lundi 1er août 2016 - par Robin Guilloux

Pascal Bruckner, La sagesse de l’argent

Pascal Bruckner, La sagesse de l'argent, Editions Grasset et Fasquelle, 2016

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Pascal Bruckner est l'auteur, entre autres de La tentation de l'innocence (prix Médicis de l'essai, 1995), Les voleurs de beauté (prix Renaudot, 1997), Misère de la prospérité (prix du meilleur livre d'économie, prix Aujourd'hui, 2002), Le fanatisme de l'apocalypse (Prix Risques, 2011) et Un bon fils. Son oeuvre est traduite dans une trentaine de pays.

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Table :

Introduction : Les voeux de Lénine -

Première partie : Les adorateurs et les contempteurs

Chapitre 1. Le fumier du diable - Chapitre 2. De l'éminente dignité des pauvres ? - Chapitre 3. La France ou le tabou de l'argent - chapitre 4. L'Amérique ou la monnaie spirituelle

Deuxième partie : Trois mythes sur le veau d'or

Chapitre 5. L'argent, maître du monde ? - Chapitre 6 : L'opulence rend-elle malheureux ? - Chapitre 7 : Le calcul sordide a-t-il tué l'amour sublime ?

Troisième partie : Richesse oblige

Chapitre 8 : Réhabiliter les valeurs bourgeoises ? - Chapitre 9 : S'enrichir n'est pas un crime ni s'appauvrir vertu - Chapitre 10 : La main qui prend, la main qui rend

Conclusion : Une schizophrénie assumée

Quatrième de couverture :

« L’argent est une promesse qui cherche une sagesse. L’expression doit s’entendre au double sens : il est sage d’avoir de l’argent, il est sage de s’interroger sur lui. Il rend tout homme philosophe malgré lui : bien penser, c’est aussi apprendre à bien dépenser, pour soi et pour autrui. Avec l’argent, nul n’est à l’aise : ceux qui croient le détester l’idolâtrent en secret. Ceux qui l’idolâtrent le surestiment. Ceux qui feignent de le mépriser se mentent à eux-mêmes. Engouement problématique, réprobation impossible. Telle est la difficulté. Mais si la sagesse ne consiste pas à s’attaquer à cela même qui paraît à tous le symbole de la folie, à quoi bon la philosophie ? »Afficher l'image d'origine

"L'argent naît dans l'effroi de son invention : tout lui sert de véhicule, les métaux, les coquillages, le sel (d'où vient le mot salaire), le bétail (pécuniaire vient du latin pecus, le boeuf), de même que le terme indien rupee remonte à une racine sanscrite qui signifie aussi bétail." (p.19)

L'auteur évoque la question de l'argent depuis l'antiquité grecque, de la réprobation platonicienne à l'attitude plus mesurée et plus scientifique d'Aristote, le père des sciences économiques, du judaïsme - l'épisode du veau d'or dans la Torah - au christianisme évangélique qui condamne l'argent comme fin mais non comme moyen, ainsi que les divergences culturelles fondamentales, si l'on en croit Max Weber (L'ethique protestante et l'esprit du capitalisme), entre la conception catholique, contradictoire et éminemment paradoxale, pour ne pas dire "névrotique", qui domine en France et dans les pays latins et la conception protestante, plus cohérente et plus pragmatique de l'Allemagne et des pays du Nord, divergences historiques qui pourraient éclairer les rapports très différents que les Allemands et les Français entretiennent aujourd'hui avec l'économie de marché et par voie de conséquence l'épineux problème des "critères de convergence".

"L'esprit d'entreprise, l'appât du gain n'ont en soi rien de honteux, affirme Pascal Bruckner. S'il y a de l'argent sale, il y a surtout de l'argent juste quand il est gagné par le labeur, l'intelligence, l'audace. Aucun des problèmes posés par le numéraire ne vaut en importance et en gravité les problèmes posés par le manque d'argent." (p.134)

La sagesse de l'argent ne se réduit pas pour autant à un éloge de "l'argent propre" ; il offre des aperçus passionnants sur la culture américaine, si difficile à comprendre pour un Européen avec son mélange d'amour de l'argent, de patriotisme et de moralisme, à partir d'une comparaison entre la symbolique du dollar et celle de l'euro, sur le thème de l'argent dans la littérature (Balzac, Zola, Fitzgerald...), il remet en cause le "cliché" de la "toute puissance de l'argent" ("Il n'existe aucune contrée au monde qui soit régie par les seules lois du profit." ; "L'argent n'achète que ce qui peut l'être") et met en garde contre une "double erreur symétrique" : minimiser le rôle de l'argent ou le surestimer : "L'argent est le remède et le poison, il dispose d'un pouvoir émancipateur qui peut s'inverser en maladie mortelle." (p.177). 

Après s'être demandé si la richesse rend malheureux. Pascal Bruckner analyse à la fin de la deuxième partie (chapitre 7) : "Le calcul sordide a-t-il tué l'amour sublime ?" les relations entre l'argent, l'amour et la sexualité et entre l'argent et le jeu, notamment le Loto, "version sécularisée de la grâce". (p.200)

"L'argent est une machine athée, capable de tout monnayer, mais incapable de tenir les hommes entre eux. Le vrai lien se forge sur le long terme, dans une communauté de citoyens qui partagent un même destin et participent à une création collective qui les dépasse." (p.114)

Il s'agit, vis-à-vis de l'argent comme de toute autre chose (le pouvoir, la mort, le désir...) de mieux penser (le début de la morale, selon Pascal), pour mieux agir. Car ce n'est pas l'argent en soi qui est un mal, mais tout ce que nous y projetons : l'avarice, l'envie, la vanité, voire l'antisémitisme

L'auteur met l'accent sur l'envie, encouragée selon lui par la révolution démocratique et de l'enfer duquel on ne sort, toujours selon lui, que par l'admiration : "Dès lors que les Révolutions américaines et françaises ont ouvert la boîte de Pandore de l'égalité et du droit au bonheur, elles ont relâché le monstre de la comparaison, donc de la concurrence." (p.158)

Il s'intéresse dans la troisième et dernière partie du livre au comportement - admirable, utile ou révoltant et de surcroît destructeur du lien social - des gens fortunés et aux avatars d'une figure archétypale, celle du "bourgeois", du XIXème siècle à nos jours.

L'auteur explique pour finir que la sagesse consiste à "assumer la schizophrénie" à l'égard de l'argent : "fluide indispensable, il peut à tour moment devenir un petit démon qui ne nous laisse pas en paix. Il est vraiment le pharmakon, le remède et le toxique, en même temps." (p.287)

"La fortune n'est que la métaphore de la vie, si belle, si fragile. Accepter que tout ce qui nous fut accordé puisse nous être repris ; en retirer malgré tout un immense sentiment de gratitude. Telle est l'ultime sagesse." (p.290)

 



16 réactions


  • Jo.Di Jo.Di 1er août 2016 12:26

    « L’argent est le dieu jaloux, d’Israël, devant qui nul autre dieu ne doit subsister. L’argent abaisse tous les dieux de l’homme et les change en marchandise. L’argent est la valeur générale et constituée en soi de toutes choses. C’est pour cette raison qu’elle a dépouillé de leur valeur propre le monde entier, le monde des hommes ainsi que la nature. L’argent, c’est l’essence séparée de l’homme, de son travail, de son existence ; et cette essence étrangère le domine et il l’adore. Le dieu des Juifs s’est sécularisé et est devenu le dieu mondial. Le change, voilà le vrai dieu du Juif. [...]
    C’est dans ce sens que Thomas Münzer déclare insupportable que toute créature soit transformée en propriété, les poissons dans l’eau, les oiseaux dans l’air, les plantes sur le sol : la créature doit elle aussi devenir libre. »

    ’La Question Juive’ Karl Marx


    • Jo.Di Jo.Di 1er août 2016 12:33


      Le free-branling, la contrainte impérative de jouissance du bobo kohntripotiste gôôôchiste fétichise l’Argent dieu juif :
       
      « La classe possédante et la classe prolétarienne manifestent la même auto-aliénation humaine mais la première se sent confirmée ds cette auto-aliénation sachant que cette aliénation est son propre pouvoir et lui fournit l’APPARENCE d’une existence humaine. » 
       

      Marx La Sainte Famille
       
      «  Il ne s’agit plus d’imitation, ni de redoublement, ni même de parodie, mais d’une substitution au réel des signes du réel, c’est-à-dire d’une opération de dissuasion de tout processus réel par son double opératoire, machine signalétique métastable, programmatique, impeccable, qui offre tous les signes du réel et en court-circuite toutes les péripéties.  »
       
      Baudrillard Simulacres et Simulation
       
      « Le puritain se considérait lui-même, considérait sa propre personne comme une entreprise à faire fructifier pour la plus grande Gloire de Dieu. Ses qualités ‘personnelles’, son ‘caractère’, à la production desquels il passait sa vie [à les améliorer dévotement], était pour lui un capital à investir opportunément, à gérer sans spéculation ni gaspillage. A l’inverse, mais de la même façon, l’homme-consommateur [bobo de gôôôche sexe décérébré multiethniqué multidékulti pousseur de Caddie] se considère comme DEVANT-JOUIR, comme une ‘entreprise-de-jouissance-et-de-satisfaction’. Comme devant-être-heureux, amoureux, adulé/adulant, séduisant-séduit, participant, euphorique, dynamique. C’est le principe de maximisation de l’existence par multiplication des contacts, des religions, par usage intensif de signes, d’objets, par l’exploitation systématique de toutes les virtualités de jouissance.
      Il n’est pas question pour le consommateur, le citoyen moderne de se dérober à cette contrainte de bonheur et de jouissance, qui est l’équivalent dans la nouvelle éthique de la contrainte traditionnelle de travail et de production. »
       

      Baudrillard


  • filo... 1er août 2016 13:15

    Beh, ce n’est pas lui qui me fera courir pour acheter son livre. Ce pseudo écrivain.

    Qui fait plus souvent de la politique que de l’écriture. La politique à la « BHL ».
    Des gros crachats sur les russes et les slaves. Il oublie ces millions des morts russes pour sauver ses semblables de fours crématoires. Ingrat va !

    Comment trouve-il encore du temps libre pour écrire ?
    Ou plutôt demandons nous (c’est légitime) est ce que c’est vraiment lui qui écrits ses livres ?

    Écriture pour lui c’est plutôt comme une bouée de sauvetage qui lui permet de remonter à la surface médiatique ; sous les réflecteurs.
    Comme une m... qui cherche à remonter à la surface. Et une m... ça remonte toujours à la surface.


  • Pyrathome Pyrathome 1er août 2016 14:48

    Bruckner, ce néo con grand admirateur de bush et son engeance de criminels.....
    Permettez-moi de vomir et de tirer la chasse sur toutes ces ordures, merci.....


  • Raoul-Henri Raoul-Henri 1er août 2016 16:25

    à M. Guilloux.

    Étonnant que le terme « monnaie » soit absent de cette présentation pour désigner l’objet, alors que « monnayer » est utilisé pour transcrire le moment du commerce. En est-il de même dans l’ensemble de l’ouvrage ? Bien que certains aspects sociologiques sonnent juste, j’ai l’impression d’une fixation sur le mot « argent », comme s’il était le seul conteneur possible. Ici une pauvreté de langage qui n’incite pas à l’échange par l’achat du bouquin.

    Je ne sais quoi penser de l’étymologie ’donnée’ du mot « salaire ». Bien entendu le sel a servi de vecteur d’échange, mais comme tant d’autres matières qu’il serait vain d’essayer de les énumérer. Une approche kabbaliste (ou en langage des oiseaux pour les allergiques) donnerait plutôt : sale-air. Le sale air prélevé au cul de l’entre-prise (mais çà, c’est pour les initiés à la monnaie).

    «  transformer la monnaie pour qu’elle cesse d’être un facteur d’accumulation, mais un flux qui s’écoule, qui se consume en même temps que les biens produits se consomment » Jacques Duboin
    Duboin parle de la transformation monétaire, de la remise de dette systématique, systémique ; idée complètement absente de toute analyse officielle des ’Grands Penseurs’ payés très cher pour étudier cet objet de la monnaie.

    L’argent n’est qu’un moment du circuit naturel de la monnaie. Il y aussi l’Or et le Bronze (niveaux potentiels symboliques, il n’est pas question de métaux). Et l’humain n’utilise pas ce circuit. Il l’a pourtant fait plusieurs fois par le passé ; et cela a même donné quelques monothéïsmeS (sic) dont le sens n’est plus contemporain mais dévoyé en dogmes dit religieux.

    Sans aucun à-priori puisque je ne connais aucun livre de cet auteur, l’introduction de cet article me paraissait prometteuse malgré un titre défiant le bon-sens (celui donné par la pompe sanguine). Mais très vite le désenchantement vient à poindre et à s’installer. Cette présentation ressemble à s’y méprendre au terme ’sataniste’ : défendre à mort le désordre de la circulation monétaire et l’avarice qui s’en suit.
     


    • Raoul-Henri Raoul-Henri 1er août 2016 16:31

      @Raoul-Henri
      J’ai oublié de mentionner le titre du chapitre quatre qui comporte le terme monnaie dans « monnaie spirituelle ». Un bémol à mon commentaire du dessus.
      De quoi s’agit-il ?


    • Robin Guilloux Robin Guilloux 1er août 2016 18:06

      @Raoul-Henri

      Pascal Bruckner s’intéresse dans le chapitre quatre à la symbolique du dollar américain, qu’il compareà celle de l’euro et qu’il qualifie de « monnaie spirituelle » : « Monnaie majestueuse et austère signifiant que gagner de l’argent est autre chose qu’un vulgaire divertissement : une affaire de la plus haute importance. Nul besoin d’un supplément d’âme, l’âme est dans le banknote. Le dollar est une eucharistie de papier. » (p.83) ; cette dimension religieuse du dollar avait déjà été notée par Louis-Ferdiand Céline dans Le Voyage au bout de la nuit.


    • Raoul-Henri Raoul-Henri 1er août 2016 19:53

      @Robin Guilloux

      Bien entendu la monnaie (par son triptyque Or, Argent, Bronze ; mais il y a bien d’autres appellations, par ex : Père, Fils, Saint-esprit) est éminemment religieuse, spirituelle. La religion unie-vers-sel n’existe d’ailleurs que pour cela. La monnaie trinitaire, c’est à dire à trois niveaux de potentiels différents, ainsi que son sens unique dans une boucle nommée Dieu (le sang ne remonte pas les artères) est l’objet de cette religere, ou reliure gérée.
      « Gagner de l’argent » : cette formule n’a aucun sens spirituel ; et celui contraire des idoles adulés. Accaparer la monnaie est une dépossession d’autrui, une dépossession de la souveraineté individuelle ; qui plus est par le sale-air. Cette inversion totale du sens religieux porte chez moi un coup d’arrêt définitif à mon attention bienveillante pour ses écrits. Encore un sataniste qui se pare des vertus de la monnaie scripturale et qui nous la joue à l’envers avec le flûtiau déglingué comparse de la misère humaine.

      Merci de cette réponse ; cela confirme mes doutes sur ce bouquin et ce qu’il colporte. Il est une propagande oligarchique nauséabonde. Mais pourquoi diable s’en faire le relais ici ? :)

      Avez-vous suivi les liens que je vous ai laissé et dont le contenu démontre l’absolu contraire de ce que cet individu prétend ?


  • Taverne Taverne 1er août 2016 16:34

    Bruckner se trompe : la constitution américaine ne parle pas de « droit au bonheur » mais de « droit à la recherche du bonheur », ce qui est une nuance de taille.


  • escoe 1er août 2016 17:16

    Cet « ouvrage » est un condensé du boniment néocon néolibéral américain.


    • LOKERINO LOKERINO 1er août 2016 21:59

      @escoe
      et oui , ca fait mal au cul qu’un intello de gauche vilipende (votre) la gauche  !
      D’où votre réaction désespérée et pathétique, négation de l’intelligence humaine

      Quel vertige serait ce de reconnaitre s’être trompé pendant des décennies !! évidement pas a la porté du plus grand nombre , pas a la votre assurément ,


  • Jean Keim Jean Keim 2 août 2016 19:16

    La place de l’argent a enflé avec la dilatation des egos.


  • Taverne Taverne 2 août 2016 23:03

    Le titre « la sagesse de l’argent » n’a aucun sens. La sagesse, c’est le sommet de la Connaissance. La sagesse, c’est Socrate

    L’argent n’apporte aucune connaissance. Le titre est racoleur pour...faire de l’argent !


  • pierre224 (---.---.45.104) 4 août 2016 17:44

    L’argent est certainement la forme la plus aboutie de non violence entre les individus. Il est le lien du donnant donnant qui concrétise l’ action par l’ échange alors que les paroles et les écrits ne sont que des mots. Après si certains ont des problèmes avec ce fait, ce n’ est certainement pas par la vulgarité du discours qui est bien une forme de violence qu’il les régleront.


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