Plaidoyer pour une meilleure connaissance de l’Antiquité tardive
Incroyable ! Léonard de Vinci s'est arrêté à Mont-Saint-Vincent, là où les archéologues ne veulent toujours pas reconnaître le site gaulois de Bibracte. Il a suivi la voie antique pour se rendre au château de Fontainebleau, résidence de François Ier. Il nous a laissé une étude, un projet, pour relier par un canal la Dheune et la Bourbince qui coulent au pied de la forteresse. Voici le rétable qu'il a forcément vu dans l'église, temple gaulois méconnu, scandaleusement ignoré.
Nous sommes au III ème siècle après J.C.. Postumus, empereur gaulois, entoure de ses bras bienveillants la jeune ville de Chalon-sur-Saône et la colonie juive qui s'y trouve. Simple roturier de naissance très obscure, homme apparemment sans scrupules parvenu au sommet des honneurs, il compte, bien évidemment, sur la richesse de cette communauté pour développer sa ville et renforcer son pouvoir (1). Tout cela sur un fond de tenture or semée de Tau. Rompant avec la romanité antérieure, il prend parti en faveur d'une espérance juive dans un christ du ciel à venir contre un christ des évangiles qui ne promet qu'arêtes de poisson et assiettes vides. Vous avez compris, je pense, l'opportunité du personnage et son sens politique. Je pense que vous avez aussi compris que Léonard de Vinci s'est inspiré de cette scène pour peindre sa célèbre Cène de Milan, mais que, lui, n'a rien compris en dénigrant Judas à cause de sa bourse.
Si vous avez lu mes articles précédents, vous savez que le chapiteau du choeur de la cathédrale de Chalon ne représente pas les pèlerins d'Émmaüs, comme on le prétend, mais deux martyrs "Étienne" qui, avant de mourir, virent le cel ouvert et le fils de l'homme assis à la droite de Dieu (2). Dès lors que les manuscrits de Qumrân ont été découverts, vous ne pouvez plus ignorer qu'en mettant la main gauche sur le pain consacré et en bénissant de la droite la communauté (qui se trouve dans la nef), vous ne pouvez plus ignorer, dis-je, que c'est très exactement le signe que fera le messie pour se faire reconnaître quand il viendra (3).
Dignes émules des archéologues français, les archéologues israéliens s'entêtent à vouloir rechercher la trace du temple de Salomon dans ce qui était, autrefois, un lieu de décharge publique. Place à la réalité ! Voici, sur cette étonnante plaque en ivoire sculptée, apparemment du IIIème siècle, l'allure extérieure qu'avaient le temple de Salomon et le temple d'Hérode.
Vous distinguez très bien, à gauche, la ville de David avec le temple de Salomon ; à droite, c'est l'ancienne ville basse des Jébuséens avec le temple d'Hérode. Vous constatez, à l'évidence, que nos églises romanes sont à l'image du temple de Salomon et que la cathédrale de Chalon est à l'image du temple d'Hérode avant qu'on y plaque deux tours bien mal venues en façade.
La cathédrale de Chalon, mais oui, c'est le fameux temple dont le rhéteur Eumène disait, au début du IVème siècle, que c'était le plus beau de tout l'univers. Une très curieuse plaque de cheminée nous dit tout sur sa fondation.
Très occupé à défendre le limes rhénan, l'empereur Gallien a installé son fils âgé d'à peine 17 ans sur le trône de Chalon avec le titre de César, puis d'Auguste. Postumus, qui commande l'armée gauloise, est censé le protéger. Confiance bien mal placée car le protecteur s'impose en maître en tenant l'enfant en otage. Quand le malheureux père - il a déjà perdu un fils dans le merdoyer politique de l'époque - vient assiéger Chalon, ou plutôt la forteresse de Taisey, il tombe sur un bec et doit s'en retourner penaud. Postumus élimine alors le fils et se met la couronne d'empereur sur la tête. Nous sommes en 260 environ. Représentés sur un chapiteau, les deux VIctorinus qui lui succèdent nous donnent la date approximative de l'achèvement de la construction, vers l'an 270. Postumus est mort un an plus tôt dans une sédition militaire - eh oui, ce sont les risques du métier de cette époque. Précisons toutefois à son honneur que c'est parce qu'il avait refusé aux soldats le droit de piller la ville de Magnence. On lui doit la construction de notre cathédrale, sonnez le ban !
Et puis, on a oublié tout ça. Les historiens locaux ont imaginé un premier temple insignifiant détruit par les Sarrasins alors que le texte auquel ils se réfèrent ne parle que de la destruction d'un pont extérieur. Puis, faisant confiance à l'abbé Salis, ils ont imaginé une succession de chantiers s'étalant de 1090 à 1522. Où sont les preuves de telles affirmations ? Il n'y en a pas. Où sont les preuves de ceux qui prétendent que les églises romanes ne sont apparues qu’au Moyen âge ?
Notre-Dame du Port n’a pas été construite en 1185, comme ils le disent, mais vers 571 : et ce fut le fait d'un descendant de l’empereur Avitus ; un manuscrit du XIème siècle l'atteste. Prétendre que cette première église a été détruite et remplacée par une autre, où sont les preuves, écrites ou archéologiques de cette prétendue destruction et reconstruction ? Pure illusion !
Saint Austremoine et Saint Nectaire, apôtres du III ème ou IVème siècle, qui n’auraient été honorés d’un tombeau/église que plusieurs siècles après leur mort, à une date que les historiens sont incapables de donner, ainsi que le nom des fondateurs, et alors que les chartes et autres documents nous disent tout sur l’époque récente, cela surprend. Idem pour Brioude, tombeau d’Avitus que les archéologues cherchent encore alors qu’il s’agit de l’église etc... etc...
Il faut arrêter cette histoire de fous ! Toutes ces vieilles églises ont été construites en antiquité tardive. La petite phrase du moine Glaber, seul argument de référence des historiens spécialistes de l’art roman, a été traduite en dépit du bon sens. Hier, cela me faisait sourire. Aujourd’hui, cela m'indigne.(4)
Brioude ? encore plus incroyable ! L’auteur des éditions du Zodiaque donne toutes les références souhaitables pour dater la construction de l’église. Il énumère les nombreux pèlerinages qui s’y rendaient. il cite Grégoire de Tours disant que la basilique était pleine à craquer. Il sait que l’empereur Avitus a été enterré à Brioude et que son tombeau s’y trouvait, mais il ne comprend pas que les chapiteaux de l’actuelle église évoquent, d’une façon particulièrement évidente, le souvenir de l’empereur, son apothéose, ses qualités de cavalier... Brutalement, sans justification aucune, il imagine que cette première église, dont Grégoire de Tours fait pourtant l'éloge, a été détruite, qu’une autre église l’a remplacée, et ainsi de suite, jusqu’à celle d’aujourd’hui. C’est une histoire qui ne tient pas debout.
Étrange paradoxe, en s'appuyant sur des textes certes irréfutables, les historiens d'hier nous ont dressé de l'antiquité tardive le portrait d'une époque de décadence et d'un ordre qui s'écroule sous les coups de boutoir des invasions barbares. Bien que ce jugement soit aujourd'hui plus nuancé, personne n'a proposé d'y voir le "temps des cathédrales", et pourtant.
J’ai une explication : ce sont les prisonniers de guerre et les immigrés clandestins qui nous la donne. On a tendance à penser que c’est grâce à un progrès des connaissances dans la technique et en intelligence que l' homme est arrivé à construire des édifiices de plus en plus grands et de plus en plus majestueux. Ne serait-ce pas plutôt une question de main d’oeuvre ? Eumène dit, par exemple, que Constance Chlore avait ramené de nombreux prisonniers de ses campagnes en Grande Bretagne. Il remercie d’autre part les légions romaines d’avoir « reconstruit » la cité détruite. Cette construction et reconstruction, c'est, bien évidemment, la ville d’Autun avec son enceinte et ses portes monumentales, et j’ajoute : sa cathédrale. Voilà l'explication : légionnaires pour l’encadrement + prisonniers pour la main d’oeuvre = construction. Salaire en nourriture. Origine de cette nourriture : les riches exploitations agricoles des propriétaires gaulois + prisonniers ouvriers agricoles en abondance.
De même à Chalon-sur-Saône, les textes disent que l’empereur Postumus a restauré la paix sur les frontières qui étaient devenues de véritables passoires. D’où : nombreux prisonniers + encadrement venu de l’immigration légale juive = cathédrale de Chalon. CQFD. Que les commentateurs de ce fil, s’ils ne sont pas d’accord, m’expliquent alors ce que devenaient les nombreux prisonniers dont font état les textes. Quant au Moyen âge, comment les pauvres paysans de cette époque auraient-ils pu réaliser une telle oeuvre de construction alors que la source de l’immigration illégale s’était tarie ?
Même chose pour Vézelay. Les textes disent que Julien a « nettoyé » le territoire des bandes d’Alamans qui l'infestaient. Une fois prisonniers, il a bien fallu les occuper.
Curieusement, les franchissements de la frontière semblent s'être ralentis quand l'information se répandit au-delà... qu'on faisait travailler ceux qui l'avaient franchie.
Émile Mourey, 14 décembre 2016, extraits de mes ouvrages, www.bibracte.com
Renvois
(1) Il faut se rappeler que tous les juifs, y compris ceux de la diaspora, étaient tenus de verser une obole au temple de Jérusalem. Sa destruction par les Romains, en 70, a évidemment posé un problème ; d’où l’idée assez géniale de le reconstruire en ville de Chalon-sur-Saône. D’ailleurs, la ville n’a-t-elle pas pris, un moment, le nom de Jérusalem ?
(2) Probablement, évocation, à l’origine, de la conversion des Grecs au judaïsme essénien : Mais Étienne, rempli du Saint Esprit, et fixant les regards vers le ciel, vit la gloire de Dieu et Jésus debout à la droite de Dieu. Et il dit : Voici, je vois les cieux ouverts, et le Fils de l'homme debout à la droite de Dieu.
Ils poussèrent alors de grands cris, en se bouchant les oreilles, et ils se précipitèrent tous ensemble sur lui, le traînèrent hors de la ville, et le lapidèrent. (Actes des apôtres, 7, 55-58)
(3) On sait par les manuscrits de la mer Morte que lors du saint repas, le prêtre tendait le premier la main sur le pain consacré et que le messie espéré agira de même quand il viendra (Rouleau de la Règle, VI, 2 à 6). Il étendra sa main gauche sur le pain de vie, et de sa main droite aux deux doigts dressés, il bénira toute la congrégation de la communauté (Rouleau de la Règle, II, 18 à 22).
(4) La thèse du début des constructions d’églises romanes au Xème siècle repose sur la phrase du moine Raoul Glaber « C’était comme si le monde lui-même se fut secoué et, dépouillant sa vétusté, ait revêtu de toutes parts une blanche robe d’églises » (traduction Georges Duby). Cela ne veut rien dire. Voici ma traduction « C’était comme si, un peu partout et en même temps, tous les habitants du monde, sortant de leur torpeur et enlevant leurs vêtements d’hier, avaient revêtu la robe blanche que les officiants portent dans les églises. » Il s’agit là, d’une image, celle des processions de pénitents de l’an mille qui parcouraient alors l’Europe, un peu partout, dans la peur millénariste de la fin du monde et du retour du Christ. Autrement dit, la référence au moine Glaber au style alambiqué, c’est du bidon.
Rectificatif : dans mon article précédent, "8000 juifs esséniens immigrent en Gaule vers l’an - 88. Histoire d’une intégration réussie, mais dans quel sens ? Référence : Antiquités judaïques de Flavius Josèphe, lire : livre XIII, chapitre 14.2 et non 15,3. Je maintiens que, dans ma thèse, les 800 crucifiés sont des esséniens et non des pharisiens.