samedi 9 janvier 2016 - par Bertrand Loubard

Paul Kagamé : « Yes I Can ! »

Si l'on en croit :

http://democratie.francophonie.org/IMG/pdf/Rwanda.pdf

la Constitution rwandaise préciserait dans son Art 109 :

"Le Président de la République peut, sur proposition du Gouvernement et après avis de la Cour Suprême, soumettre au référendum toute question d'intérêt national ou tout projet de loi ordinaire ou organique ainsi que tout projet de la loi ............."

Dans son Art 193 elle stipulerait :

"L'initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au Président de la République ............ Toutefois, lorsque la révision porte sur le mandat du Président de la République, .........elle doit être approuvée par référendum, après son adoption par chaque Chambre du Parlement. Aucun projet de révision du présent article ne peut être recevable."

La Constitution rwandaise prévoit donc bien la possibilité d'un référendum portant sur sa propre révision (même si cette révision est "initiée" par le Président). Suivant certains analystes, en effet, la Constitution rwandaise pourrait être considérée comme une simple loi ordinaire ou organique d'un "certain type" et non pas comme LA LOI fondamentale. Dès lors, une révision de la Constitution ne nécessiterait pas une législature "constituante", sortie des urnes au suffrage universel. D'autres observateurs estimeraient cependant qu'un pouvoir n'est constituant que s'il émane du peuple à travers des élections multipartites mandatant des élus dans les rôles d'Assemblée Constituante, de Parlement ou de Congrès seuls "organes amendeurs licites". Il en irait, pour ceux-ci, du fondement même de l'Etat de Droit..... !

Mais puisque, de toutes les façons, l'organisation d'une pétition, la rédaction d'amendements, la mise sur pieds d'un référendum ou d'élections législatives au suffrage universel débouchent, au Rwanda, sur des scores constants, inévitables et donc prévisibles de 98,3 % (ou plus) pour le FPR, cela ne changerait ni le résultat des courses ni l'ordre des arrivées (Suivant l'expression de Colette Braeckman à propos des dernières élections en RDC). En fait, c'est bien cette situation trouble "constitution - élections" qui a été et est constatée, in fine, dans tous les systèmes à Parti Unique et/ou autres Mouvements, entre autre sous Habyarimana (ce qui lui a d'ailleurs valu d'être assassiné).

Dans l'optique rwandaise actuelle, il ne faudrait cependant pas perdre de vue que Paul Kagamé est un "visionnaire" (sic Tony Blair) que le pouvoir n'aveugle pas. Il est d'une clairvoyance futuriste. Il veut donner à son peuple une visibilité égale à celle de Hong Kong. Sa stratégie, sa tactique et sa vista sont sur le long terme. D'ores et déjà, les chiffres (même visiblement techniqués) ouvrent des perspectives pour un pays où tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté. Pourquoi ne pas "continuer le travail" ?

En annonçant sa soumission à la volonté du peuple et ipso facto sa candidature à sa propre succession, Kagame n'aura donc pas créé la première surprise de 2015 (ni sans doute la dernière de 2016). Le peuple, en réalité, a le choix : Kagamé ou le chaos !

Y avait-il cependant, pour lui, d'autres solutions pour les élections de 2017 ?

Une première solution aurait-elle pu être du type "Poutine-Medvedef" ? On ne voit que très difficilement des James Kabarebe, Jack Nziza et autres Louise Mushikiwabo (and Co) garder "chaud le trône" pour Kagamé, jusqu'au septennat (quinquennat) suivant. Surtout quant on sait que Karenzi Karake, par exemple, a été amené à adopter lui aussi, la stratégie de Rose Kabuye pour être "vacciné" et, de fait, être "évincé" du même coup d'une potentielle régence (même de service)..... Donc solution impraticable ! Une deuxième solution aurait-elle pu être du genre "Vice - Présidence" et/ou "Vice - Primature" ? Les accords de paix d'Arusha de 1993 n'instituaient pas un régime avec Vice - Présidence. Mais Kagamé lui-même l'avait créée, cette Vice - Présidence qu'il occupat pour que, "sous" Pasteur Bizimungu, Hutu de service en l'occurrence, il lui soit permis d'être le vrai "Patron". (A propos de cette péripétie, la Communauté Internationale s'est d'ailleurs empressée de se taire en chœur d’une manière assourdissante). Rééditer ce coup avec l'un ou l'autre des deniers survivants parmi ses meilleurs ennemis de l'intérieur serait risqué. A moins que ce dernier ne soit victime d'un stress post-électoral, d'une longue et pénible maladie, d'un accident de voiture ou d'une tentative de coup d'état (par des Génocidaires Hutus, évidemment). Ceci obligerait Paul Kagamé d'assurer, en un "état d'urgence de transition", la continuité de la souveraineté de la Nation, etc., etc......Exit, évidemment, cette deuxième solution ! Une troisième solution aurait-elle pu s'inspirer du scénario de "Bill et Hillary", celui de "Fidel et Raul", "Michel Père et Fils" ou de celui de "Busch Père, Fils et Frère" ? Il ne faut pas parler de Jeannette : la Pelisidakazi doit encore 20.000.000 de US$ à Viktor Bout, ce qui n'est pas une référence ni une assurance.... ! Yvan, le fils, n'a pas fini de "sortir" de West Point ce qui suffit à "terriblement" le "disqualifier". Ange, la fille, a bien été La Débutante en vue lors du "sommet" USA - Afrique d'août 2014 en y faisant son entrée dans le Gotha, d'une manière assez "hautaine". Mais, à côté de ce détail de l'histoire, avec elle c'eût été comme un nouveau "Rucunshu", un pas vers une sorte de matrilinéarité - incestueuse, un passage du pouvoir de la Reine Mère à la Fille Reine : transgression interdite par l'Ubwiru pour le clan des Abagyinia issus du lignage Ibimanuka. (Ceci n'est pas un blasphème comme dirait Magritte...mais à l'heure de Charlie, ne pas blasphémer pourrait-il conduire au bûcher ?).Donc, il n'y aura pas photo !

En tout état de cause, tout cela n'est que de la cuisine intérieure rwando - rwandaise. Mais quid de la Communauté Internationale Amie du Peuple Rwandais..... ?

En RDC, les FDLR et autres Interahamwe sont quasiment tous "retraités" et seul Bosco Ntaganda est à La Haye depuis bientôt 2 ans. (Il faut se rappeler que Jean Pierre Bemba y est depuis près de 8 années, il n'y donc pas le feu au lac....). Mutabazi est décédé et il ne reste que Nkundabatware qui a eu le tort de se moquer de Louis Michel en s'affublant de chasubles et autres accoutrements de prédicateur lors de sa dernière rencontre avec le Député Européen, laïc, dans la ferme de Madame Nicole de Nganjo. Tant que les petits voleurs de rue de Kigali seront rééduqués comme gratteurs - creuseurs au Kivu et que les diamants pré - taillés à Kigali arriveront à Anvers, "blanchis" du sang des gosses....il n'y pas vraiment d'urgence, puisque cela dure depuis maintenant près de 22 ans. De ce côté-là, le statut quo est reconnu par la communauté Internationale. Circulez, il n'y a rien à voir !

Il est évident que le peuple Burundais, lui, appelle à l'aide Paul Kagamé et le Rwanda, étant menacé d'un génocide planifié par le colonialiteur belge et les Pères Blancs depuis 1914 et mis en oeuvre par Nkurunziza, le footballeur - prédicateur ("+/- sic" Louis Michel). Paul Kagamé n'a pas oublié la passivité coupable de la Communauté Internationale quant il lui a refusé, à cette Communauté, de mobiliser la puissance militaire surabondante dont elle disposait dans les environs du Rwanda pour faire cesser, illico presto, le Génocide. Reprendre le même scénario ; la même mise en scène ; la R2P à l'Africaine ? "Bis repetita placent", peut-être, mais "point trop n'en faut" si on ne veut pas éroder le crédit "G" accumulé depuis 1994.

Il faudra peut-être tâter de l'Islam Radical, mais c'est encore un peu tôt. Cet argument ne marche même pas très bien en Ouganda.....alors !!!! Même si Israël est une des tributs soeurs du peuple rwandais suivant les textes sacrés....(Là aussi : "Ceci n'est pas un blasphème"), il ne faudra pas pousser bobonne dans les orties….. !

Mais alors ? Y aura-t-il un parallèle entre la Baule (Miterrand le 20 juin 1990) et Accra (Obama la 11 juillet 2009) ?

Si oui, cela serait de mauvais augure pour Kagame....Il s'est déjà impertinemment énervé quelques fois sur Susan Rice et Samantha Power ! Et ils sont nombreux ceux qui, parmi les Dirigeants de la Communauté Internationale, connaissent, comme lui, les réponses embarrassantes aux questions "What, Who, When, Where and Why" à propos du Génocide, de ses prémices, de ses initiateurs, des ses acteurs, de ses figurants et de ses modus operandi. Toutes et tous ont intérêt à se taire, et à s'observer comme des lobbyistes aux abois, comme des chiens de faïence ou des Parrains de la Cosa Nostra. N'entend-on pas déjà certains observateurs se poser la question de la "présence même" de Paul Kagamé au moment des prochaines élections ? Ceux-là ne tiennent évidemment pas compte que ceux ou celles qui tenteraient de mettre "entre parenthèses" un candidat qui ne leur conviendrait plus, se verrait opposer le peuple rwandais unanime qui, comme un seul homme, clamerait spontanément : "Yes, he can ! "



1 réactions


  • leypanou 9 janvier 2016 17:24

    Tant qu’il ne dérange pas l’empire, Paul Kagamé peut dormir tranquille car tout ce qu’il a ou aurait fait sera sous le coude jusqu’au moment où il commence à déranger soit parce que son comportement devient trop « insupportable » soit parce que des changements imprévus risquent de mettre un pouvoir quelqu’un de non contrôlable/non docile ; dans ce cas, sa chute sera hâtée pour mettre la bonne personne.


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