vendredi 10 mars 2017 - par

Pitié pour Poutou

Je n'ai pas l'intention de voter Philippe Poutou, le candidat du NPA, au premier tour ni au second. Et je pense d'ailleurs qu'il sait très bien qu'il n'y sera pas. Mais je trouve que les médias, les éditorialistes dans la ligne et les journalistes le traitent avec un mépris à peine dissimulé en disant long sur le « progressisme » concret de ces gens et leur véritable ouverture à l'autre. Cela me conforte dans la conviction de l'existence d'une coupure abyssale entre les nantis du système et les petites gens. Et je ne pense pas seulement à Vanessa Burggraf et Yann Moix se retentant à peine de rire grossièrement face au candidat d'extrême gauche lors de la dernière livraison de l'émission de « On n'est pas couché ».

On a vu pleinement leur manque totale de correction élémentaire. Mais pourquoi auraient-ils été corrects alors que Poutou ne sera jamais de leurs maîtres, de ceux qui distribuent les -bonnes- places, qui maintiendront ou non leurs « ronds de serviette » et le salaire -confortable- allant avec. Ils ne sont pas fous, ils ne se permettraient jamais un tel comportement avec Bolloré ou Pinault, Arnault, Charles Beigbeider, Dassault voire Pierre Bergé. Ils ne se le permettraient pas non plus avec un politique des partis dits « républicains », ceux qui se partagent le pouvoir en alternance depuis une cinquantaine d'années selon une mécanique bien huilée.

Du moins jusque là...

Quoi ? Ils n'allaient pas bouder leur plaisir ainsi que la totalité des journalistes interviewant Philippe Poutou. Ils ont en face d'eux un de ces « métallo », un ouvrier qui travaille à la chaîne chez Ford, un de ces « prolos » dont ils parlent tant dans les salons, parfois avec des sanglots hypocrites dans la voix. Il peut même arriver que cela ait donné lieu à des débats enflammés lors des rassemblements de « Nuit debout ». Mais enfin bon, ils ne s'abaisseraient pas à en fréquenter un dans la vraie vie même s'ils leur arrivent d'en croiser, même si les jeunes filles de bonne famille aiment bien s'encanailler avec avant de se trouver un bon reproducteur gagnant bien sa vie.

C'est pour eux, pour elles, un genre de huron de Voltaire, on songe aussi au personnage de Charles Berling dans « Ridicule ». Si ça se trouve il ne va même pas à la FIAC chaque année ! Si ça se trouve il se fiche complètement de l'audace ou non de la programmation au théâtre de l'Odéon ! On n'est même pas certain qu'il se soucie de commerce équitable ou de développement durable le bougre, ces concepts « gadgets » inventés par les bourgeois de gauche sociétale pour se donner bonne conscience.

Il est de ces « petites » gens qui est moins intéressant que les autres car il n'appartient pas à une « communauté » exotique, n'est pas un de ces « bons sauvages » tellement utiles pour se fabriquer un alibi social. Il n'a pas de coutumes bizarres et étranges, il n'est pas issu de la diversité selon le terme hypocrite. Il n'a aucune revendication communautariste sur des pratiques ou des coutumes obscurantistes. Il en remontrerait même aux bourgeois pédagogues que l'on soit d'accord ou non avec lui quant à son sens du progrès, de la laïcité ou du souci du Bien Commun, notion qu'ils ont abandonné depuis longtemps.

La seule chose les intéressant, les passionnant, c'est la défense de leurs propres intérêts et de combler l'Ennui profond, au sens baudelairien du terme, qui leur sert d'idée de la liberté...

Philippe Poutou lui constate « de visu » les ravages de la mondialisation réputée heureuse sur les vies de ces copains de chaîne. Il voit ce que ça donne des politiques sociales-libérales ou libérales-libertaires ou libérales-conservatrices ce qui revient à chaque fois au même à l'exception de quelques détails cosmétiques superficiels. Il ne peut que percevoir les conséquences des « sacrifices » que les nantis n'hésitent jamais à demander aux plus précaires mais dont curieusement ils s'exemptent toujours, à commencer par la destruction méthodique des services publics de l'État depuis déjà des décennies par « souci » d'économie et de rentabilité des institutions.

Lui en tire des conclusions et un vote qui ne sont pas les miens. Mais je me sens plus proche de lui que tous les autres candidats...

 

Sic Transit Gloria Mundi, Amen

Amaury – Grandgil

 

illustration empruntée ici

Voir à ce lien "l'interview" de Philippe Poutou par Vanessa Burgraf




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