent rien sinon la preuve que cette complainte n’a d’autre objectif que de tromper le public sur les desseins inavouables d’un prince rongé par une ambition illégitime aujourd’hui brisée par la puissance de la vérité.

C’est un pavé de 363 pages, une longue litanie qui vous tombe souvent des mains tant la victimisation y est permanante, lancinante, comme une ligne de crète que suit avec peine son auteur, ou plutôt ses auteurs, le texte changeant de style de chapitre en chapitre révélant la cohorte de ses rédacteurs de l’ombre.

Que nous révèle donc ce petit traité de politique-fiction enrôbé de contes pour adultes ? Pas grand chose en réalité que nous ne sachions pas, sauf que le prince Moulay Hicham El Alaoui comme il aime désormais se faire appeler a pris soin de tout déballer sur sa vie intime, ses péripéties barbouzades, son affairisme décomplexé en travertissant l’essentiel, c’est-à-dire la vérité.

En refermant son ouvrage, une conclusion s’impose à tous : le prince qui s’est banni de lui-même de son rang et de son pays a voulu réécrire sa longue descente aux enfers qu’il a lui-même provoquée, alimentée et voulue. De son rôle marginal dans l’exercice de son statut de neveu parmi les neveux de Hassan II, il tente de se donner par un récit mémoriel tronqué et tarabiscoté, un rôle central dans la transition royale qui a vu l’avènement du roi Mohammed VI.

C’est l’histoire fictive et romancée d’un « mauvais prince ». L’expression, il se l’approprie dans son ouvrage pour en vider le sens premier. Car de mauvais prince, en effet, il est question. Hautain, revenchard, égoïste et si souvent intrigant. Contrairement à ce qu’il prétend pour se couvrir, son œuvre collective est un mille-feuille de petites phrases assassines, de fiel distillé contre sa propre famille, contre son roi et les institutions du pays dont il ne supporte pas la symbiose avec le peuple marocain et la popularité , contre son lignage dont il veut maitriser le destin en faveur de ses propres desseins inavoués, contre son oncle, le défunt Hassan II à qui il se mesure avec un ridicule jamais atteint, contre sa sœur qu’il décrit hystérique et en bigoudis parce-qu’elle a refusé son paternalisme affairiste, contre son frère trop discipliné et sage à son goût, contre sa mère qu’il renvoit opprtunément à ses origines libanaises pour expliquer son ralliement au trône comme si celui-çi ne pouvait être mu par la conviction, contre son père enfin, le prince défunt Moulay Abdallah qu’il dépeint sous des traits peu amènes alors que lui-même fustigeait la presse à sensation qui en avait fait un portrait malsain.

C’est donc en mettant le feu au logis qui l’a chéri et porté à l’âge adulte que le prince veut « démanteler le Makhzen ». Son hérésie est si violente qu’il tente se faisant par un tour de passe-passe mal maîtrisé de se positionner en force de proposition, offrant même par l’onction qu’il donne à des mouvements dont il n’a cure « un royaume pour tous ». Quelle prétention de vouloir charmer pêle-mêle, les jeunes du 20-Février, les islamistes de tous bords, les anciens gauchistes, la classe bourgeoise et même l’Occident pour qui il veut ravaler sa propre façade en affirmant une américanophilie de pacotille.

Reprenons presque pas à pas son conte : Pour justifier ses résultats scolaires moyens au Collège royal, il prétend que ses professeurs l’ont disqualifiés sciemment comme un mauvais élève qui justifie ses mauvaises notes à ses parents en accablant ses maîtres. Le reste est à l’avenant, magma de jeux d’adolescents et de rites de passages pour expliquer que finalement, il n’est pas coupable de ses travers, mais qu’il les a apprises au cœur de sa maison, Dar-al-mulk, forcément corruptrice. Ce serait au creux de son enfance qu’il faudrait donc décrypter ce qu’il avoue à demi-mots : son « banditisme ludique » qui l’a mené plus tard à amasser une fortune en milliards de dollars en brigandant les multinationales dans l’activité peu scrupuleuse de marchand d’armes. C’est ainsi qu’il explique son « émergence économique » en pseudo-Takieddine qui jongle avec les conflits internationaux, les transactions sur les canons et en s’acoquinant avec des entremetteurs d’affaires dans les places financières off-shore et les « zones grises » du Moyen-Orient, des Balkans ou d’Asie.

Jolie, mais trompeuse pirouette que d’affirmer qu’il a appris « la comédie » au Palais pour s’en servir et gagner sa fortune loin de son pays. Son déballage de puérilités ne convainc personne en réalité, lui qui monte sur ses grands chevaux pour dicter la marche à suivre aux entreprises royales, qu’elles soient économiques ou politiques et qui raconte sans sciller qu’il a été et est toujours de tous les trafics, de ses projets immobiliers mort-nés au Maroc à son aventure catastrophique dans les méandres du capitalisme sauvage à l’international. Il affirme que le patrimoine chérifien doit être nationalisé comme le ferait un idéologue stalinien, mais ne compte pas investir un kopek dans son propre pays parce-que l’Etat lui refuserait des avantages indus et que sa famille refuse de s’associer à son entreprise vorace.

Il se prétend génétiquement et politiquement favorable à la monarchie, mais fustige une royauté pour laquelle il voudrait se hisser en maître. Bien sur, son obsession « d’Iznogoud », de « calife à la place du calife », il l’a réfute pour mieux tromper son public. Il repousse d’un revers de la main le qualificatif de « prince rouge » qu’il a pourtant lui même chuchoté à ses anciens disciples dans la presse à sensation. Il remercie les Aboubakr Jamaï, les Ali Lmrabet, les Ali Amar et les autres porte-plumes de son passé en les égratignant au passage parce-que ceux-çi ne lui sont plus d’aucun secours aujourd’hui, tant son jeu a été démasqué depuis fort longtemps.

Alors, au lieu de faire son mea-culpa, de reconnaître qu’il a tant milité en catimini contre sa propre nation, il se retire avec fracas en réinventant son propre mythe. C’est comme dit le dicton, la charité qui se moque de l’hôpital.

Son récit est truffé de contre-vérités, sur ses rapports avec Hassan II, sur son éloignement de la Maison royale qu’il instrumentalise à nouveau en narrant une version alambiquée des barbouzeries dont il a été le chef d’orchestre et dont il se pose aujourd’hui comme une victime expiatoire. Ce n’est guère étonnant qu’il fasse l’éloge funèbre des journaux qu’il a manipulés, de ses amitiés perdues qu’il a souillées, des officiers de l’armée qu’il a tenté de faire rallier à son entreprise de destabilisation, de Driss Basri qu’il dépeint avec opportunisme comme un « incorruptible » et la liste est longue. Qu’il est aisé aujourd’hui de faire parler les morts pour se tailler le costume de l’intellectuel blasé.

Que restera-t-il de cette litanie d’anecdotes frelatées qu’il n’a eu cesse des années durant à ressasser les versions contradictoires dans les salons de Rabat, de Casablanca où se pressaient une farandole d’obligés ? Rien pour l’Histoire, car ses petites histoires laissent au final un goût de cendre au lecteur qui débourserait 18 euros pour s’enfumer l’esprit d’un « journal » écrit d’une plume trempée dans le mensonge, la vilénie et l’excentricité. 



1 réactions


  • COVADONGA722 COVADONGA722 16 avril 2014 22:25

     yep , que voila une belle plume ! las, stipendiée. Nous savons désormais que l’auteur a un prix, on espère que son Altesse aura pris la mesure de la bassesse

    et que la rémunération embaumera ce fumet de fosse d’aisance .
    aucune formule de politesse ne me venant à l’esprit .... 


    asinus : ne varietur

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